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Iran : Le feu d’artifice d’Ahmadinejad au Liban
15.10.2010

Ahmadinejad a passé deux jours au Liban. Ce voyage a intrigué les Occidentaux, les experts qu’ils ont consultés ont parlé de l’affirmation du rôle régional de l’Iran ou encore d’un « moyen pour plaire aux Iraniens en leur offrant un rayonnement régional ». Ces points de vue sont ceux des lobbyistes non-déclarés du régime car le peuple est en révolte contre les mollahs notamment en raison de leur soutien très coûteux à des formations terroristes qui en plus donnent à ce pays civilisé une « aura » d’un Etat terroriste. Le but du voyage n’était donc pas de plaire aux Iraniens, mais à l’inverse de faire oublier le désintérêt des Iraniens pour le fait palestinien par un discours susceptible de restaurer son image de champion de la rue arabe. Le Liban a été un prétexte : le régime a envoyé son meilleur porte-parole à la rencontre de la rue arabe : tel cupidon, le régime a tiré une flèche dans le coeur de la rue arabe avec un arc nommé Beyrouth.



Le régime des mollahs se targue d’avoir une grande « capacité de nuisance régionale », il dit avoir les moyens de résister aux Américains. Il fait référence aux capacités militaires ou terroristes du Hezbollah, milice islamiste qu’il a créée en 1980 et qu’il finance grassement depuis cette date. Mais il ne suffit pas de payer des miliciens et de leur fournir des armes pour se targuer d’avoir une grande « capacité de nuisance régionale ». Les mollahs peuvent prétendre être une puissance régionale car ils ont conquis au-delà des frontières du chiisme, la rue arabe avec les activités du Hezbollah. Aujourd’hui, une grande partie du budget de cette milice qu’ils ont créé provient des musulmans sunnites du monde entier surtout ceux qui sont installés en Europe. Pour demeurer cette puissance régionale, les mollahs doivent continuer à séduire la rue arabe avec des exploits du Hezbollah ou la virulence de leurs promesses.

C’est le 1er point à propos du voyage d’Ahmadinejad au Liban. Le représentant du régime des mollahs n’est pas allé au Liban pour prendre un bain de foule avec les partisans du Hezbollah, mais il est allé donner le spectacle de ce bain de foule pour séduire la rue arabe.

Ce spectacle (fort réussi par ailleurs) nous amène vers le second point de ce voyage : le représentant du régime des mollahs est allé au Liban car il n’arrive plus à organiser ce même spectacle en Iran qui est censé être le sud Liban multiplié par 20 ! Dernièrement, le régime n’a pas réussi à mobiliser un seul de ses miliciens ou mollahs de base pour la Journée de Qods, manifestation conçue par Montazéri, le dauphin de Khomeiny, en réponse à une demande de ce dernier d’imaginer un moyen pour permettre à la jeune république islamique de s’inviter dans le conflit pour prendre sa direction.

Il convient de préciser que ce boycott existe depuis des années : en 2006, l’on n’a par exemple pas vu les Iraniens montrer de l’enthousiasme pour manifester en faveur du Hezbollah pendant la guerre qui l’opposait à Israël ou répondre présents à l’appel du régime pour aller se battre sur le front libanais. Par la suite, on a assisté au même désintérêt pendant la guerre entre le Hamas et Israël en janvier 2009. La raison de ce boycott permanent est que les Iraniens considèrent les Palestiniens du Hamas et du Hezbollah comme des parasites auxquels le régime consacre d’importants budgets qui auraient normalement dus aller au peuple iranien. Le régime compensait l’absence de mobilisation en faisant appel aux familles des miliciens. Mais en 2008, pour faire face au manque de devises sous l’effet des sanctions américaines, au lieu de réduire leurs dépenses personnelles ou les coûteux privilèges accordés aux Palestiniens, les mollahs ont baissé les salaires des Iraniens et augmenté les prix de base pour baisser de force la consommation iranienne. Le régime a alors perdu le soutien des indigents qui participaient à ses manifestations, puis le soutien de leurs miliciens. Dernièrement, le boycott a atteint les Bazaris qui sont désormais en grève avec le soutien tacite des miliciens. Ainsi cette année, le boycott a été absolu : suivi par le peuple, les miliciens, les Pasdaran et même les mollahs de base. La semaine suivante, les mêmes ont boycotté la fête de la fin du Ramadan, puis les manifestations contre le pasteur Jones.

Le boycott général de l’édition 2010 de la Journée de Qods a remis en cause la capacité du régime à mobiliser ces troupes pour être au moment devenu présent pour aider la rue arabe. Les deux autres boycotts ont remis en cause les chances de survie du régime. Ce dernier devait y remédier pour ne pas perdre le soutien de la rue arabe (au profit d’un concurrent inattendu) : c’est ce qu’il vient de faire au Liban avec le concours du Hezbollah et un grand nombre de politiciens sunnites ou chrétiens dont certains roulent pour Damas.

On a eu l’impression que le régime des mollahs était en train de montrer sa force, mais en fait, il était en train de restaurer son image pour ne pas perdre le soutien de la rue arabe sans lequel il ne peut prétendre à aucune puissance de nuisance régionale. On pourrait nous rétorquer qu’il a peut-être réussi à faire les deux.

Nous vous rappelons que la force du régime n’est pas au Liban, mais au-delà de ce pays dans la rue arabe qui va de Yémen au Maghreb. Le régime doit se montrer puissant et populaire, capable de mobiliser les masses iraniennes pour défendre la rue arabe afin de mériter sa confiance. Cette mobilisation étant impossible, cette semaine, au Liban, le régime a tout simplement utilisé le Hezbollah pour duper la rue arabe afin de lui arracher le soutien qui lui fait défaut en Iran. Les gesticulations arabisantes d’Ahmadinejad pour séduire la rue arabe font état d’un besoin vital. Nous n’avons pas là une puissance montante, mais une puissance défaillante et gesticulante.

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Cela nous ramène au 3ème point de ce voyage : en tenant ces positions, le régime s’est éloigné de son rôle régional de nuisance doit s’exercer en coulisse. Il a fait une erreur.

conclusions | On peut dire que le régime devait y aller pour sauver son image et qu’en le faisant à fond, il s’est engagé au-delà de ses limites et ses capacités. Il devrait adoucir ses promesses ou se calmer pour ne pas être entraîné dans un nouveau conflit qui permettrait aux Etats-Unis de ridiculiser ses promesses [1]. De fait, le voyage d’Ahmadinejad au Liban ne peut en aucun cas être considéré comme un triomphe. On peut au mieux parler d’un feu d’artifice qu’il ne doit surtout pas renouveler au risque de se brûler les doigts, en Iran, au Liban et dans les rues arabes.


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| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |
| Mots Clefs | Pays : LIBAN |
| Mots Clefs | Terrorismes : Hezbollah |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |

[1C’est sans doute la raison pour laquelle Washington a autorisé ses amis libanais de permettre à l’homme des mollahs se rendre au Liban.