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À la recherche de l’Iran sans rival de Maître Jalili
05.08.2007

Une équipe d’experts de l’AIEA est de nouveau attendue lundi en Iran. La Tribune de Genève a questionné Mohammad-Reza Jalili, professeur à l’Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, afin de savoir si cette visite autorisée par les mollahs était l’amorce d’une détente dans le contentieux nucléaire ? Les réponses du professeur Jalili méritent une mise au point car ce dernier a un langage très subtil et très codé de lobbyiste du régime des mollahs.



L’Iran, puissance sans rivale au Moyen-Orient

La Tribune de Genève (JEAN-FRANCOIS VERDONNET)| Venant après les rencontres à Bagdad de diplomates iraniens et américains, le retour en Iran d’experts de l’AIEA traduit-il un assouplissement de la diplomatie de la République islamique ?

Mohammad-Reza Jalili | Non. Ces épisodes ne remettent pas en cause la continuité de la politique iranienne. Aucune modération n’est en vue. Pour Téhéran, les discussions engagées avec les Etats-Unis confirment simplement la reconnaissance du rôle important que peut jouer l’Iran dans le règlement éventuel de la question irakienne. S’agissant du contentieux nucléaire, la stratégie vise à la fois à gagner du temps, et à essayer de retirer le dossier au Conseil de sécurité de l’ONU pour le ramener auprès de l’AIEA, à Vienne, où l’Iran ne serait plus exposé au risque des sanctions.

Note IRAN-RESIST | Dans ce cas précis, Jalili joue les porte-voix du régime des mollahs quand il évoque le rôle important que peut jouer l’Iran dans le règlement éventuel de la question irakienne. Ce sont là les formulations diplomatiques des mollahs. Car en réalité la question irakienne est un carnage quotidien perpétué par des milices équipées et financées par le régime des mollahs. En tant qu’expert en géopolitique, le professeur ne peut ignorer ce détail, mais il préfère ne pas évoquer le rôle terroriste des mollahs en Irak et décrire la situation comme s’il faisait partie de la délégation diplomatique des mollahs qui négocie avec les Américains à Bagdad.

En ce qui concerne le dossier nucléaire, en rappelant l’objectif des mollahs, Jalili joue également le porte-voix du régime des mollahs. Les mollahs exigent évidemment le retrait de leur dossier du Conseil de Sécurité et leur retour à l’AIEA, mais ils ne peuvent évidemment pas relancer cette idée au moment où ils autorisent des visites longtemps refusées, car dans ce cas, chacun saurait que ces autorisations sont des gages pour obtenir ce retrait du Conseil de Sécurité.

C’est pourquoi après avoir évoqué un tel retrait, ils ont demandé à leur porte-voix de réactualiser cette demande afin que les occidentaux ne puissent pas oublier l’objectif de ces visites autorisées. Le premier à s’y coller fut François Nicoullaud, l’ex-ambassadeur de France en Iran et actuel défenseur de la démocratie islamique et le second qui réactualise cette demande est Jalili. Il insiste sur ce qui est le cœur de l’affaire des visites autorisées, mais qui avait été négligé dans les commentaires des journalistes occidentaux.

Il est intéressant de voir que ces commentaires très orientés sont publiés par la Tribune de Genève qui n’en est pas à son coup d’essai dans l’entreprise d’explications des attentes de Téhéran. Après cette mise au point de Jalili sur les attentes iraniennes négligées par les commentateurs occidentaux, la Tribune et le professeur s’ingénient à diffuser d’autres idées que Téhéran aime rappeler à ses interlocuteurs étrangers.

La Tribune de Genève | Ces évolutions ne révèlent-elles pas plutôt des contradictions internes, ou des tensions entre les différents pôles de pouvoir à Téhéran ?

Les rivalités entre les factions iraniennes peuvent affecter la politique étrangère du pays, mais leur impact est secondaire.

Décodage : nous sommes unis. C’est étrange car, il y a à peine un an, ce même Jalili écrivait une tribune dans le Figaro où il affirmait que les divisions internes du régime étaient totalement théâtrales et factices. Mais à l’époque, il pensait que le régime était dans une impasse et cherchait à recoller au train de l’opposition…

Généralement, les mollahs ne sont pas rancuniers : ils préfèrent récupérer l’amitié de leurs contradicteurs et de plus quoi de mieux qu’un « opposant objectif » pour commenter les situations et dire ce que vous voulez diffuser. La suite illustre à merveille cette utilisation à contre-emploi.

