Iran : Karroubi, la figure montante des dissidents ! 18.08.2009 Le procureur de Téhéran Saïd Mortazavi (qui serait sur le point d’être muté) a suspendu la parution du prochain numéro du quotidien Etemad Melli (confiance nationale), organe du parti du même nom, dirigé par Karroubi, l’un des deux candidats réformateurs à l’élection présidentielle du 12 juin. Cette suspension n’a pas de raison d’être puisqu’elle a été motivée par la publication d’une interview déjà diffusée par les agences de presse du régime. Téhéran veut fabriquer un cas Karroubi. Depuis qu’il a dénoncé des viols sur les prisonniers (uniquement du Mouvement Vert), il y a une semaine environ, Karroubi est le nouveau champion de la liberté d’expression sous le régime des mollahs. Les médias étrangers parlent de lui comme d’un courageux dissident. D’autant plus qu’il est l’objet d’attaques de la part de religieux ultraconservateurs comme Ahmad Khatami. Or, cet Ahmad Khatami n’a aucun poids politique. Karroubi peut à tout moment le faire taire car il est un membre à vie du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime, organe plénipotentiaire qui décide de l’ensemble des politiques iraniennes dans tous les domaines et peut sans l’avis du Conseil des Gardiens de la Constitution promulguer des lois non conformes à la Constitution de la république islamique. On ne peut à la fois être un dissident qui dénonce des décisions prises à très haut niveau et en même temps être un membre du véritable organe qui prend ces mêmes décisions. Si Karroubi avait effectivement choisi la dissidence, il aurait été immédiatement exclu du Conseil de Discernement de l’Intérêt du Régime. Au lieu de cela, on lui fait de la publicité pour sa fausse dissidence avec sa polémique ridicule l’opposant à Ahmad Khatami. Une polémique amplifiée par tous les médias du régime, par des appels à des manifestations hostiles ou des manifestations de soutien, et enfin par cette suspension pour une interview de son fils à paraître dans le prochain numéro alors qu’elle avait déjà été diffusée par les agences de presse officielles, il y a une semaine. Pour aller dans le sens de l’amplification de la polémique, le régime a interdit cette publication au nom de l’article 6.2 du code de la presse qui « interdit la diffusion de textes ou de photos qui encouragent l’incitation à la débauche ». Pourtant, bien d’autres articles auraient pu être choisis pour motiver cette suspension. Mais comme toujours, le régime noircit les traits. Il victimise à outrance afin d’amplifier le sentiment d’injustice de cette procédure et ainsi susciter la sympathie pour la personne persécutée qui continue à disposer d’un droit de réponse dans les médias ! C’est la procédure de base pour fabriquer médiatiquement de faux dissidents. Comme toujours, l’utilité de cette procédure est de simuler l’existence d’une dissidence interne : un pluralisme qui donnerait l’illusion d’une opposition vivante et active comme dans toute démocratie ! Cette présente suspension grotesque de 24 heures, surmédiatisée avec la complicité du très complaisant bureau iranien de l’AFP, nous indique que le régime entend donner un rôle prépondérant et très polémique à Karroubi dans les mois à venir dans l’arène politique aux côtés de Moussavi, le moralisateur mou. En fait, le régime est en train de peaufiner la composition de son paysage politique de l’opposition légale à Ahmadinejad : il injecte de la polémique dans cette opposition car son objectif est de continuer sur le scénario de la contestation de la légitimité du président élu, prétexte initié par le Mouvement Vert pour bloquer les négociations nucléaires avec les Six. C’est la solution trouvée par le régime pour pallier l’absence de soutien populaire au Mouvement Vert, désormais reconnu par les Iraniens comme un mouvement qui a trahi leur aspiration à un changement de régime. A un moment où ils montent chaque nuit sur les toits pour crier « Mort à la république islamique » pour contrer les cris d’Allah Akbar des miliciens, le régime a renoncé à mobiliser les foules en sa faveur et imaginé un scénario tout en médiatisation et en polémique avec de vieux facétieux comme Karroubi. Le régime est revenu à des ambitions plus limitées : il n’a pourtant pas fini avec les Iraniens. Pendant leur soulèvement de juin dernier, ils ont offert au monde des images de mobilisation qui rendent les rumeurs de dissidence difficile à admettre sans une présence physique des Iraniens dans les rues pour soutenir les soi-disant dissidents. Dès samedi dernier, pour donner une crédibilité à Karroubi, tous les partisans du Mouvement faux jeton des Verts avaient appelé à une manifestation massive en sa faveur ce lundi devant les bureaux de son journal puisqu’ils savaient par avance que le régime allait annoncer sa suspension ce lundi ! Comme d’habitude, nos compatriotes n’ont pas été dupes. Et comme d’habitude, nous avons eu le droit à de fausses nouvelles des partisans de Moussavi évoquant un grand rassemblement populaire avec des « slogans hostiles à Ahmadinejad ponctués d’Allah Akbar », des affrontements, des tirs de grenades lacrymogènes et des dizaines de blessés : toutes choses que l’on ne voit guère sur les 2 vidéos censées les montrer !
| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique | | Mots Clefs | Mollahs & co : Karroubi | | Mots Clefs | Réformateurs & faux dissidents : Le Mouvement Vert | |