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Iran : La réalité de la répression à l’époque du Shah
27.02.2010

Face à sa faillite totale sur tous les plans qui se manifeste par un boycott permanent des manifestations officielles par les Iraniens, civils ou miliciens, le régime des mollahs a eu l’idée de mettre en scène une révolution interne contre ceux que l’Occident avait identifiés comme des méchants. Il pouvait ainsi redorer l’image de la révolution en l’associant à un idéal démocratique tout en donnant des Iraniens l’image d’un peuple attaché à la révolution islamique. Cette opération menée par le Mouvement Vert et Moussavi a d’emblée axé sa communication sur une comparaison entre la « dictature sanguinaire du Shah et celle d’Ahmadinejad » pour rester dans l’héritage de la révolution islamique de 1979 (la chose à sauver). Ce discours n’a pas eu l’impact souhaité en Iran car plus personne ne croit aux récits des crimes du Shah. Bon nombre des auteurs de propos incriminants ont depuis des années avoué qu’ils avaient menti. Ces propos ont cependant été dits et publiés en persan. De fait, le Shah est resté un criminel pour les Occidentaux, ce qui est d’un sérieux secours pour le Mouvement Vert, alter ego d’un régime aux abois. Il nous est paru nécessaire d’exposer les faits tels que les Iraniens les connaissent.

par Babak Khandani



Peu de temps après la révolution, lors d’une réception dans un beau quartier de Paris, une dame racontait : « Les exactions du régime du Shah sont réelles. Mon frère finissait ses études d’ingénieur en Allemagne et venait d’avoir son diplôme de spécialiste des fours industriels. A son retour en Iran, il fut enlevé par la Savak et emporté dans une région inconnue. Là, il devait travailler de force sur une chaîne d’incinération où sur un tapis roulant, des caisses bien hermétiques arrivaient. Elles étaient acheminées vers l’incinérateur. Un jour, l’une des caisses tomba et une odeur pestilentielle envahit l’atelier. Mon frère s’approcha de la caisse éventrée et aperçût des cadavres. Les gardiens ne tardèrent pas à se manifester et éloignèrent tout le monde à coups de matraque. A l’occasion d’un congé, mon frère s’échappa alors vers l’étranger. »

La narratrice de cette histoire à dormir debout n’était pas une illuminée, mais une bourgeoise bien éduquée au Lycée Français de Téhéran et ayant toutes les apparences d’une femme du monde. Inutile de dire qu’on n’a jamais découvert le moindre camp d’extermination en Iran et que cette histoire est une pure invention d’une personne qui avait des intérêts personnels dans ce régime et cherchait par tous les moyens à l’appuyer. Mais, loin d’être anecdotique, cet exemple est emblématique d’une pratique courante des islamistes pour désinformer l’opinion publique. Malheureusement, ces méthodes ont fonctionné et obtenu le résultat escompté : salir l’ancien régime en Iran afin de justifier les horreurs actuelles.

La situation des droits de l’homme étant nettement meilleure dans Iran des Pahlavis que dans une grande majorité des pays du Monde, les détracteurs du Shah n’ont trouvé meilleure arme que la calomnie systématique où l’exagération outrancière est de mise. Mais ces calomnies résistent mal à un examen critique.

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Le nombre des prisonniers politiques | Les opposants au régime du Shah affirmaient que ce dernier détenait plus de 100.000 prisonniers politiques. Sachant qu’une grande prison comme Fleury-Mérogis a une capacité de l’ordre de 3500 détenus, il y aurait eu donc une trentaine de centres de détention politique à l’époque du Shah, soit un par ville de grande ou moyenne importance. Or, nous n’en connaissons qu’un seul, la prison d’Evine située à Téhéran qui avait une capacité maximale de 3000 prisonniers. D’ailleurs, à la libération de tous les prisonniers politiques quelques mois avant la chute du régime impérial, on n’en dénombra que 2400 (voir plus bas).

Toutes les inspections de la Croix-Rouge Internationale dans les années 1970 ont, par ailleurs, démontré que les conditions de détention étaient satisfaisantes. Les récits des exactions restent invérifiables et il semble bien qu’on transforme volontiers les interrogatoires musclés ou les bavures policières (toujours regrettables) en tortures systématisées.

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La notion du prisonnier politique | Certains objecteront et diront que 2400 prisonniers politiques, c’est 2400 de trop. Mais les faits reprochés à ces prisonniers là étaient-ils de simples délits d’opinion ou s’agissait-il de participation à des actes hautement plus répréhensibles ?