La Tribune de Genève | Si aucune détente n’est aujourd’hui envisageable, la situation est-elle vouée à se dégrader au Moyen-Orient ?

Les Iraniens se garderont de l’envenimer. Car le temps et les Etats-Unis eux-mêmes travaillent pour Téhéran. Son intérêt, dès lors, n’est pas d’entrer dans un conflit ouvert, mais de conforter ses positions régionales et internationales en envoyant quelques signaux positifs, en direction de l’Europe notamment. L’Iran, qui n’a jamais attaqué les pays voisins, ne pratique pas une diplomatie agressive. Il joue ses atouts dans le champ idéologique que lui ménage la montée du fondamentalisme islamiste au Moyen-Orient.

Décodage : C’est ce qu’affirment continuellement les plus notoires lobbyistes du régime : « L’Iran n’a jamais attaqué les pays voisins ». Là, on parle de l’Iran d’avant la révolution et uniquement de la période pacifique des Pahlavi, car les autres dynasties régnantes ont attaqué d’autres pays et le régime des mollahs finance des centaines de mouvements armées qui attaquent les gouvernements souverains aussi bien au Liban qu’en Irak, en Palestine ou encore en Afghanistan. Le professeur utilise encore une fois le lexique des mollahs de Téhéran.

Toujours dans la même lignée, il se garde de qualifier le personnel barbu du régime de mollahs ou de Pasdaran, et il parle « d’iraniens ». Jalili a un langage de lobbyiste et des idées de lobbyiste : il affirme que les Iraniens se garderont d’envenimer la situation, il faut évidemment comprendre qu’il parle des mollahs.

Or, ces derniers font exactement le contraire, aussi bien au Liban qu’en Palestine ou en Irak : ils amplifient le chaos et proposent des alternatives aux crises qu’ils ont créées. Ainsi, le Hezbollah qui a mis en difficulté le gouvernement Siniora et qui ne rend pas ses armes parle aujourd’hui d’unité nationale et de respect des institutions. Le professeur voit dans cette politique libanaise ou dans le soutien au Hamas « des signes positifs en direction de l’Europe ». On ne peut comparer ces propos qu’aux commentaires des lobbyistes du régime qui, après la libération des otages britanniques, évoquaient la souplesse d’Ahmadinejad et sa capacité à négocier.

Jalili est réellement ridicule quand il affirme sans sourciller que le régime des mollahs ne pratique pas une diplomatie agressive. Le fondement de sa diplomatie est le terrorisme ou le chantage et les Occidentaux expérimentent l’un et l’autre depuis 1979 avec l’affaire des otages américains, les prises d’otages du Liban, l’attentat du Drakkar ; les attentats de Paris et du DC10 de l’UTA, les propos négationnistes de tous les dirigeants du régime, leur évocation de l’effacement d’Israël avec une seule bombe nucléaire, la création du Hezbollah pour occuper le Liban, l’aide au Hamas, les tricheries dans les négociations nucléaires, la création de médias islamistes visant les musulmans d’Europe, l’aide aux Talibans, la prise d’otages des Britanniques, le soutien à Moqtada Sadr... C’est une succession d’agressions !

Mais tel est le rôle d’un lobbyiste : influencer l’opinion par des propos inexacts. Et Jalili va encore plus loin dans ce court entretien face à un journaliste qui ne le contredit jamais et lui tend uniquement un micro afin qu’il délivre sans embûche le message dicté par Téhéran. Il y a une réelle complicité entre le journaliste de la Tribune et Jalili, ainsi aucun n’évoque à aucun moment ce qui ennuie le régime des mollahs : à savoir ses difficultés financières, les sanctions bancaires qui handicapent le régime, l’arrêt des investissements dans les secteurs pétrolier ou gazier.

Cet oubli est délibéré est ponctuel car, à la fin de l’entretien, Jalili y revient rapidement, mais ainsi il minimise l’impact réel de ces difficultés et ceci est essentiel pour le discours de Jalili. Un exemple dans la dernière partie de cette réponse :

L’administration Bush, de son côté, vient d’annoncer d’importantes ventes d’armes à l’Arabie saoudite et à cinq autres pays du golfe Persique. Ce faisant, elle entend rassurer des interlocuteurs arabes inquiets de voir les positions iraniennes se renforcer encore à la faveur d’un possible retrait des troupes américaines d’Irak. Mais ni les pays arabes ni Washington n’ont intérêt à la confrontation. Pour les Etats-Unis, ce serait ouvrir un nouveau front, alors qu’ils sont déjà embourbés en Irak.

