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Iran : Surtout, ne nous fâchons pas !
27.10.2006

Mon cher ami Yves Thréard écrivait hier dans son édito [1] du Figaro : « On voit de moins en moins ce qui pourrait inciter l’Iran à arrêter sa course vers l’arme nucléaire ».



Suivait alors une minutieuse énumération de faits conformes aux visions du Quai d’Orsay : Londres et Paris et Berlin « ont longtemps sorti la carte du dialogue, avant de durcir le ton, Washington a souvent changé de pied ». Il a aussi ajouté que « l’Iran, de son côté, sait qu’il dispose de l’arme redoutable du pétrole ». Il y a beaucoup d’inexactitudes dans ce feuillet.

D’autant plus que l’éditorialiste du Figaro joue les candides afin de ne pas entrer en conflit avec le politiquement correct. « Comment refuser aux États aspirant à la bombe ce que l’on autorise à d’autres, comme l’Inde et Israël, pourtant non signataires du TNP ? » (Surtout, ne nous fâchons pas !)

Cette phrase surréaliste et en somme très drôle montre la rigueur qui a présidé à l’écriture du feuillet. Les états non signataires du TNP sont souverainement libres d’avoir la bombe atomique. LE TNP est un traité discriminatoire et ceux qui l’ont signé n’ont pas le droit à la bombe. La réponse à cette question que se pose Yves Thréard est donnée par le TNP et le droit international. Mais d’avoir posé la question montre le désarroi qui règne dans les rédactions des journaux parisiens. Le reste de « l’article » vaut son pesant de papier recyclé : « Y aurait-il deux poids, deux mesures, au gré d’intérêts géostratégiques ? » (à propos de l’Inde et Israël)...

Si la fin frise l’inconscience, pire, le début du feuillet est aussi peu connecté à la réalité qu’est la fin qui frise la prise de substances illégales : Londres, Paris et Berlin « ont longtemps sorti la carte du dialogue, avant de durcir le ton, Washington a souvent changé de pied ».

La carte du dialogue est à l’origine de l’impasse actuelle, si dans votre article, cher ami, vous évoquez la Corée du Nord, laissez-moi vous rappeler que la géopolitique n’est pas non plus soumise à deux poids, deux mesures, au gré des besoins de la rédaction. La communauté internationale ne se réduit pas à Paris, Londres, Berlin et Washington. Mon Cher Yves Thréard [2] vous avez oublié Moscou qui aujourd’hui peut se permettre de décider de l’avenir de la Syrie et même de celui de l’Europe à qui elle fournit une part écrasante de ses besoins énergétiques.

Et pourtant, on l’oublie car rappeler son existence revient à reconnaître à contre-cœur la défaite de la diplomatie Européenne. En 2003, l’Iran des mollahs survivait grâce à son pouvoir de nuisance au Liban et la Russie pataugeait dans ses dettes. Aujourd’hui, la Russie a pris en main la crise iranienne et Nord Coréenne et fait chanter et danser la communauté internationale dans sa polka infernale.

L’Europe a fait traîner les négociations dans l’espoir de voir s’essouffler l’exigence américaine du transfert du dossier au Conseil de Sécurité. La crise a fait monter les prix du pétrole. Qu’importait ce petit problème, puisque l’Europe achetait du pétrole iranien en Buy-Back à 8 $ le baril.

L’augmentation puis la flambée des cours du pétrole ont enrichi tous les pays sauf l’Iran. La Russie en tira le plus grand bénéfice, remboursa ses dettes à l’Europe, effaça les dettes militaires de ses clients et leur permit de relancer son industrie militaire (ses clients étant d’autres producteurs de pétrole enrichis par la flambée des prix !).

La Russie s’est même payé le luxe de ravir 5% des actifs de EADS… et ce n’est qu’un début, puisqu’elle rêve de fonder une OPEP des fournisseurs de gaz. Nous devons cette catastrophe à l’incapacité des Européens ; à leur mépris de prendre en compte ce qui se décide loin de Paris, de Berlin, de Londres et de Washington.

Comme nous l’avons écrit dès le 14 février 2006… | En septembre 2005, L’UE espérait encore que les pays non européens acheteurs du pétrole iranien s’opposeraient à la saisine. Or en septembre 2005, le Japon, un des 5 principaux clients des mollahs (avec la Chine, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne), en a accepté la possibilité, et la résolution du 24 septembre 2005 fut votée.

Cette résolution comportait un mécanisme de gâchette capable d’envoyer les mollahs devant le Conseil de Sécurité dès décembre 2005. Cette résolution a mis l’UE dans l’embarras. En octobre, les Européens ont alors cherché à impliquer la Russie qui est le principal fournisseur des mollahs en équipements nucléaires !

Fin 2005, les mollahs ont tout fait pour pousser l’UE à rompre pour se trouver face aux Américains. La république islamique voulait négocier directement avec Oncle Sam d’égal à égal et ainsi prendre le leadership mondial de l’Islamisme. Mais les Européens s’accrochaient à leurs contrats commerciaux avec l’Iran, contrariant les prévisions des mollahs. Excédés, ces derniers avaient multiplié les provocations sur des sujets sensibles comme le négationnisme !

Désormais, les mollahs font tout pour amplifier la crise et l’Europe ne lâche pas prise. ELLE est un des éléments de la crise et malgré elle, l’Europe sera l’artisan de la puissance de ses propres ennemis. Si « l’Iran (est) toujours plus dangereux » (titre de votre édito), c’est bien par la faute de l’Europe.

Quant à la supposée redoutable arme pétrolière de l’Iran, mon cher ami, je vous invite à relire un excellent papier publié dans le Figaro, il y a jour pour jour 1 mois alors que les prix du pétrole avaient à peine amorcé leur baisse !

Pour en savoir + :
- L’Iran et l’arme à « double tranchant » du pétrole
- (28.09.2006)

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Iran-resist.org-UE3

[1Edito d’Yves Thérard sur le nucléaire | L’Iran toujours plus dangereux | 26 oct. 06

[2un autre édito d’Yves Thréard | que nous avions salué pour la justesse de ses propos... | Effrayant Hezbollah | 18.08.2006