Loin d’être un pays calme, l’Iran des années 1970 était secoué par des attentats et actions armées quotidiens. Il ne se passait pas un seul jour où une bombe n’explosait ou une banque n’était attaquée à mains armées. C’était donc régulièrement que des personnes innocentes tombaient, victimes de vrais ou faux révolutionnaires de tous poils. Quoi de plus normal que les responsables de ces exactions soient poursuivis et emprisonnés ? Ce qui est sûr, c’est que pour des actes moins graves, les terroristes d’Action Directe, des Brigades Rouges ou de la Baader-Meinhof ont été condamnés à des peines plus lourdes. D’ailleurs, l’appellation de « prisonnier politique » est-elle appropriée pour ce genre d’actes ? Quand en plus, on apprend qu’une grande partie de ces attaques étaient de nature crapuleuse, on sympathise encore moins avec des criminels qui se font passer pour des victimes.

Curieusement, les terroristes avaient une prédilection pour les banques ! « C’était un acte révolutionnaire contre le capitalisme qui permettait en plus de financer la résistance politique » prétendent-ils aujourd’hui. En réalité, ils s’entraînaient pour une pratique qu’ils allaient pouvoir faire à grande échelle et de façon légale : le pillage des richesses de l’Iran.

Récemment, Mohsen Makhmalbaf, le cinéaste officiel du régime des Mollahs (et porte-parole du Mouvement Vert), déclarait dans une interview que le Shah en personne venait en prison pour le torturer. Comme tous les islamistes, barbus ou en cravate, Makhmalbaf n’hésite pas à raconter des histoires des plus rocambolesques dans la pure tradition des Jihadistes. Ce qu’il ne dit pas par contre, c’est qu’à l’âge de 16 ans, il était un petit caïd de quartier et que pour des raisons uniquement crapuleuses et non politiques, il abattit un pauvre gardien de la paix pour lui voler son pistolet. Pour ce meurtre, il ne fit que cinq ans de prison et à la chute du Shah, se proclama révolutionnaire et devint même le personnage fétiche des festivals de film.

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La course aux mensonges de la période révolutionnaire | Ayant peu de reproches tangibles à faire au Shah sur le plan social ou économique, les révolutionnaires des années 1970 n’ont trouvé d’autres tactiques que l’abus outrancier du thème du martyre. A partir de la fin de l’année 1977, les journaux du monde entier relayaient les fausses nouvelles sur les tués lors des affrontements souvent inexistants, et annonçaient une moyenne de « cent victimes par jour ». A en croire ces informations, il y aurait eu une cinquantaine de milliers de tués lors de cette année et demie de révoltes avant le départ du Shah.

Les summums de la calomnie furent atteints lors de deux évènements clefs de cette période : l’incendie criminel d’un cinéma à Abadan et la fusillade dans une petite place de Téhéran.

Le 20 août 1978, les issues du cinéma Rex d’Abadan furent verrouillées et le feu fut mis à la salle. Plus de 400 personnes périrent. Les média du monde entier accusèrent très vite le régime du Shah en donnant parfois, comme le journal Le Monde, des détails sur la façon dont les agents du régime auraient procédé. Mais après la révolution, très tôt la version des islamistes fut contestée par les familles des victimes. Finalement les langues se délièrent et plusieurs articles dans les journaux du régime donnèrent la version exacte de ce crime où le mode opératoire n’était finalement pas différent de ce que les hommes de main de Khomeiny avaient déjà commis ailleurs, par exemple dans un cinéma à Qom.

Deux semaines après cet incendie, le 8 septembre une fusillade éclata entre les révolutionnaires et les militaires sur une petite place de Téhéran du nom de Jaleh. Alors que le nombre réel de tués n’excédait pas les 90 personnes, la presse internationale parlait de 3000 victimes, certains avançant le chiffre de « 10.000 dont 100 enfants de moins de deux ans » ! Pourtant, ce jour-là, les journalistes occidentaux couvrirent librement l’évènement, une équipe de télévision filma même la place par hélicoptère. 3000 tués représentent au moins 30 camions remplis de cadavres, demandant d’ailleurs plusieurs heures de travail pour les charger. Mais dans aucune photographie, ni film d’actualité, nous n’apercevons ces tués sur place. Les quelques cadavres qu’on nous montra, se trouvaient à la morgue, s’agissant comme plus tard en Roumanie, d’accidentés de la route.

Dans cette fusillade, le nombre de tués était de 86, dont une bonne moitié était des soldats ! Car, cette tuerie fût déclenchée par des snipers palestiniens qui avaient pour mission de provoquer un bain de sang. Un tel massacre qu’on n’hésitera pas à mettre sur le dos du régime, aurait remonté la population et l’opinion publique internationale contre le Shah. Quelques années plus tard, quand les relations entre les Mollahs et Yasser Arafat s’envenimèrent, ce dernier leur rappela par voie de presse l’aide décisive que son organisation apporta ce jour-là à la révolution islamique.

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Plus royaliste que le Roi | D’après une enquête réalisée en 1980 par le régime, mais rendue publique seulement en 2003 par Emâd-ol-Din Baghi, « de 1963 (date de la première révolte de Khomeiny) jusqu’à la victoire de révolution islamique en 1979, seules 341 personnes ont été tuées ou sont décédées pour toutes causes confondues : affrontement avec les forces de l’ordre, exécution (après procès), suicide ou mort naturelle en prison ».

L’enquête menée Ahmad Bani-Ahmad, un opposant au Shah [1], et soumise à ce dernier le 18 mars 1980 ajoutait que ces « 341 personnes ne pouvaient en aucun cas être considérées comme des prisonniers d’opinion » car ils ont trouvé la mort en liaison avec des actions terroristes. L’enquête précisait que l’on ne connaissait « pas un seul cas de prisonnier d’opinion malmené en prison par la Savak » et en concernant la place Jaleh, elle réduisait le nombre des tués de 86 à 64.

Emâd-ol-Din Baghi a avoué ouvertement que les résultats de cette enquête furent longtemps cachés du public, car ils étaient en totale contradiction avec les dires des leaders de la révolution, à commencer par Khomeiny.

D’autres études effectuées par des opposants au Shah arrivent à la même conclusion : sur une période de quinze ans, l’ordre de grandeur des tués pour diverses raisons est de 300 et celui de tous les emprisonnements pour raison politique est de 4000 (ne comptabilisant pas les détentions de courtes durées, c’est-à-dire inférieur à deux semaines). Peu de pays dans le monde ont fait mieux dans la même période.

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Le Shah et le contexte international | D’après ses détracteurs, « le Shah venait tout juste après Hitler et Staline dans ses crimes ». Faisons donc une comparaison avec différents pays de 1945 à 1980.

Aujourd’hui encore, des dizaines de milliers de mères pleurent leurs fils disparus au Chili ou en Argentine. Pas une seule mère n’est dans cette situation vis-à-vis du régime du Shah. Encore aujourd’hui, on trouve des charniers en Espagne, vestiges du Franquisme. A-t-on jamais trouvé un charnier attribuable au Shah d’Iran ? Ce sont 30 à 40 milles personnes qui sont passées par les armes lors de l’épuration à la Libération en France. Peut-on trouver un exemple de cette ampleur dans les faits attribuables au Shah d’Iran ?

Dans ces années-là, il était plus facile d’être un opposant en Iran que dans n’importe quel pays de l’Europe de l’Est, qu’en Chine, qu’en Corée (du Nord ou du Sud), à Taïwan, sans parler d’autres pays d’Asie comme Le Viet-Nâm, la Thaïlande ou la Malaisie. En Turquie et au Pakistan, les deux super-vassaux des Etats-Unis dans la région, le nombre des victimes de l’opposition politique ne se compte pas en quelques centaines, mais en plusieurs centaines de milliers. Ne parlons même pas des pays arabes ou d’Afrique. Oublions également la Grèce des Colonels ou la dictature de Salazar au Portugal.

Etre séparatiste était moins dangereux à Téhéran qu’à Belfast. Aux Etats-Unis, une fois communiste dans sa vie, on était banni à tout jamais, alors qu’en Iran on pouvait espérer devenir Impératrice (Farah Diba) ou Premier Ministre (Hoveyda). Pire encore, et c’est le reproche qu’on ferait au Shah d’Iran, on pouvait être en intelligence avec l’ennemi et trahir son pays, et gracié très facilement.

Le régime du Shah ne s’effondrât pas par excès, mais par laxisme. C’est sur ce point que les Iraniens jugent sévèrement l’ancien régime.


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Un autre aspect de la désinformation des mollahs à propos du Chah :
- Iran : Les habits neufs du lobbying des mollahs -
- (23 Février 2010)

| Mots Clefs | Institutions : Les Racines de la Révolution Islamique |

| Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah (le Chah) |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Babak Khandani |

[1Note du 30.06.2012 (sous réserve de réécriture). Ahmad Bani-Ahmad, d’abord député pendant le régime impérial, s’est rallié à la révolution islamique avant le départ du Shah par des discours enflammés hostiles au roi demandant sa démission ou par des discours hostiles aux dernierx gouvernementx en place. Ses discours ont été décisifs pour agiter la rue et ou le Parlement. Au même moment, il a créé un parti social démocrate (mais musulman) pour s’intégrer à la révolution islamique. Il a par la suite essayé de s’approcher de Khomeiny et des autres révolutionnaires en créant la commission d’enquête pour le recensement des "victimes du Shah". Ses efforts n’ont pas été appréciés. Il a dû quitter le pays et s’exiler en France.