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Le fil conducteur entre l'Iran, l'Irak et la guerre au Liban
15.08.2006

L’Iran fait pression sur les milices shiites en Irak pour qu’elles organisent des attaques contre les forces américaines en représailles contre l’assaut israélien sur le Sud Liban a dit vendredi dernier, l’ambassadeur américain en poste à Bagdad. Selon Zalmay Khalilzad, dans les semaines à venir l’Iran pourrait fomenter encore plus de violence lorsqu’il sera confronté aux sanctions de l’ONU à propos de son programme nucléaire.



Les incitations iraniennes ont conduit à une amplification des attaques au mortier et à la roquette contre la zone verte a précisé Zalmay Khalilzad. La zone verte est une zone sécurisée sur la rive gauche du Tigre qui comprend les anciens palais baroques de Saddam Hussein où sont maintenant installés le gouvernement irakien et l’ambassade US.

Selon Khalilzad, la guérilla chiite qui se livre à ces attaques est l’armée du Mahdi. L’armée du Mahdi est menée par Moqtada Sadr, sous la direction du régime des mollahs et avec le soutien du Hezbollah Libanais. Zalmay Khalilzad a dit ne pas être en mesure de présenter des preuves directes de la participation « iranienne » aux « opérations spéciales de la milice » de Moqtada Sadr, mais selon l’ambassadeur américain, des preuves sont nombreuses au sujet de l’implication du régime des mollahs dans l’intensification des attaques en Irak. Selon Khalilzad, les milices sont les instruments des mollahs, s’ils demandent aux milices de radicaliser la lutte, c’est parce qu’ils veulent étendre leur influence dans les régions concernées. Ainsi, les milices de Sadr permettent aux mollahs de s’emparer de l’Irak comme le Hezbollah lui permet de diriger le Liban.

C’est la première fois qu’un membre de l’administration Bush établit officiellement des liens entre la recrudescence de la violence en Irak et le soutien américain à la campagne israélienne au Liban ou à l’approche américaine vis-à-vis du programme nucléaire iranien. Par ailleurs, jusqu’à présent les officiels américains n’avaient pas fait publiquement état de connexion directe entre les milices chiites d’Irak et le Hezbollah du Liban. Les commentaires de Khalilzad renforcent les observations de nombreux analystes au sujet de l’essor des chiites irakiens et sur la création d’un croissant chiite au Moyen-Orient. Un croissant composé de la république Islamique d’Iran et des milices actives au Liban et en Irak qui travaillent de concert contre des ennemis communs (les USA, Israël ou les états arabes sunnites).

Malgré les attaques menées menées par ces groupes, Khalilzad a insisté sur le fait que les dirigeants chiites irakiens -y compris Sadr- n’avaient pas encore réussi à atteindre le niveau de violence exigé par l’Iran. Et ce parce que, en dehors de Moqtada Sadr, les leaders chiites se sont généralement plus comportés en patriotes irakiens que conformément aux exigences de l’Iran ou du Hezbollah. Par conséquent, l’Iran et le Hezbollah veulent que les dirigeants chiites irakiens se mobilisent plus contre la coalition et s’attaquent plus encore à celle-ci. C’est pourquoi lors de leurs messages publics, les leaders chiites irakiens ont condamné les actions israéliennes au Liban avec plus de force que les pays arabes sunnites. La dénonciation est venue aussi bien de l’ayatollah Sistani (le soi-disant modéré pro-irakien) que du Parlement et du Premier ministre (islamiste pro-iranien) Al Maliki.

Ce dernier a par exemple refusé de reconnaître le Hezbollah comme un groupe terroriste, lors de sa dernière visite à Washington, comme le lui demandaient les représentants du Congrès américain. Parmi les dirigeants chiites, Moqtada Sadr est le plus proche de la doctrine de Téhéran et se disait prêt à engager ses miliciens au côté du Hezbollah. Fin Juillet, il avait dit que les Irakiens ne resteraient pas les bras croisés pendant que le Liban brûlait et le 4 Août il a rassemblé près de 100 000 manifestants dans les rues de Bagdad pour hurler des slogans anti-américains et anti-israéliens. Parmi eux de nombreux jeunes et de nombreuses personnes habillées du linceul qui enveloppe les cadavres, en signe d’acceptation du martyr.

Vendredi, Al Nassiri, un dirigeant chiite de la mouvance à Sadr, s’était félicité que « l’entité sioniste avait été défaite et que la résistance avait montré son meilleur visage dans le sacrifice ». La sympathie pour le Hezbollah ne se limite pas aux seuls radicaux. Après la diffusion des images de destruction au Liban, de nombreux irakiens se sont dits prêts à rejoindre la « guerre sainte contre Israël et l’Amérique ».

Khalilzad a déclaré que l’Iran pourrait inciter à plus de violence de la part des milices chiites d’ici la fin du mois. Il pense que ce sera lié aux grandes tensions en perspective entre les USA et l’Iran à l’approche de l’échéance du délai d’un mois accordé par l’ONU pour que l’Iran cesse ses activités nucléaires. Ce délai prend fin le 31 Août. Selon Khalilzad, le régime des mollahs cherchera à montrer ses capacités de nuisance pour neutraliser la volonté des états qui voudront lui imposer des sanctions diplomatiques et économiques.

Selon Khalilzad, il faut s’attendre à une recrudescence de comportements violents de la part des mollahs car encore récemment Ahmadinejad a annoncé que l’Iran comptait continuer son programme nucléaire sans tenir compte des recommandations de l’ONU.

« Les informations dont nous disposons », a dit Khalilzad, « est que l’Iran et le Hezbollah vont utiliser leurs contacts en Irak pour causer plus de difficultés à la coalition ». D’après l’ambassadeur, si les Nations Unies adoptent une autre résolution contre l’Iran, cela va augmenter la pression sur Téhéran et en réponse, le régime des ayatollahs pourrait inciter ses supporters à accroître leur pression sur les Américains en Irak, mais aussi partout ailleurs.

Pour certains analystes militaires, le combat entre le Hezbollah et Israël a été vu comme une guerre par procuration entre les USA et l’Iran. Le mois dernier, William Kristol du Weekly Standard a dit sur Fox News que l’administration Bush avait vu dans la guerre entre le Liban et Israël une occasion pour reprendre enfin une initiative militaire offensive contre des militants islamistes.

Parallèlement en Irak, les Américains et les Britanniques ont repris l’initiative des opérations et ont lancé des raids contre l’armée du Mahdi. En 2004, cette dernière soutenue par l’Iran s’était battue à deux reprises contre les Américains, mais à présent elle fait face à des opérations des forces de la coalition qui ont détruit de nombreuses caches à Sadr city et à Bassora. Lundi, les Américains ont lancé une attaque aérienne sur Sadr city et Maliki, le premier ministre pro-mollahs iraniens a condamné cette attaque qu’il a qualifiée d’usage excessif de la force. Jaafari, le prédécesseur de Maliki était déjà un homme lié à la république Islamique d’Iran et il avait été déclaré inapte à sa propre succession par les sunnites et les kurdes en raison de son obéissance aux mollahs. Les deux, Maliki et Jaafari, appartiennent à un parti politique qui veut établir une république islamique du modèle iranien en Irak.

Des responsables militaires américains ont donné quelques détails sur les liens entre les milices chiites irakiennes et la république islamique d’Iran et son vassal le Hezbollah. Ces responsables militaires pensent que l’Iran a fourni la technologie des charges explosives mortelles aux milices chiites. Selon eux cette technologie aurait transité via le Hezbollah.

Vendredi dernier, c’est-à-dire à la veille de l’adoption de la résolution 1701, il y a eu une intensification des tirs de mortiers et roquettes sur la zone verte, dite zone internationale.

Le régime des mollahs a provoqué la guerre du Liban pour de nombreuses raisons dont l’une des principales est de faire reconnaître le rôle régional de la république Islamique d’Iran. Parallèlement, comme nous l’avions écrit il y a quelques mois, l’intensification périodique des violences en Irak va de pair avec le besoin de l’Iran d’attirer les Américains à la table des négociations afin de concrétiser deux objectifs :

- Que le régime des mollahs devienne l’unique interlocuteur des américains dans la région.

- Par conséquent arriver à un accord global sur la région : accord qui comprendrait un arrangement sur le dossier nucléaire et un arrangement sur la participation des groupes terroristes financés par les mollahs au processus politique de la région.

Ces accords (ou «Garanties de Sécurité» accordées par les américains) permettront aux mollahs d’officialiser leur main mise sur la région. Et ainsi ils pourront revendiquer le leadership du monde musulman !

Evidemment, ceci pourrait paraître absurde dans la mesure où l’islamisme veut abattre les états occidentaux mais l’idée (« Garanties de Sécurité » accordées par les américains) est plausible : les états européens sont partisans d’une entente avec les islamistes pragmatiques [1], les Démocrates Américains vont d’ailleurs dans le même sens [2].

L’actuelle administration américaine est également intéressée par cette possibilité du moins pendant la période des élections à mi-mandat [3].

D’où l’intensification des attaques contre les soldats américains en Irak et d’autres actions terroristes de grande envergure contre les américains afin d’obliger Bush à renoncer à la lutte contre le terrorisme pour apaiser l’opinion américaine. La force de l’action des mollahs réside dans le fait qu’ils savent coordonner leurs actions en tenant compte des échéances électorales de leurs adversaires ou des sondages d’opinions : quand ils déterminent un point faible, ils attaquent et le point faible de l’opinion est l’impuissance apparente des Américains à mettre fin aux attaques terroristes en Irak.

La force de l’action des mollahs réside également dans le fait qu’ils ne prennent en compte que le point faible de l’adversaire et rien d’autre. Même en totale agonie ou en déroute économique [4] , ils restent concentrés sur un ou deux points faibles de l’adversaires et les martèlent sans discontinuité.

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notes : Entente & arrangements avec les mollahs pragmatiques

| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |

[1Entente avec les mollahs : En février 2005 le directeur général de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Thierry de Montbrial avait écrit dans le Monde : «Si le successeur de Khatami est un homme fort et expérimenté, comme Rafsandjani, on peut imaginer que la République islamique reconnaisse Israël et s'engage durablement à respecter les obligations du Traité de non-prolifération - pour s'en tenir à deux demandes occidentales impérieuses - en échange de la prise en considération de son rôle légitime dans l'organisation de la sécurité régionale et de concessions économiques».

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Article de Thierry de Montbrial dans le Monde du 19 Février 2005

Pour en savoir + sur Rafsandjani | L'Iran ne se pliera pas aux pressions |

La diplomatie pro-mollahs du Quai d'Orsay
- Liban : La résolution 1701 dans le contexte iranien |