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Iran – AIEA : Réécriture révélatrice
21.11.2008

Le dernier rapport de l’AIEA sur l’Iran est un poinçonnage réglementaire comme nous l’avons affirmé hier : il est également une reprise à l’identique du rapport rédigé en septembre 2008, mais il contient deux réécritures qui changent fondamentalement les données. L’un des éléments est une référence à des quantités suffisantes d’uranium hautement enrichi pour une bombe, une allégation que Washington n’a nullement commenté. |Décodages |



Depuis la publication du rapport de septembre 2008, on observe une divergence entre Washington et l’AIEA. Cette dernière évoque des travaux balistiques nucléaires des mollahs et Washington rappelle son attachement au jugement du rapport 2007 de ses 16 services secrets sur les lacunes de l’Iran en ce domaine. Cette divergence est due au fait que Washington veut donner du délai aux sanctions pour pousser les mollahs à accepter le deal qu’il leur propose, alors que le chef de l’AIEA, El Baradei agit pour le compte des Britanniques dont les intérêts pétroliers (BP, Shell, Vitol) seraient rudement touchés par cette entente qui renforcerait les compagnies américaines (Exxon & Chevron).

Le nouveau rapport d’El Baradei a renforcé les contrastes des mécanismes d’accusations présents dans le rapport de septembre 2008 : on est toujours dans les nuances de gris chères à El Baradei, mais il y a désormais deux pôles, l’un blanc et l’autre noir.

Pôle blanc | Le rapport affirme que l’AIEA a eu depuis mars 2007 un accès libre à toutes les installations de l’usine de l’enrichissement de Natanz et qu’elle a effectué plus de 20 visites surprises depuis cette date. C’est une affirmation inédite totalement en contradiction avec les précédents rapports de l’AIEA qui fustigeaient justement l’absence de transparence dans le programme nucléaire iranien et le refus persistant du droit d’inspection. Cependant l’évocation de ces 20 visites imaginaires, preuve de la coopération de l’Iran avec l’AIEA et marchepied pour la fin des sanctions américaines n’est pas sans contrepartie pour Téhéran. Le rapport contient un mécanisme de riposte en cas d’une réponse négative de Téhéran à un compromis.

Pôle noir | En effet, dans le même rapport, El Baradei évoque l’existence de ses doutes sur un volet militaire caché et sur l’uranium qui serait hautement enrichi et en quantités suffisantes pour une bombe. Ces doutes sont illogiques car ils ne collent pas avec la version des soi-disant 20 visites surprises à Natanz depuis mars 2007, visites non répercutées dans aucun des précédents rapports. Ces doutes sont également incompatibles avec la proposition d’arrangement faite aux mollahs le 27 octobre 2008 (on ne s’arrange pas avec une telle menace).

Bilan | Le dernier rapport est une nouvelle tentative d’arrangement sur la base d’une proposition sous-entendue mais néanmoins plus précise : une offre d’acquittement de toutes les charges ou une accusation grave de fabriquer une bombe. L’acquittement suppose que Téhéran renonce à sa stratégie de menaces balistiques qui lui sert d’interface pour trouver une entente avec Washington sinon l’AIEA l’accusera de fabriquer une bombe ce qui empêchera toute entente et justifiera un renforcement des sanctions.

A la veille de cette publication, un responsable nucléaire iranien avait évoqué un prochain rapport très prometteur pour l’Iran ce qui laisse supposer qu’El Baradei avait fait des confidences partielles à ses interlocuteurs iraniens en évoquant les 20 visites inédites. En revanche, Téhéran proteste vigoureusement contre la présence persistante des allégations de volet militaire et de la matière suffisante pour une bombe, allégations qu’il juge incompatibles avec l’affirmation de la transparence du programme nucléaire iranien.

Visiblement, El Baradei avait dissimulé ce point aux mollahs et le rapport est un ballon d’essai pour sonder la partie iranienne et savoir si elle saisira la perche tendue pour mettre fin à ses prétentions balistiques afin de permettre à l’AIEA de siffler la fin du processus des sanctions onusiennes qui servent de justification aux sanctions américaines.

En effet, les Américains ont toujours utilisé les résolutions du Conseil de Sécurité pour revalider leurs propres sanctions unilatérales contre les partenaires économiques non américains de Téhéran. Cette initiative d’El Baradei allait les priver de cette tactique et permettre aux adversaires (Britanniques et Européens) de reprendre la gestion de la crise.

Très logiquement, cette tentative d’arrangement hostile à la stratégie américaine a fait réagir Washington au quart de tour et au plus haut niveau. La Maison-Blanche a essayé de reprendre la gestion de la crise par une réaction à trois étages. Elle a évacué les allégations d’El Baradei sur le volet militaire. Elle a accusé l’Iran de refuser de coopérer avec l’AIEA : c’est-à-dire qu’elle a inversé les conclusions d’El Baradei. Et finalement, elle a critiqué le refus iranien d’entamer des discussions avec les Etats-Unis malgré la volonté affichée par les responsables américains.

Cette réaction américaine a été néanmoins maladroite : Washington a abattu ses cartes trop rapidement montrant son très grand intérêt pour une entente. Ce rapport frauduleux n’a fait que piéger Washington. Téhéran, qui était partiellement informé du contenu du nouveau rapport, a pris son temps pour répondre : il n’a pas souhaité saisir la perche tendue par El Baradei, et en plus il utilise désormais les prétendues 20 visites comme une preuve de la transparence de son programme nucléaire, demandant la levée des sanctions à son encontre. La réécriture frauduleuse du rapport sert de révélateur aux vraies intentions de chacun des acteurs de la crise.

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Pour en savoir + sur le même sujet :
- Iran : La CIA et le rapport de l’AIEA
- (20 SEPTEMBRE 2008)

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Enjeux : Garanties Régionales de Sécurité : le DEAL US |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : El Baradei |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |