Accueil > Articles > Iran : Le régime a un sérieux problème de financement



Iran : Le régime a un sérieux problème de financement
14.01.2010

Actuellement on reparle un peu de l’adoption de nouvelles sanctions contre les mollahs. En raison de la nécessité pour Washington d’arriver à une entente stratégique avec les mollahs, le processus de sanctions est ralenti depuis des années par les Américains eux-mêmes, ce qui donne aux lobbyistes du régime le culot d’affirmer que les sanctions n’ont pas été efficaces. Pourtant de rares chiffres financiers publiés en Iran font état d’une autre réalité : la banqueroute.



La réalité économique iranienne est plutôt insondable car d’une part, le régime retient la diffusion des informations faisant état de difficultés et d’autre part, il y a une seconde barrière de censure au niveau des pays partenaires qui ne veulent pas admettre l’efficacité des sanctions pour ne pas appliquer de nouvelles sanctions qui toucheront forcément leurs propres intérêts en Iran. Dans cette logique, on voit se diffuser dans les médias des nouvelles plutôt rassurantes (sur la santé de l’économie iranienne) comme celle qui la semaine dernière faisait état de la prévision iranienne d’une croissance économique annuelle moyenne de 8% d’ici à 2015. La dépêche signée l’AFP (analyse en faillite permanente) faisait également état de projets pour réduire d’environ 10% par an la part du pétrole dans les exportations iraniennes, ce qui est synonyme d’un plan d’industrialisation massive du pays.

Si Téhéran bénéficie de complicité au niveau international pour contrer les sanctions, il n’en va pas de même sur le plan national où il doit surtout rendre des comptes aux Iraniens : il est donc dans l’obligation de publier des chiffres ou des bilans. Ces bilans sont un compromis entre les mensonges racontés précédemment et ce qui attend les Iraniens prochainement. De fait, les bilans sont faits de chiffres et des lettres : les chiffres exposent l’état des problèmes actuels et les mots donnent une explication plausible des raisons de l’échec des promesses du passé.

La méthode est permanente car depuis 1979 la gestion économique iranienne n’a jamais été saine. Le clergé a longtemps vécu sur les revenus fonciers ou agricoles de ses terres (qui furent distribuées en 1963 par le Chah aux paysans) ou de droits de bénédiction sur les produits importés par le Bazar. Arrivé au pouvoir, le clergé a démantelé de manière régulière les usines afin de récupérer leurs terrains pour des spéculations foncières de même il a commencé à s’accaparer des tranches du Bazar (son bienfaiteur historique) ou encore à reprendre les terres agricoles distribuées au peuple à partir de 1963. Le nouveau régime a ainsi exclu les Iraniens de la création de richesses et privé l’économie iranienne d’importantes productions qui étaient des sources de revenus et de devises. Tout a été réorganisé en fonction de ce changement. La priorité a été donnée à l’importation des biens que l’Iran ne produisait plus. Pour une acquisition rapide de devises nécessaires pour ces achats, le nouveau régime s’est reposé sur les revenus pétroliers, issus exclusivement de la vente de droits d’exploitation [1] et non de barils. Ce revenu rapide étant fixe et bien en dessous des revenus de pays vendeurs de barils, il s’est engagé dans une politique étrangère d’attraction d’investissements internationaux pour absorber les manques dus à la hausse des prix des produits importés (vendus à 1/40 de leurs prix aux Iraniens paupérisés). Dans le même temps pour remplacer les revenus nationaux perdus, le régime s’est lancé dans une politique de création monétaire pour payer des salaires, des retraites et des allocations afin d’entretenir le pouvoir d’achat des Iraniens. Les mollahs et les Pasdaran au pouvoir sont aujourd’hui obligés d’inventer des explications bizarres pour les bilans terribles de leur état actuel car ils ont vécu pendant 30 ans à la limite du surendettement. De fait, il faut retenir les chiffres et les bilans, qui sont des aveux tardifs d’une banqueroute annoncée, en oubliant les explications qui les accompagnent.

Voici un florilège des bilans publiés au cours des 15 derniers jours :

