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Iran : Prêt pour un nouveau dialogue de sourd !
31.07.2010

Mercredi, les États-Unis avaient fait savoir qu’ils étaient entièrement disposés à participer avec les autres membres du groupe des Six à des pourparlers sur un échange d’uranium contre du carburant et sur le programme nucléaire iranien. Téhéran a dit oui à un dialogue pour avoir le carburant, mais il n’associe pas l’échange aux négociations pour le règlement de la crise.



C’est une répétition à l’infini. Il y a plus d’un an, après plusieurs années de guerre d’usure économique censée affaiblir les mollahs, Washington, qui a besoin d’une alliance avec eux pour contrôler l’Asie Centrale et instrumentaliser les Chiites [1], leur a proposé le deal : leur fournir du combustible nucléaire qu’ils avaient du mal à trouver en échange de leur stock de 1200 kg d’uranium faiblement enrichi, quantité que l’on juge dangereuse car il peut produire 20 kg d’uranium hautement enrichi (à 90%) pour une bombe nucléaire. Les mollahs éliminaient le stock jugé menaçant par Washington en raison de son hypothétique potentiel nucléaire militaire. Washington pouvait alors désactiver ses sanctions et de facto les deux pays entraient dans un réchauffement bilatéral.

Téhéran n’a donné aucune réponse à cette offre pour une raison fondamentale : il utilise les milices islamiques (le Hamas et le Hezbollah) qui peuvent provoquer des conflits déstabilisateurs comme sa force de dissuasion. Pour préserver le commandement spirituel de ces milices qui peuvent déstabiliser la région, il doit impérativement éviter tout apaisement avec Washington et pour donner un pouvoir accru à cette dissuasion régionale, il doit être le plus menaçant possible ce qui exclut l’élimination de son stock d’uranium faiblement enrichi qui a le potentiel nucléaire militaire de produire une bombe atomique.

Washington qui a besoin des mollahs pour contrôler plus de 55% des réserves mondiales du gaz et du pétrole n’a pas tenu compte du refus de réponse qu’il connaît bien. En parallèle avec sa guerre d’usure économique, il a refilé le projet à l’AIEA et les Six pour contraindre Téhéran à répondre.

Téhéran a répondu car il le devait. Puis, il s’est lancé dans un enchaînement de provocations pour saboter le projet, mais aussi engager Washington dans une escalade qui le contraindrait à capituler par peur d’un conflit touchant le Golfe Persique, artère pétrolière de ses alliés.

La première provocation des mollahs a été sur la quantité de 1200 kg exigée par Washington. Etant donné qu’il est théoriquement possible de produire une petite bombe nucléaire avec moins d’uranium hautement enrichi, il a proposé un échange sur une quantité bien inférieure de manière à préserver une quantité d’uranium faiblement enrichi pour préserver son potentiel de menace. Puis, il a refusé la participation de la France alors que ce pays est le constructeur du réacteur de Téhéran, il est le seul qui a les informations nécessaires pour produire le combustible recherché par Téhéran. Dans la foulée, sans attendre une réponse, il a quitté la table des négociations en annonçant qu’il allait enrichir de l’uranium à 20% pour produire son propre combustible. Etant donné l’impossibilité technique de cet acte, il venait en fait de commencer tout simplement une seconde activité prohibée d’enrichissement qui augmentait son potentiel nucléaire militaire théorique. Et enfin cerise sur le gâteau, quand son stock d’uranium faiblement enrichi a doublé, il a accepté un échange sur 1200 kg de ce stock, ce qui n’allait pas éliminer son potentiel nucléaire militaire théorique et ne pouvait pas régler la crise.

Ces efforts n’ont pas réussi à saboter le dialogue car les Etats-Unis, mais aussi les autres puissances y compris la Chine et la Russie qui ne sauraient gérer une grande crise internationale, ont toujours esquivé toutes les provocations pour éviter l’escalade souhaitée par Téhéran et bien au contraire, dans le sens de leurs intérêts, ils ont plaidé pour le dialogue.

Battu à ce jeu, Téhéran a déclaré qu’il avait toujours été en faveur du dialogue, mais que les Américains ne faisaient aucun effort. Il annoncé qu’il acceptait de reprendre le dialogue sur son programme (et non uniquement sur l’échange) si les Américains et les autres acceptaient ses conditions : l’inclusion de pays proches de ses positions dans le processus des négociations, l’annulation de toutes les sanctions et enfin la condamnation officielle de l’arsenal nucléaire Israélien par le Conseil de Sécurité ce qui veut dire l’adoption de résolution comprenant des sanctions contre ce pays. Washington et les autres ont toujours répercuté l’envie de dialogue de Téhéran, mais en censurant l’énoncé de leurs conditions conçues pour provoquer un clash. Après plusieurs tentatives infructueuses pour faire parler de ces conditions, Téhéran a évoqué un accord pour un dialogue sans aucune condition préalable sur sa propre proposition d’échange. Puis, quand les médias se sont intéressés à l’Iran, il a glissé le sujet sur le dialogue à ses 3 conditions.

Washington qui reste focalisé sur la nécessité d’un dialogue pour lancer un processus de réchauffement bilatéral a saisi la proposition sur le dialogue immédiat à propos d’un échange selon les conditions de Téhéran. Dans un premier temps, il a demandé à son allié la Turquie d’endosser cette demande pour pouvoir l’envisager à son tour comme une sorte d’échange diplomatique avec un allié régional. Puis, P.J. Crowley, le porte-parole du Département d’Etat, a fait savoir que « les Etats-Unis étaient prêts à se joindre au processus de dialogue à propos de l’échange proposé (par la Turquie) et les questions plus larges de préoccupations de la communauté internationale sur le programme nucléaire iranien ». Avec une mauvaise foi monumentale qui confirme l’intérêt d’une entente avec les mollahs, Crowley a annoncé que la base de l’échange serait la quantité de l’offre initiale de Washington à savoir 1200 kg, alors qu’initialement l’offre américaine parlait du stock iranien de l’uranium (qui était de 1200 kg en octobre dernier).

Téhéran a été ravi, mais aussi déçu car sa proposition n’a pas été conçue pour déboucher sur un dialogue, mais sur des polémiques qui entraîneraient un clash. C’est pourquoi le responsable du programme nucléaire iranien a déclaré : « Nous sommes prêts à commencer des négociations avec l’autre partie dès les prochains jours. Comme nous l’avons dit plus tôt, l’objectif n’est pas de stocker de l’uranium à 20%. Nous avons commencé l’enrichissement à 20% pour produire du combustible que l’on nous refusait. Si l’on nous fournit 100 kilos de combustible à 20%, ce sera suffisant pour 7 ou 8 ans. Mais si à l’avenir, nous mettions en route d’autres réacteurs de ce type, ce sera une autre question car l’enrichissement à quelque taux que ce soit est notre droit légitime selon les règles du TNP. »

Il faut bien lire les propos. C’est légèrement différent de la proposition du début de la semaine. Washington avait évité toute polémique, Téhéran en introduit plusieurs en plus de son intention polémique de préserver son potentiel nucléaire militaire théorique : l’annonce d’une probable reprise de l’enrichissement à 20% après son interruption éventuelle, la décision implicite de préserver son stock d’uranium enrichi à 20% et enfin le rappel de son intention d’enrichir au taux de son choix.

En fait, Téhéran n’a pas fait état de sa disposition à entamer immédiatement le dialogue, mais a fait état de commencer dans les plus brefs délais la polémique et le dialogue de sourd intentionnel pour provoquer une escalade, ce qui au vue de son état économique et sociale est compréhensible. Si Washington esquive, Téhéran inventera d’autres sujets de polémique ou trouvera des prétextes pour annuler.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Que fera alors Washington ? C’est la question que nous posons à chaque fois car c’est de lui et de sa politique régionale que dépend l’issue de la crise. Evidemment, Washington sait que les mollahs ne peuvent pas accepter ses offres, c’est pourquoi, il continue à sanctionner à petit feu ces islamistes qu’il a portés au pouvoir en 1979. Il serait plus avisé de changer de politique car les Iraniens sont aujourd’hui différents de leurs congénères de 1979 : ils sont dégoûtés de l’islam : même si Washington parvient à signer un accord avec les mollahs, le peuple n’endossera pas cet accord.


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Pour en savoir + :
- Iran – Etats-Unis : Les vases communicants !
- (26 février 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Provocations |

[1instrumentaliser les Chiites
Washington a besoin d’une alliance avec les mollahs iraniens, chiites et persanophones pour contrôler deux sites vitaux pour son avenir : l’Asie Centrale (musulmane et persanophone) et le Cashmire (chiite) qui lui permettraient de priver la Chine d’une source majeure de gaz tout en créant une base-arrière de soutien aux Ouïghours. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite refuse depuis 1996 de reconduire son contrat d’exclusivité avec les Etats-Unis. Grâce à une alliance avec les mollahs chiites, Washington peut également espérer récupérer le pétrole saoudien car les régions pétrolières saoudiennes sont des zones chiites. In fine, Washington espère créer une grande république chiite englobant le Sud pétrolier iranien, le Sud pétrolier irakien (occupé par les Britanniques) et le Nord pétrolier saoudien.