Accueil > News > Iran : Ses fournisseurs ne veulent pas d’un embargo sur le carburant



Iran : Ses fournisseurs ne veulent pas d’un embargo sur le carburant
24.09.2009

L’Iran qui est le cinquième exportateur mondial de pétrole doit importer au moins 45% de ses besoins en essence, gazole et mazout. 80% des centrales électriques iraniennes fonctionnent au mazout, de fait, un embargo sur le carburant pourrait donc paralyser le pays. D’abord les Américains puis les Européens avaient évoqué une telle possibilité pour intimider les mollahs, mais tous se dégonflent en rejetant la faute sur la Chine, un fournisseur minoritaire de carburant.



Selon le quotidien britannique Financial Times, « les pressions exercées par Washington sur Téhéran pour mettre fin à son programme nucléaire risquent de faire long feu » car les entreprises pétrolières publiques chinoises ont commencé à livrer à l’Iran via des pays tiers entre 30,000 à 40,000 barils par jour d’essence.

Il faut savoir que les besoins quotidiens de l’Iran sont au moins de 80 millions de litres d’essence. Le régime prétend qu’il produit 44 millions de litres, il lui faut donc importer au moins 36 millions de litres quotidiennement. Ce volume correspond à 220,000 barils par jour. Le fait est que les principaux fournisseurs de ces 220,000 barils sont plusieurs compagnies Britanniques délocalisées qui ont récemment été épinglées par le Congrès américain et non ces compagnies chinoises.

Par cet article, la Grande-Bretagne qui s’est déjà ouvertement opposée à plus de sanctions contre l’Iran cherche à plaider cette cause sans se mettre d’avantage en avant pour se retrouver en contradiction avec son alliance avec les Etats-Unis.

Beaucoup de personnes ignorent que ces deux Etats alliés au sein de l’OTAN sont aussi des adversaires dans le domaine des hydrocarbures. Ils ont été en compétition en Arabie Saoudite : les Britanniques ont explosé l’empire Ottoman pour s’approprier les terres pétrolières, mais ils ont été trahis par l’incroyable Harry St. John Philby, agent britannique qui a conseillé à Ibn Saoud, le premier roi saoudien, de choisir les Américains de Standard Oil comme partenaires pétroliers. Ceci a permis à Washington de prendre pied dans le Golfe Persique.

Les deux se sont aussi affrontés en Iran dès 1945. D’abord les Américains ont essayé de se faire attribuer des contrats par le Premier ministre Ghavam, mais ils ont été contrés par Mossadegh qui était un rival politique de Ghavam. Ils ont alors changé de stratégie pour apporter leur soutien au projet très populaire de nationalisation de pétrole qui pouvait déposséder les Britanniques de leur droit sur les gisements iraniens afin d’ouvrir le marché à leurs compagnies. Ils ont soutenu le Premier ministre de l’époque et l’ont même encouragé à s’entêter ce qui a finalement débouché sur une nationalisation très particulière où les Iraniens n’ont rien obtenu mais les Américains ont pu s’approprier 40% des parts initialement réservées aux Britanniques. Ces derniers ont gardé 48% et le reste est allé aux Hollandais et Français.

L’enjeu pétrolier iranien est toujours d’actualité entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Londres redoute un embargo contre l’Iran car il peut faire plier les mollahs et leur faire accepter une entente avec Washington : cette entente basculerait les réserves iraniennes de pétrole mais aussi de gaz dans la sphère d’influence de l’Amérique. De plus cette alliance offrirait aux Américains un accès exclusif vers l’Asie Centrale, riche terre gazière enclavée qui attend une ouverture vers le monde. Selon la règle, premier arrivé, premier servi, les compagnies pétrolières américaines goberont cru ces réserves convoitées par tout le monde. Elles déclasseront alors leurs concurrentes britanniques (BP+Shell+Vitol) qui règnent en maître depuis 100 ans sur le marché des hydrocarbures. A l’heure où l’on s’achemine vers la création de groupements de compagnies, les Britanniques ne perdraient pas seulement leur couronne, mais aussi ils pourraient se voir racheter par des compagnies américaines ou autres. Le seul moyen de freiner cette tendance est d’empêcher une entente entre Téhéran et Washington et pour ce il faut empêcher un affaiblissement financier des mollahs ce qui se traduit par une augmentation des relations commerciales avec les mollahs pour les alimenter en devises, mais aussi une opposition directe à plus de sanctions sous gestion américaine ou des opérations médiatiques pour discréditer l’efficacité même des sanctions efficaces (c’est le cas de cet article).

Ces opérations médiatiques sont bénéfiques pour l’intérêt global du pays commanditaire, mais aussi pour ses intérêts commerciaux qui dans ce cas sont ceux des compagnies britanniques fournisseurs de carburant à l’Iran. C’est pourquoi, il est bien précisé que la fourniture de carburant à l’Iran est parfaitement légale car elle n’enfreint aucune résolution de l’ONU.

Cet article très particulier du Financial Times a également été diffusé comme tel et sans aucune annotation négative en France car ce pays qui est aussi un fournisseur de carburant à l’Iran redoute une entente exclusive entre Téhéran et Washington surtout par peur pour ses très avantageux contrats pétroliers ou gaziers en Iran. De fait, la France participe aussi à la campagne pour minimiser les effets de l’embargo. Cette opposition à l’embargo a d’ailleurs été confirmée par Bernard Kouchner dans une interview publiée hier dans le NYTimes où à court d’arguments, le French Docteur a évoqué « son opposition personnelle et aussi des appréhensions humanitaires pour le peuple iranien ! »

C’est évidemment un prétexte car bien au contraire, le peuple iranien attend depuis 6 ans cet embargo pour abattre le régime des mollahs. Les Iraniens savent d’ailleurs que la résistance à cet embargo, quelle que soit son origine (américaine, français, allemande ou britannique), est avant tout une opposition à l’éventualité de la chute d’un régime qui convient aux 4 grands pour diverses raisons géopolitiques ou commerciales.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions unilatérales (en cours d’application ou à venir) |

| Mots Clefs | Instituions : Economie iranienne |