La Banque centrale iranienne a annoncé la « faillite prochaine de l’ensemble des banques iraniennes car elles ont accordé beaucoup trop de très gros prêts » à 9038 personnes morales ou entrepreneurs nationaux qui sont « dans l’incapacité de les rembourser ». La somme représente l’"équivalent de 100 milliards de dollars" [2]. Il faut cependant préciser que les prêts ont été faits en Rial, la monnaie iranienne artificiellement surévaluée à au moins 7 fois sa valeur afin d’aider les entrepreneurs liés au régime ou ceux du Bazar. Il faut donc diviser ces 100 milliards par 7 pour parler d’un trou de 14,28 milliards de dollars. D’ailleurs, c’est une rallonge budgétaire de 15 Md$ qui a été demandée par le Gouvernement, mais refusée par le Parlement. Cette demande et le refus sont à classer dans la catégorie des explications bizarres. Il s’agit en fait de donner une explication pour le déficit qui ne peut être comblé. En fait, le problème est plus grave car les banques iraniennes n’ont pas seulement des prêts privés impossibles à récupérer, mais aussi 48 milliards de dollars de dettes de l’Etat qui a en cachette ponctionné les comptes des riches bazaris (la somme était de 38 milliards de dollars en octobre 2009) ! Le refus du Parlement de payer les 15 milliards de dollars pour sauver les banques semi privées est un refus d’allonger le reste. In fine, le régime espère même une faillite générale des banques pour effacer ses propres dettes. Il pourra au passage ruiner ses créanciers bazaris pour les déposséder, puis au nom de la crise annoncer la suppression du dispositif du dollar à taux fixe à 1/7 de sa valeur afin de pouvoir vivre encore un certain temps sur ses maigres revenus pétroliers.

Ce choix annoncé par petites touches d’analyses financières depuis un an pour préparer le Bazar au choc est incontournable car les sanctions privent Téhéran d’investissements, mais aussi de nouveaux contrats pétroliers ou gaziers. Le régime vit actuellement sur de maigres gains de contrats signés à bas prix dans les années 90 dont les revenus sont tragiquement bas au regard des prix qui se pratiquent actuellement sur le marché. Cette semaine, le ministère du pétrole a annoncé que dans les cinq prochaines années, « l’Iran aurait besoin d’au moins 85 milliards de dollars d’investissements en amont pour ses projets pétroliers ». En attendant, le ministère a ponctionné en urgence 2 milliards de dollars dans les réserves de la banque centrale pour boucler l’année (iranienne qui se terminera le 21 mars 2010).

Il n’y a pas que le secteur pétrolier qui soit dans une situation de crise : le secteur gazier est un champ de ruine. Selon le même ministère, il faut également « 25 milliards de dollars d’investissement par an pour permettre au pays d’exploiter les gisements gaziers partagés avec d’autres pays ». C’est là une manière élégante de parler du gisement gazier géant de Pars Sud qui selon la commission parlementaire chargée de l’énergie n’a que « des projets à l’arrêt ou en voie de l’être ». Mais n’y a pas que l’exploitation qui soit en difficulté. Il y a 4 ans en réponse à des menaces d’embargo sur l’essence, Téhéran avait annoncé le chantier d’une raffinerie géante, la Persian Gulf Star, qui devait le rendre autonome pour son approvisionnement à partir de 2008 avec une production de 35 millions de litres d’essence par jour. Deux ans après le délai de livraison, les travaux sont bloqués pour défaut de paiements des salaires des ouvriers ou des honoraires des bureaux d’études. Téhéran a seulement pu réunir 407 millions des 6 milliards d’euros nécessaires pour le projet. N’étant pas capable de faire mieux, il est dit que la Persian Gulf Star avancée à seulement 17% est sur le point d’annoncer le dépôt de bilan !

Les pannes s’auto alimentent : le manque de devises arrête les projets gaziers et pétroliers qui à leur tour arrêtent la pompe à devises. Cela va si mal que lors de sa visite à Moscou le vice-ministre iranien du Pétrole Hossein Nogrekar-Shirazi a proposé aux Russes « que leurs deux pays recourent à leurs monnaies nationales dans la réalisation de leurs futurs projets conjoints ». La situation ne peut que s’aggraver car la panne des projets énergétiques n’est pas seulement la panne de la pompe à devise, mais aussi la panne de combustible nécessaire aux centrales électriques iraniennes. Sous peu, on aura droit à de nouveaux reculs de la production, ce qui nécessitera encore plus d’importations impossibles à payer par manque de devises. L’avenir s’annonce sombre pour les mollahs et ceux qui misent sur eux.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
article complémentaire :
- Iran confidentiel : Licenciement en masse
- (17 MARS 2009)

article complémentaire :
- Iran : C’est la chasse au gaspi !
- (19 NOVEMBRE 2009)

article complémentaire :
- Iran : Les taux d’intérêts explosent !
- (2 SEPTEMBRE 2008)

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

[1Vente de contrats d’exploitation | Ainsi après le démantèlement des industries iraniennes, en confiant le secteur pétrolier à des firmes étrangères qui emploient des ingénieurs étrangers, le régime a aussi détruit le savoir faire iranien dans le domaine pétrolier transformant la compagnie nationale en un nain du secteur qui est aujourd’hui incapable de le tirer d’affaire.

[2Les chiffres ont été corrigés le 15 janvier 2010.