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Iran : Le bilan effarant d’un mois de prix libres
26.01.2011

Depuis des années, Washington sanctionne Téhéran et lui propose en même temps le dialogue pour arriver à une entente globale. En fait, il cherche à normaliser ses relations afin de pouvoir revenir en Iran avec ses pions afin de prendre le pouvoir de l’intérieur via une révolution de couleur. De fait, bien qu’ils soient ruinés par les sanctions, ils ne peuvent pas accepter une entente. En prévision d’une incapacité à importer les aliments ou marchandises de base qu’ils ne produisent pas (notamment le kérosène nécessaire pour produire de l’électricité), dès 2009, ils ont commencé à augmenter les prix des produits importés pour habituer les Iraniens à très peu consommer afin de limiter le risque d’une pénurie soudaine suivie d’un soulèvement dévastateur. Le 25 décembre dernier, il y a exactement un mois, les mollahs sont allés encore plus loin en supprimant les prix subventionnés. Cela avait provoqué des manifestations et une baisse du nombre des partisans du régime. L’info a été censurée par Washington et ses alliés, les mêmes qui ont aidé Khomeiny en 1979. Un mois après cette mesure économique impopulaire, les mêmes Etats occidentaux ne produisent aucun reportage sur la situation. Voici le bilan que nous avons pu établir en nous basant sur des témoignages de nos lecteurs en Iran.



La situation est explosive, mais non pas en raison de la hausse d’essence citée par les médias étrangers car peu d’Iraniens ont des automobiles. Le régime a en fait limité la consommation d’essence pour diminuer sa production et privilégier la production du kérosène, carburant nécessaire pour la production d’électricité afin de ne pas manquer de ce produit sans lequel il risque le chaos. La situation est explosive à cause du manque l’électricité qui a obligé le régime à multiplier son prix par 10 pour les particuliers, par 20 pour les PME ! Cela a des répercussions à tous les niveaux notamment sur le prix du pain !

Le pain qui a augmenté de 400% tout en perdant de la qualité et du poids. En fait, il aurait dû augmenter d’au moins 2000% avec la hausse de 2000% du prix d’électricité combinée aux hausses de 1000% du prix de l’eau, de 1000% du fioul, de 800% du prix de la farine en raison d’une forte dépendance à l’importation du blé. Le régime a limité la hausse pour limiter le choc.

La raison de cette précaution est qu’avant la suppression des subventions, le prix du pain était à 100 tomans soit 1/1500 du salaire moyen (150,000 tomans). À titre comparatif, cela était comparable au rapport entre le prix de la baguette par rapport au Smic net, mais avec cette différence que 50% des Iraniens qui sont au chômage n’ont aucun revenu et que par ailleurs, le salaire moyen iranien n’est pas l’équivalent du Smic : il se situe depuis toujours sous le seuil de pauvreté.

En fait, les Iraniens payaient déjà un prix fort pour leur pain et ils ne pouvaient que se payer du pain. De facto, le pain était devenu le plat de résistance pour 85% des Iraniens qui vivent sous le seuil de pauvreté. Il n’était pas concevable de multiplier son prix par 20 : on aurait divisé la consommation par autant ! Le régime aurait provoqué une émeute. Il devait cependant limiter la consommation car il n’a plus les moyens pour importer du blé. Étant dépendant à la hauteur de 75% de l’étranger, il a fixé la hausse à 400% pour baisser la consommation au niveau de sa production nationale.

La hausse du pain a provoqué des manifestations. Le régime qui fait face à la perte continuelle de ses miliciens depuis sa décision en 2009 d’augmenter graduellement les prix et manque de troupe pour contenir les mouvements hostiles a alors mis en place au bout de deux jours, l’Allocation Pain : une aide spécifique de 4000 tomans mensuelle par habitant pour le pain. L’aide permet l’achat de 10 miches de pain par personne. Selon toutes les estimations et les témoignages, un enfant peut se nourrir avec un pain par jour, mais un ouvrier a besoin de 4 pains par jour. Avec cette aide, le régime n’a guère amélioré la situation du pain. Le niveau de la consommation reste très bas.

La hausse bien que réduite du prix du pain est à l’origine d’autres problèmes. D’une part, le pain vendu à perte a conduit les boulangers à la faillite et d’autre part, les autres achats sont devenus superflus : au Bazar, la consommation de tous les aliments et des biens a chuté d’au moins 60% ! Les grands négociants Bazaris malmenés par les sanctions et les hausses des prix en 2009 sont encore plus en difficulté. Cette baisse est aussi à l’origine des faillites et des licenciements massifs dans les petits commerces et les ateliers qui les fournissaient.

Au niveau des PME, qui sont touchées par la chute des ventes et la hausse de 2000% du prix d’électricité, il y a eu de nombreuses faillites ou encore un licenciement de 50% du personnel et la suspension des salaires pour les autres (selon un modèle en vigueur depuis des années dans ce pays).

La situation est aussi explosive dans les transports car avec la hausse de 400% à 700% de l’essence selon la consommation (plus on consomme et plus on paye), les livraisons ne sont plus rentables. Il en est de même pour les taxis.

Mais l’objectif étant de limiter la consommation d’essence pour orienter les raffineries vers la production du kérosène, le régime a aussi augmenté les prix des tickets de métro et de bus. De fait, aujourd’hui, tous les utilisateurs ont été touchés. Pour économiser un peu, les gens démunis préfèrent la marche quand c’est possible. De même, les utilisateurs de taxis préfèrent prendre le bus quand le trajet le permet. Les grands perdants sont les taxis et les fonctionnaires qui faisaient du taxi au noir pour arrondir leurs fins de mois car leur activité n’est désormais viable que sur des zones restreintes non desservies par les transports en commun.

Comme si tout cela ne suffisait pas, dans un article en dernière page des quotidiens, le régime a discrètement annoncé la faillite de la caisse de retraite. Cela n’est guère surprenant : les pensions de retraites sont plus élevées que les salaires car elles sont indexées sur les hauts salaires datant de l’époque bénie d’avant la révolution ou du début de la révolution quand le régime comptait sur l’héritage laissé par le Chah.

En résumé, l’impossible entente recherchée par Washington et refusée par les mollahs coûte cher à tous les Iraniens. Les ventres vides, les pieds fatigués, grelottants dans le froid hiver iranien, terrorisés de perdre leurs jobs et leur toit, privés de tout avenir, ils maudissent, selon des correspondants rentrés fraîchement d’Iran, le régime et insultent copieusement tous les saints de l’islam. Mais selon les mêmes sources, la peur provoquée par les pendaisons collectives sans cesse annoncées par le régime empêche l’expression de cette rage. Le feu couve sous les cendres.

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Une pendaison publique hier à Karaj, une banlieue de Téhéran

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L’Amérique qui a besoin d’un Etat islamiste n’en parle pas afin que sa population ne soutienne pas la révolte qui couve. Il en va de même pour ses alliés Européens ou ses pions iraniens formatés pour diriger la future république islamique au service des intérêts américains. Les Iraniens haïssent aujourd’hui autant les mollahs que les Américains et leurs vassaux qui sont insensibles à leur malheur et leur attente d’un soutien pour un changement de régime. Nos compatriotes vivent sans espoir et rêvent de vengeance. Le feu couve sous les cendres.


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Comment le régime gère le risque d’une explosion :
- Iran-Nucléaire : Changement de priorités, risques de conflits
- (14 JANVIER 2011)

La hausse des prix et les médias étrangers
- Iran : Les chiens de garde veillent
- (25 DÉCEMBRE 2010)

Un autre anniversaire qui a lieu le 25 janvier et dont se souviennent les Iraniens :
- L’Iran regrette cette révolution
- (29 JANVIER 2007)

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