Iran : Français et Américains face à Ahmadinejad 07.08.2009 Après sa prestation de serment devant le Parlement Islamique, Ahmadinejad est devenu officiellement le prochain président de la république islamique d’Iran. Les réactions à l’investiture d’Ahmadinejad se sont unanimement focalisées sur une absence de félicitations (par les occidentaux) et non sur la légitimité du nouveau président. Dès mardi, avant même la cérémonie d’investiture, Washington a fait savoir qu’il reconnaissait la « personne investie » c’est-à-dire Ahmadinejad comme le « président élu de l’Iran », mais qu’il n’y aurait pas de félicitations. Questionné sur l’Iran, mercredi un porte-parole du Quai d’Orsay a dit que le président Sarkozy n’adresserait pas de message de félicitations au président iranien Mahmoud Ahmadinejad, et finalement, jeudi 5 juillet, Amadeu Altafaj Tardio, porte-parole de l’Union européenne, a affirmé que l’« UE n’avait pas envoyé de message de félicitations et n’avait pas l’intention de le faire ». Tous les États occidentaux ont focalisé leur réponse sur la question mineure des félicitations alors le sujet qui a occupé tous les médias pendant près de 2 mois a été la légitimité du nouveau président. En fait, en se focalisant sur des félicitations ou pas, ces États en conflit avec l’Iran cherchaient à éluder la question de la légitimité de leur interlocuteur direct dans les pourparlers. S’ils avaient remis en cause cette légitimité, ils auraient de facto bloqué tout dialogue avec l’Iran comme le souhaite Téhéran. Conscients du fait que Téhéran veut bloquer le dialogue avec le scénario d’une contestation généralisée (théorie de lutte interne), ils ont non seulement reconnu Ahmadinejad ou encore le processus de sa légitimation via le Parlement, mais aussi éliminé de leur équation toute référence directe à Moussavi, le pivot de ce scénario de blocage. C’est un cuisant échec pour le régime, mais pas une défaite absolue car malgré les apparences il ne s’agit d’une position concertée et unanime : les réponses américaine et française ne se ressemblent pas du tout, elles sont même diamétralement opposées. Pour justifier l’absence de félicitations à Ahmadinejad, la France a évoqué un point de droit international : « Elle ne reconnaîtrait que les États jamais les gouvernements ». Elle a en fait agi préventivement pour empêcher le régime de bloquer le dialogue en simulant une crise de la légitimité du gouvernement : si l’on ne reconnaît pas le gouvernement, on ne reconnaît pas une crise sur sa légitimité. La France a en fait trouvé le parfait prétexte pour ne rien dire sur la contestation interne et sur ses meneurs dont Moussavi. C’est une position intéressante car elle prive Téhéran de sa théorie de lutte interne entre les conservateurs et les modérés, théorie conçue pour retarder les compromis. Si les Américains avaient adopté cette ligne révolutionnaire, on aurait pu parler d’une défaite absolue pour Téhéran et on aurait pu diagnostiquer une fin proche pour la crise autour d’une solution globale via les Six : une entente synoyme de la fin des sanctions américaines qui pèsent sur les partenaires commerciaux et énergétiques de l’Iran comme la France. Mais les Etats-Unis n’ont pas adopté cette position française car elle est contraire à leurs intérêts en Iran. Les États-Unis ne souhaitent pas une entente globale via les Six, mais une entente exclusivement bilatérale avec le régime des mollahs pour contrôler le Moyen-Orient et accéder à l’Asie Centrale, région qu’ils veulent soustraire aux influences de la Chine et et de la Russie (deux membres des Six). Cette entente bilatérale ne serait possible que si le régime des mollahs acceptait officiellement de se doter d’une présidence modérée. C’est pourquoi, tout en évitant de citer Moussavi qui remet implicitement en cause la légitimité d’Ahmadinejad et du dialogue en cours, les Américains ont fait part de leur « appréciation et admiration pour la résistance continue et les efforts en cours des réformateurs pour faire les changements que le peuple iranien mérite. » Derrière une nouvelle apparente unité de langage franco-américaine, on retrouve donc les divisions entre les Occidentaux, divisions dues à des intérêts très divergents. Ces mésententes avaient par le passé profité aux mollahs, mais cette fois les choses sont différentes. Le dialogue avec les modérés n’est plus proposé par des Européens hostiles à de nouvelles sanctions, mais par les Américains qui contrôlent toutes les sanctions économiques contre les mollahs. La proposition du dialogue avec les modérés n’est donc plus un obstacle à de nouvelles sanctions, mais bien au contraire un moyen de pression. Téhéran est face à une situation inédite où les divisions entre les Occidentaux ne jouent plus en sa faveur. Il y a donc un petit progrès.
| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France |
| Mots Clefs | Pays : Europe (UE, UE3, union européenne) |
|