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Iran : Les conséquences du dernier rapport de l’AIEA
31.08.2009

Mohamed El Baradai, le directeur de l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a publié vendredi un rapport confidentiel accablant pour l’Iran. Le lendemain, il a publié son dernier rapport sur l’Iran en tant que directeur de l’AIEA, un rapport totalement opposé qui évoque un ralentissement délibéré des activités nucléaires, mais aussi une certaine coopération, ce qui est un très bon point pour Téhéran. El Baradai finit ainsi une carrière de double langage en beauté, on peut même parler d’un chef d’œuvre de stratégie qui peut servir les intérêts de Téhéran contre ceux de Washington.



On a longtemps cru que Mohamed El Baradai agissait par sympathie islamique pour les mollahs, hypothèse susurrée par un expert lié à la Grande-Bretagne. C’est une hypothèse un peu bancale car il aurait dans ce cas était relevé de ses fonctions par son employeur : le Conseil de Sécurité.

Le mystère El Baradai | En effet, l’AIEA est un organisme de contrôle au service du Conseil de Sécurité. De ce fait, son directeur est choisi pour servir les intérêts des membres permanents de ce conseil et non ceux de la planète ou de son pays ou encore ceux de sa religion. Ces intérêts particuliers peuvent coïncider avec les intérêts des 5 grandes puissances mondiales, mais il est plus judicieux d’analyser les actions du directeur de l’AIEA par rapport aux attentes souvent non exprimées des 5 puissances qui vivent une cohabitation difficile, mais courtoise au sein du Conseil de Sécurité. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie ont tous des intérêts (commerciaux ou pétroliers) divergents, même entre alliés.

En ce qui concerne El Baradai, ses rapports sur l’Iran ont toujours paru pro-mollahs car ils étaient dans le sens opposé des attentes américaines : c’est-à-dire anti-sanctions. L’obédience de cette démarche anti-américaine était rendue difficile à détecter en raisons des rumeurs sur l’idéologie pan islamique de ce diplomate égyptien. Mais en février 2008, l’origine de cette démarche est devenue claire quand El Baradai a axé ses rapports suivants sur des documents fournis et défendus comme recevables par l’ambassadeur britannique auprès de l’AIEA, dévoilant l’existence d’un conflit d’intérêts entre les Britanniques et les Américains à propos de l’Iran.

Ce conflit n’est pas nouveau, ces deux pays alliés dans de nombreuses guerres contre les autres puissances ont depuis les années 50 un conflit d’intérêts en Iran car à cette époque, les Américains ont commencé à vouloir arracher ce pays à la sphère de l’influence britannique, à la fois pour son pétrole mais aussi pour sa position géostratégique de plateau de connexion vers d’autres territoires qu’ils souhaitaient contrôler. Le Moyen-Orient et le Golfe persique qui étaient sous l’influence britannique ainsi que le Caucase et l’Asie Centrale qui étaient sous l’influence soviétique. L’enjeu de ce monopoly géant était de contrôler des ressources pour dépasser les Britanniques qui sont depuis 100 ans le leader du marché pétrolier mondial pour devenir la première puissance mondiale, celle qui impose ses prix et peut ainsi contrôler le taux de croissance de ses adversaires.

Aujourd’hui, ce conflit permanent entre Américains et Britanniques retrouve naturellement sa place dans le bras de fer entre les Etats-Unis et les mollahs, bras de fer dont l’enjeu est de forcer une alliance avec Téhéran pour accéder aux territoires pétroliers vierges de l’Asie Centrale et de la Caspienne.

Gestion des sanctions | Pour gagner cette bataille, les Américains devaient faire plier les mollahs avec beaucoup de sanctions sans les mettre en danger (affaiblir sans renverser). Pour avoir les mains libres et doser selon leurs besoins les sanctions, ils devaient avoir la gestion des menaces et des sanctions. Ils ont alors évoqué des preuves pour porter le dossier au Conseil de Sécurité afin de faire admettre le danger du nucléaire iranien et la nécessité de sanctions. Ils ont ainsi neutralisé l’opposition de leurs adversaires, Britanniques, mais aussi Russes ou Chinois, victimes potentielles de l’hégémonie américaine sur le pétrole. C’est pourquoi chacun de ces Etats a été ravi par les rapports d’El Baradai qui contredisaient régulièrement les preuves américaines. Mais au vu des documents utilisés par ce dernier pour étayer ses rapports, il s’avère qu’un seul Etat était à l’origine de cette démarche : la Grande-Bretagne.

