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Iran : Clotilde Reiss, une otage en sursis
12.08.2009

Il y a deux jours, on imaginait le pire sur l’issue du procès de Clotilde Reiss accusée d’avoir encouragé des manifestations hostiles au régime, un délit passible de plusieurs années de prison ferme. Mais dans un revirement inattendu, le régime des mollahs a proposé une liberté conditionnelle pour la jeune Française d’ici à la fin de son procès à condition qu’elle réside à l’ambassade de France à Téhéran. L’affaire est liée aux révélations sur les viols dans les prisons iraniennes.



Samedi dernier, quand a débuté le procès de Clotilde Reiss, Alaeddine Boroujerdi, chef de la commission des affaires étrangères du Parlement islamique, s’est félicité de la détention et du procès de la jeune Française qui devait selon lui être le procès de l’ingérence des puissances étrangères en Iran. L’objectif était clairement défini : faire le procès de l’Etat français. Dans une logique de preneur d’otage qui garde le flou sur le sort de sa victime (la mort ou la libération), le tribunal révolutionnaire islamique avait d’ailleurs délibérément omis d’énoncer les chefs d’accusation et les peines requises pour mettre la pression à l’Etat français.

L’objectif était d’obtenir un assouplissement de la position française vis-à-vis du régime sur la question nucléaire. Actuellement, pour bloquer les négociations, le régime veut simuler une crise politique autour du scénario de l’absence de la légitimité du président élu, une illégitimité qui ôte toute valeur aux négociations à venir.

Ce scénario ne peut fonctionner que si l’on y croit : ce qui n’a jamais été le cas de la France. Ce pays avait d’abord ignoré Moussavi, le leader de cette contestation, avant de donner un cadre légal à ce choix en affirmant que la France reconnaissait uniquement les Etats et non les gouvernements. Ce qui voulait dire que contestation ou pas, l’Iran allait devoir répondre en temps et en heure aux demandes qui lui étaient adressées par la communauté internationale.

Clotilde Reiss a été arrêtée quand la France faisait acte d’ignorer Moussavi, elle est passée en jugement pour des motifs gravissimes, juste après que la France ait légalisé son refus de se laisser embarquer dans le scénario de la contestation feinte de la légitimité de l’interlocuteur des Six dans le dossier nucléaire.

Bien que consciente des enjeux de ce procès sans contenu judiciaire, la France n’a pas donné satisfaction aux mollahs : elle n’a pas changé immédiatement son discours sur le scénario de la contestation de la légitimité d’Ahmadinejad. Ce nouveau refus a mis Téhéran dans un grand embarras car il voit dans cette contestation l’unique moyen de bloquer les négociations et il doit obtenir un soutien international avant la prochaine rencontre des Six prévue le 15 septembre 2009 en marge de la 64e assemblée générale de l’ONU. Désormais, Téhéran a tout juste un mois pour concrétiser son scénario. Pour obtenir un soutien international urgentissime à sa contestation scénarisée, il a eu l’idée folle d’évoquer les viols des prisonniers du mouvement contestataire pour agir sur la corde sensible : obtenir un soutien humanitaire aux contestataires persécutés comme une alternative à une reconnaissance politique de leur action.

Bien que cette dernière initiative était indépendante du cas de Clotilde et que les viols avaient été localisés dans une prison désormais fermée, ces révélations surmédiatisées par des hauts responsables du régime ont fait aussi monter la tension autour de la jeune et jolie Française livrée à elle-même dans les geôles iraniennes comme une cible facile pour ce genre de sévices. On imagine mal des Français rester en bons termes avec un tel régime, on imagine mal des entreprises françaises à l’aise pour investir en Iran. Téhéran qui est très sanctionné et isolé et se maintient grâce à certaines entreprises françaises a compris que dans sa hâte d’obtenir un soutien à son scénario de contestation, il était allé trop loin. C’est ce qui a fait reculer hier ce régime qui a proposé « une liberté conditionnelle pour la jeune Française d’ici à la fin de son procès à condition qu’elle réside à l’ambassade de France à Téhéran » : il a besoin d’un otage pour faire pression sur la France et non d’un nouveau symbole féminin de sa répression comme l’a été Neda. C’est un retournement de situation qui donne l’avantage à la France.

Explications de l’avantage français | Quand les révélations des viols ont été publiées par le régime, il est devenu impossible pour la France de continuer sa politique de patience à propos de cette détention pour ne pas donner de gages aux mollahs : chaque jour de plus en prison aurait été un jour de plus d’inquiétude pour les Français, une anxiété synonyme d’une baisse de popularité présidentielle dans les sondages d’opinion. La France avait alors lâché du terrain sur sa position en exprimant ses « vives préoccupations au sujet des mesures brutales de répression visant une large partie de la population iranienne contestant pacifiquement la sincérité et les résultats du scrutin présidentiel du 12 juin ».

Après le geste gêné de Téhéran, elle a adopté le silence pour mettre la pression aux mollahs. Elle espère les pousser dans leurs derniers retranchements pour obtenir une libération pure et simple de la jeune Française qui devra ce coup de théâtre à sa beauté touchante, à son expression digne pendant le procès, à la justesse des manœuvres françaises et surtout à l’imprudence d’un régime pris à la gorge qui improvise et par conséquent multiplie les erreurs.

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Clotilde libérée, Téhéran se focalisera sur les 3 journalistes juifs Américains arrêtés au Kurdistan iranien et à défaut d’un soutien international à la contestation, il va renforcer la contestation intérieure avec le scénario d’une brouille entre Ahmadinejad et le Parlement islamique au sujet d’un désaccord sur les ministres du futur cabinet.

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Pour en savoir + :
- Iran : Un processus incontrôlable de fuite en avant
- (7 JUILLET 2009)

Pour en savoir + sur le procès de Clotilde Reiss :
- Iran : Les peines possiblement encourues par Clotilde Reiss
- (10 AOÛT 2009)


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| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Terrorismes : Prise d’otages |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France |