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Iran : C’est le bazar au Bazar !
16.01.2010

Les sanctions bancaires américaines ont détraqué l’économie iranienne basée sur l’investissement étranger ou l’import-export. En l’absence de ce vrai carburant qui l’a fait tourner pendant 30 ans, rien ne va plus : les dettes s’accumulent, les banques vont à la faillite. S’attendant au pire, le régime a diffusé lundi dernier quelques bilans plus réalistes en ce sens pour préparer ses partenaires intérieurs, des annonces qui ont semé la panique, provoquant une réaction en chaîne aux effets inattendus. Ça bouge en Iran.



Qu’arrive-t-il quand vous être un riche commerçant dans un pays victime de sanctions et que d’un coup l’Etat affirme que votre banque ainsi que toutes les banques du pays risquent de s’effondrer ?

C’est simple, vous retirez vos sous pour aller les convertir en or ou une monnaie fiable comme le dollar ou l’euro. Eh bien, depuis mercredi dernier, il est strictement interdit en Iran de retirer plus de 15 millions de tomans de liquidités (convertibles en 15.000 $) de son compte bancaire par jour ! Le régime a même pensé aux petits malins qui chercheraient à contourner le système avec la création de plusieurs comptes bancaires ou des emplois fictifs en annonçant que tout virement doit désormais transiter par un logiciel bancaire commun mis en place par la Banque Centrale. Le contrevenant sera accusé de blanchiment d’argent et en conséquence non seulement il se verra confisquer ses avoirs, mais il sera aussi contraint de payer une amende équivalente à ¼ de ses revenus illicites (amende prélevée par la vente forcée de ses biens). Il sera également placé sous mandat d’arrêt international. Autrement dit, on n’a pas le droit de quitter le navire et si on le fait, on sera poursuivi pour être ramené au bercail pour être dépouillé.

Cette double mauvaise nouvelle a donné à nos Bazaris et autres riches du régime une folle envie de se faire la malle. Tous ont couru à la bourse où l’on a assisté à une explosion de l’offre suivie d’une chute des ventes et des indices, des infos que Téhéran a gardées confidentielles.

Cette interdiction est sans doute l’info de la semaine. Mais son véritable intérêt n’est pas économique, mais politique car le Bazar a joué un rôle clef dans la victoire de la révolution islamique en distribuant des salaires aux manifestants anti-chah. Le Bazar a été le facteur national décisif. Il est encore aujourd’hui capable du même exploit car l’économie iranienne dépend plus de lui qu’elle n’en dépendait en 1979. Il a d’ailleurs montré des envies de sédition en octobre dernier quand les mollahs ont refusé la dernière offre de réconciliation des Etats-Unis exposant l’Iran et ses commerçants à de nouvelles sanctions. On avait alors assisté à des incendies au Bazar dans la section jadis très impliquée dans la révolution islamique, incendies pour lesquels les pompiers sont intervenus très tardivement et ont laissé flamber les lieux au prétexte d’inaccessibilité ! Ce qui était faux car ils l’affirmaient en posant à côté de leurs engins dans les couloirs qu’ils présentaient comme inaccessibles !

En conséquence, on peut dire que ce mercredi 13 janvier a été une journée noire pour le Bazar, mais aussi pour le régime qui préfère avoir les Bazaris de son côté. Mais voilà, cette semaine, on est gâté car il y a une seconde nouvelle détonante.

Le lendemain de cette interdiction, le jeudi 14 janvier, dernier jour de la semaine iranienne avant que les Bazaris ne se retrouvent à la Prière de Vendredi où il fait bon se montrer, le régime a annoncé l’adoption inattendue et sans débat d’une loi autorisant la création de banques étrangères en Iran, banques aux « capitaux indo-arabo-européens » où les Bazaris pourront évidemment déposer leurs précieux magots à l’abri de toute faillite ! En gros, je vous empêche de me laisser tomber, mais je peux faire le nécessaire pour garantir la sécurité de vos avoirs. Cela dit, les banques étrangères appliquent des vrais taux de change et en conséquence, nos riches verront leur fortune se diviser par 7, le taux de change préférentiel décidé par le régime pour préserver le soutien du Bazar étant 7 fois moins élevé que le taux réel.

Au-delà du désagrément engendré par cette division des fortunes, ce genre de création bancaire reste impossible tant que les sanctions financières américaines seront en vigueur, c’est-à-dire tant que les mollahs refuseront contre l’avis de leurs anciens alliés Bazaris d’accepter la main tendue par Obama. Le régime a fait une promesse conciliante qu’il ne peut pas tenir. Le fait qu’il ait fait ce geste conciliant est important car il y a 4 mois, le même régime se contentait d’enchaîner les incendies punitifs. C’est plutôt énorme. Il aurait peur des capacités révolutionnaires du Bazar.

C’est une révolution en soi car durant les 180 dernières années, le clergé et le Bazar n’ont toujours fait qu’un ! Le clergé a même prospéré grâce à cette unité. Leur rupture annonce des bouleversements pour l’un et pour l’autre, mais aussi pour la société iranienne.

Quand Washington a commencé ses sanctions pour faire plier les mollahs afin de leur arracher une entente qu’il estime vitale pour le maintien de son hégémonie mondiale, il n’imaginait jamais ce genre de résultat. A présent, il retarde de nouvelles sanctions de peur de faire chuter ces mollahs dont il a besoin pour agiter les régions chinoises musulmanes, mais il a déclenché des mécanismes qui le dépassent.


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Le point de départ de l’interdiction :
- Iran : Le régime a un sérieux problème de financement
- (14 JANVIER 2010)

En savoir + sur d’autres ruptures en cours :
- Iran : Le désamour entre le Bassidj et le pouvoir
- (1ER DÉCEMBRE 2009)

En savoir + sur d’autres ruptures en cours :
- Iran : Un nouveau facteur entre en jeu
- ( 15 DÉCEMBRE 2009)

En savoir + sur d’autres ruptures en cours :
- Iran confidentiel : Licenciement en masse
- (17 MARS 2009)

| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |