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Iran : Le Jundallah, le cadeau d’adieu de la CIA
24.02.2010

Téhéran vient d’annoncer avoir intercepté à bord d’un avion en vol au-dessus de ses eaux territoriales Abdol-Malek Riggi, le chef du groupe armé séparatiste Baloutche financé par les Américains. Dans un communiqué publié sur le net, les partisans de Riggi affirment que leur chef a été donné par la CIA sur un fond de marchandage politique irano-américain. Nous partageons ce point de vue car ce n’est pas la première fois que Washington livre un combattant de ce groupe pour contribuer à la reprise du dialogue avec les mollahs dont il a besoin pour asseoir son autorité dans la région.



C’est en mars 2006 que les Iraniens ont découvert le nom de Jundallah quand le groupe a attaqué un convoi des Pasdaran dans l’Est du pays en capturant sur une route déserte 29 responsables nationaux et régionaux qui ont été alignés à genoux, tués d’une balle dans la nuque, puis dénudés et laissés sur place. Les assaillants ont tourné des images à l’usage d’une diffusion sur les chaînes d’info pour homologuer leur attaque. Après le coup, les assaillants s’étaient réfugiés au Pakistan, pays allié des Etats-Unis. Par la suite, le nom de Jundallah a été associé à des attaques puis un repli au Pakistan. Ces attaques souvent mortelles, parfois accompagnées de prises d’otages mortelles, visaient toujours les Pasdaran, milice chargée de la sécurité et de la stabilité du régime. Il y avait donc un message d’intimidation adressé aux mollahs. En vérifiant les dates de ces avertissements mortels, nous avons découvert qu’ils avaient, à chaque fois, précédé une demande américaine de reprise de dialogue repoussée par Téhéran. Il est alors devenu clair que le Jundallah était un instrument de pression sur les mollahs pour les obliger à négocier avec les Etats-Unis. Mais il est également devenu clair que les Pasdaran étaient très vulnérables et pouvaient rapidement être débordés d’autant plus que Washington a aussi mis en place dans la foulée le même genre de dispositif à l’ouest d’Iran avec le Pejak, le groupe armé kurde qui se repliait en Irak après chaque coup. Malgré la possibilité, il n’y a jamais eu des attaques simultanées susceptibles de faire basculer le pouvoir, mais toujours des frappes très ponctuelles d’intimidations.

La raison de ce choix est une absence de choix : pour affaiblir la Chine, Washington a besoin d’un allié capable de soulever les musulmans de la région contre la Chine et cet allié stratégique ne peut être qu’un Etat musulman qui revendique l’activisme islamiste : le régime des mollahs. Washington ne peut pas renverser ce régime : il en a besoin. Washington a un autre problème : il a aidé l’émergence d’un allié islamiste en Iran en 1979, mais à l’issue de la révolution islamique organisée par groupes ou partis islamistes financés par Washington, les mollahs faisant partie de la coalition ont gardé le pouvoir. S’ils acceptent une entente avec Washington, ils devraient se démocratiser et accepter le retour en Iran de leurs complices pro-américains qui peuvent facilement les battre dans des futures élections démocratiques encouragées par Washington et ainsi perdre le pouvoir pour se retrouver à la merci de Washington. Les gros bonnets à l’origine des attentats ou des actions terroristes devront payer pour leurs crimes et les autres seront incapables de négocier leurs honoraires pour leurs services, susceptibles d’écoper du même sort s’ils refusaient de servir. L’entente serait l’annonce d’une mort certaine pour tous les gens du pouvoir. C’est pourquoi les mollahs fuient toute réconciliation et font tout pour faire capoter une entente. Pour casser cette résistance, Washington les harcèle, mais en se gardant de les renverser, ce qui l’a toujours empêché de profiter de la faiblesse des Pasdaran face aux va-nu-pieds de Jundallah. Parallèlement, la nécessité incontournable d’une alliance avec ce régime a toujours empêché l’adoption par les Américains de sanctions susceptibles de provoquer une révolte populaire fatale au régime. Ceci nous amène à cette affaire du Jundallah.

Le régime que Washington veut comme allié est sur les genoux, il n’a plus de sous, mais ne peut pas capituler car l’entente que l’on lui propose est un verdict de mort. Chaque jour qui passe est un pas vers la capitulation fatale pour les gros bonnets. En réponse à cette situation désespérée, les gros bonnets du régime cherchent l’issue dans la provocation d’une escalade guerrière pour laisser entendre une perturbation de l’approvisionnement pétrolier de l’Occident avec le fol espoir de faire capituler Washington. Ce dernier esquive leurs provocations et attend leur inéluctable capitulation. Désormais la priorité pour Washington n’est plus de harceler les mollahs, ni de renforcer les sanctions, mais d’attendre en prenant des mesures éconmiques ou encore politiques pour éviter une chute avant la capitulation des mollahs.

Dans cette optique, l’Irak a récemment injecté 600 millions de dollars dans l’économie iranienne pour pourvoir à l’approvisionnement de deux principales banques qui étaient en faillite pour éviter la rupture du soutien du Bazar qui peut entraîner la fin du régime et du modèle islamique. Hier, c’est le directeur de la Banque centrale de la Turquie (membre du FATF-GAFI, l’organisme chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent) qui s’est rendu à Téhéran pour proposer des financements à la Banque centrale iranienne que le FATF-GAFI propose de déclarer hors la loi !

C’est encore dans cette optique que Washington vient d’écourter le contrat de Jundallah : conçu pour le harcèlement, il n’avait plus de raison d’être. C’est pourquoi Washington a demandé au larbin pakistanais de faire le ménage. Le guerrier a été mis dans un avion qui devait atterrir sur la péninsule Arabique, mais il s’est posé en Iran. Cette version suggérée par le Jundallah est contestée par le Pakistan qui affirme avoir livré le paquet il y a une semaine. Quelle que soit la version exacte de cette extradition atypique, des heures noires attendent l’ex-enfant terrible du pays.
© WWW.IRAN-RESIST.ORG


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De son côté, Téhéran jubile, mais il ne le devrait pas car ce n’est que le signe que Washington tient la capitulation pour acquise voire proche. Cependant, l’avenir peut lui réserver des surprises comme en 1979 du côté de la Russie, victime désignée de son alliance avec les mollahs. Washington pourrait se voir alors contraint de se chercher un nouveau Jundallah.


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Pour en savoir définitivement plus :
- Iran : On évoque à nouveau un changement de régime (décodages)
- (8 novembre 2008)

Le ménage a commencé en novembre :
- Iran : Mauvais deal au Baloutchistan !
- (7 novembre 2009)

| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement (US) |

| Mots Clefs | Terrorismes : Jundallah |
| Mots Clefs | Violence : Baloutchestan (Sistan & Baloutchistan) |
| Mots Clefs | Pays : Pakistan |