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Iran : Pas de plan B pour Ahmadinejad
24.08.2009

En se basant sur les titres de la presse iranienne, on peut conclure à une instabilité d’Ahmadinejad. Il est critiqué par des adversaires qui l’accusent de fraudes et d’élus de son propre camp qui rejettent la fraude mais lui reprochent une certaine incompétence.



La presse iranienne est remplie de critiques à l’égard des choix d’Ahmadinejad. Le clergé « ne veut pas de ministres femmes dans le gouvernement d’Ahmadinejad », alors qu’il n’avait jamais critiqué ce genre de nomination. Le Parlement évoque pour sa part le rejet de plusieurs ministres envisagés par Ahmadinejad.

Par ailleurs, le Parlement a suspendu un proche conseiller d’Ahmadinejad pour avoir versé deux ans de salaires indus à un ami. C’est un comble, ce même Parlement si sourcilleux des dépenses a versé pendant 20 ans un salaire de conseiller à Moussavi qui n’a jamais daigné se rendre dans les luxueux locaux prévus pour cette activité dans l’enceinte du Parlement. Ce détail aurait pu être évoqué par les médias proches d’Ahmadinejad, mais tout le monde l’a oublié à Téhéran. On dirait que la saison de chasse à l’Ahmadinejad est ouverte. Même le guide est peu entendu alors qu’il pourrait d’un signe interdire au Parlement toute initiative pour clore cette campagne qui fait désordre. Ce silence n’est pas fortuit. Nous sommes face à une mise en scène lancée par le régime lui-même pour discréditer le président qui est le principal interlocuteur des Six dans le dossier nucléaire. L’objectif est d’emmener les Six à se douter de sa légitimité comme interlocuteur. Via cette instabilité feinte, le régime veut bloquer les négociations avec les Six afin de ne pas renoncer à son cher droit à l’enrichissement.

Droit à l’enrichissement | Dans peu de temps, le régime des mollahs doit donner une réponse positive à l’offre de compromis qui lui avait été faite par les Six. Cette réponse suppose l’acceptation de l’arrêt de l’enrichissement, activité nucléaire qui est une étape vers le nucléaire militaire. Le droit à l’enrichissement insinue la possession d’une bombe islamique. Cette arme a une forte valeur symbolique dans la région : il s’agit de devenir l’égal d’Israël, l’ennemi suprême pour les musulmans solidaires de la Palestine. Tous les adversaires arabes ou musulmans de l’Etat d’Israël soutiennent cette revendication des mollahs. En s’affirmant le chantre de ce droit à l’enrichissement, Téhéran s’assure le soutien de la rue arabe et confirme son rôle régional acquis sur un autre slogan : la destruction d’Israël. Les deux slogans se complètent.

Il est néanmoins important de préciser que le droit à l’enrichissement et des annonces scientifiques en ce sens restent des slogans car dans le même temps, le régime n’arrive pas à démarrer sans l’aide des russes sa seule centrale nucléaire civile achevée à 99% ! En fait l’aspect technique importe peu pour Téhéran. Il a juste besoin d’un rêve pour s’assurer le soutien de la rue arabe. Téhéran a bluffé trop loin, il ne peut pas renoncer à ce droit à l’enrichissement pour s’entendre avec les amis d’Israël car il perdrait la face et le soutien de la rue arabe ce qui pourrait provoquer une rupture de ses milices. Il perdrait ses moyens de riposte, son assurance vie.

Incapable de faire des concessions, il a toujours joué la carte de l’amplification de la crise pour créer les conditions d’une confrontation en espérant que ses adversaires capituleraient pour éviter le pire et lui accorderaient ce droit à l’enrichissement, droit aux slogans.

Sous les républicains, Téhéran était à l’aise pour amplifier la crise. L’arrivée d’Obama a perturbé les mollahs, car il a proposé un dialogue immédiat et sans condition préalable, un apaisement contraire à leur ambition d’être le principal facteur régional de nuisance.

La première réponse de Téhéran a été de tirer des missiles pour provoquer une rupture, mais Obama a mis en place une politique d’esquive. Téhéran a alors multiplié les provocations y compris en prenant en otage la journaliste irano-américaine Roxana Saberi et en la jugeant pour espionnage. Rien n’a provoqué une rupture dans la politique de l’offre de dialogue.

Feinte | Incapable de provoquer Washington, il a décidé de le piéger. Tout de suite après l’élection d’Ahmadinejad, un mouvement de couleur verte se réclamant de la tradition révolutionnaire islamique a contesté les résultats électoraux en demandant de nouvelles élections. Téhéran reprenait le scénario américain de révolution orange en Ukraine. Le régime espérait pousser Obama à prendre le parti de ce mouvement populaire. Cela aurait eu deux effets : Obama aurait discrédité le président élu : il n’aurait pas pu représenter le pays dans les négociations nucléaires. Ou alors, il aurait accordé une reconnaissance internationale à son adversaire Moussavi qui demandait aussi le droit à l’enrichissement. En fait, Obama aurait sans le vouloir bloqué les négociations ou porté au pouvoir un islamiste pro-nucléaire et aussi reconnu le droit du peuple iranien à l’enrichissement. Téhéran aurait gagné la partie par KO sans avoir livré combat.

Les Américains n’ont pas été piégé par le mouvement vert et les Iraniens ont profité du droit à la manifestation pour se soulever. Après avoir maté ce soulèvement, le régime a voulu relancer le mouvement vert, mais après de nombreux échecs, il a opté pour un plan B moins dangereux : la remise en cause d’Ahmadinejad par des députés de son propre camp, un scénario rendu possible par des choix présidentiels délibérément critiquables suivis de fortes polémiques sur la pertinence du choix et des demandes de destitution. Cela était une mise en bouche qui devait préparer l’opinion occidentale à la nouvelle évoquant une investiture boycottée par les principaux responsables du pays. Téhéran espérait pousser les Occidentaux à désavouer officiellement ce président non représentatif.

Comme on pouvait s’en douter, ce désaveu ne vint pas. Les Occidentaux ont même reconnu ce petit diable pour mettre fin aux manœuvres agaçantes de Téhéran. Aujourd’hui, il ne sert plus à rien de discréditer Ahmadinejad, mais le régime continue les annonces de problèmes avec le Parlement car il n’a pas trouvé mieux. C’est un pis aller.

Désormais pour une crise plus grande, il lui faut du plus costaud : une destitution d’Ahmadinejad ou encore comme un attentat raté contre lui pour accuser l’Occident ou Israël afin de rompre unilatéralement le dialogue, pour amplifier la crise, aller à la confrontation, etc… Mais laissons aux mollahs le choix d’initiatives louches, ils ne manquent pas d’imagination dans ce domaine.

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Pour en savoir + :
- Iran : Le régime est entré en zone de turbulences
- (15 AOÛT 2009)

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : DROIT à l’enrichissement et Maîtrise du cycle |
| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

| Mots Clefs | Institutions : Parlement Islamique |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie (médiatico)-Islamique |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |

| Mots Clefs | Mollahs & co. : Les Ministres et leur CV |

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (des mollahs) |