Cette approche a fortement déplu aux Etats-Unis et finalement coûté sa place à El Baradai. Il doit céder sa place au japonais Yukiya Amano, proche des Américains. Avant de vider les lieux, il a laissé en héritage à son successeur ce double rapport sur l’Iran : d’une part un « rapport confidentiel accablant » (selon le Figaro) qui est ni plus ni moins l’expression des accusations américaines [1] formatées pour affaiblir les mollahs sans les renverser, et d’autre part, son rapport officiel qui servira de base pour la suite des sanctions. Ce rapport est une véritable bombe puisqu’il parle d’une certaine coopération de Téhéran.

L’importance de ce détail tient au fait que mécontentes de s’être fait avoir par les Etats-Unis qui les ont engagés dans le processus des sanctions, la Russie et le Chine avaient promis qu’elles ne prendraient part à aucune sanction ou résolution contre l’Iran si ce pays coopérait. Or, dans ce rapport testament, El Baradai parle non pas d’un seul cas de coopération, mais de plusieurs, mais aussi d’une volonté de ralentissement dans les activités et la production de matières faiblement enrichies !

Ce rapport testament d’El Baradai en détail | « C’est la première fois que l’on voit une réduction... L’Iran continue d’installer des centrifugeuses sur son site de Natanz, mais le nombre de machines en activité a diminué ! Au total, 4.592 centrifugeuses sont en activité contre 4.920 au moment du dernier rapport de l’AIEA en juin… »

Par ailleurs, l’AIEA affirme que le régime des mollahs a « autorisé la visite du réacteur de recherche à Arak ». Pour insister sur le ralentissement des projets nucléaires iraniens, le rapport affirme que le site est loin d’être achevé alors que par le passé il avait reconnu que sur ce site achevé, l’Iran n’avait pas pu atteindre le niveau de compétence qu’il prétendait avoir.

Dans ce rapport bidonné, l’AIEA affirme également que Téhéran a également répondu favorablement à des demandes d’observation plus pointilleuses de son site d’enrichissement d’uranium de Natanz. La prochaine inspection doit avoir lieu en novembre (il s’agit en fait d’inspection de vidéos des caméras installées sur place et non une présence physique des inspecteurs de l’AIEA sur place). Bref, el Baradai a blindé l’attaque contre l’intérêt américain de renforcer les sanctions en réponse au refus de Téhéran d’accepter l’entente proposée par Obama.

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Avec son rapport, El Baradai a voulu porter un coup mortel à la stratégie américaine. Washington a d’ailleurs senti l’onde du choc puisqu’il se dit perplexe sur la qualité de cette coopération. Dans 6 mois, le prochain rapport conçu par l’homme de Washington rétablira la gestion américaine des sanctions. Bref, la crise n’est pas prête de se conclure tout comme le conflit pétrolier qu’elle dissimule.


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Article complémentaire :
- AIEA : L’Iran n’aime pas les successeurs d’ElBaradei
- (27 FÉVRIER 2009)

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : El Baradei |
| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |

[1Rapport confidentiel (extrait d’un article Maurin Picard du Figaro) | Le rapport n’avance aucune révélation sur de nouvelles trouvailles faites par les inspecteurs onusiens lors de leurs visites sur les principaux sites nucléaires iraniens. Le document résume cependant la frustration de l’AIEA après six ans d’investigations globalement infructueuses, marquées par le refus manifeste du régime islamique de coopérer. Depuis un an, « Téhéran n’a pas daigné répondre aux nombreuses questions en suspens » qui lui avaient été adressées par l’agence, souligne le rapport. Aucune explication n’a été fournie depuis février 2008 sur des renseignements troublants faisant état d’expériences de « militarisation » du programme nucléaire iranien, connues sous le nom de programmes « 110 » et « 111 » et dirigées par un scientifique, Mohsen Fakrizadeh. Une personnalité que l’AIEA n’a encore jamais été autorisée à interroger.