Avec quel budget, le régime des mollahs compte-il faire la guerre aux Etats-Unis et ses alliés arabes et Européens ? De plus, en cas d’une attaque, les maigres revenus du régime disparaîtraient, l’obligeant à revoir à la baisse son ingérence terroriste en Irak. De plus, si les mollahs se retrouvaient dans le cas de Saddam, ils n’auraient plus accès aux comptes bancaires et aux revenus qui leur permettent de continuer le financement de leur guerre asymétrique en Irak. Les propos de Jalili manquent de cohérence dans l’analyse, et s’il était son propre étudiant, il aurait eu une très mauvaise note pour avoir négligé cet aspect économique essentiel pour un effort de guerre.

Mais si ses propos manquent de cohérence analytique, ils sont la copie conforme des propos que Larijani a récemment prononcé devant les journalistes Européens. Sur ce point aussi, Jalili est le porte-voix du régime des mollahs.

Jalili va ainsi de sujet en sujet pour réactualiser les déclarations des dirigeants du régime des mollahs.

Une puissance de séduction auprès de l’opinion arabe !

La Tribune de Genève | Le front anti-iranien peut-il rétablir l’équilibre des forces ?

La partie ne se déroule pas sur le terrain militaire. Son influence, la République islamique ne la doit pas à son arsenal, assez modeste, mais au discrédit des régimes arabes et à l’écho que rencontre son discours populiste auprès de leurs opinions publiques. Autrement dit, les armes sophistiquées livrées depuis des années à l’Arabie saoudite ne sont pas à la mesure du défi. L’Iran n’est plus une puissance parmi d’autres, mais cherche à devenir la puissance de la région. Ni Riyad ni Le Caire ne font le poids. La Turquie tourne le dos au Moyen-Orient. Reste, il est vrai, Israël. Mais un engagement militaire de l’Etat hébreu impliquerait celui, aujourd’hui improbable, des Etats-Unis.

Jalili reste dans le même registre : redire ce que le régime a déjà déclaré. Le régime des mollahs prétend qu’il est le seul à capter l’attention de la rue Arabe et évoque inlassablement le discrédit des alliés arabes des Etats-Unis. Et Jalili dit exactement la même chose. Encore une fois, pas un mot sur ce qui ennuie le régime ; c’est-à-dire ses liens avec le terrorisme et sa puissance fondée sur le terrorisme et la propagande islamistes.

Dans la bouche de Jalili, cette propagande islamiste, son soutien aux extrémistes du Hamas ou du Hezbollah et l’implantation de réseaux d’agitateurs dans des pays comme le Yémen deviennent « une puissance de séduction auprès de l’opinion arabe ». Cet homme est un lobbyiste éhonté et nous nous étonnerions qu’il soit consulté dorénavant par des médias un temps soit peu sérieux.

La Tribune de Genève | Les tensions intérieures risquent-elles d’entraîner un raidissement de la politique extérieure de l’Iran ?

La contradiction s’exacerbe entre l’image du pays au-delà de ses frontières et une situation interne très dégradée. Le coût de la vie augmente, la répression s’accentue, le divorce se creuse entre le pouvoir et l’opinion. En outre, les sanctions internationales, déclarées ou non, commencent à produire leurs effets : depuis deux ans, les investissements étrangers se sont taris. C’est ce malaise que le discours international de Téhéran tend à dissimuler. Qu’il s’aggrave, et le régime risque de voir se brouiller l’image flatteuse d’Etat stable, fort et responsable qu’il a construit auprès des populations arabes.

La fin, c’est de l’eau de boudin : Jalili énumère ce qui a été écrit partout et affirme tout et son contraire afin de ne pas trop être en contradiction avec ses propos du début. Ainsi, dans ce pauvre paragraphe final, Jalili évoque l’arrêt des investissements en Iran ce qui contredit l’existence de cet Iran sans rival devant lequel ni Riyad ni Le Caire ne feraient le poids… Ces incohérences analytiques valent bien Bonnet d’âne, que nous décernons avec joie à Maître Jalili !

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| Mots Clefs | Resistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs ! |

| Mots Clefs | Nucléaire 2 : AIEA : inspections, actions et rapports |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |