![]() | |
Obama-Iran : L’instrumentalisation de Mossadegh est une erreur tactique 06.06.2009 Dans son discours du Caire, pour accélérer l’ouverture du dialogue avec les mollahs, Obama a reconnu un rôle américain dans le renversement de Mossadegh en 1953. Washington a sous-entendu que le Chah était un « agent américain » afin de satisfaire l’ego des mollahs ! Mais, ce calcul est faux et la déclaration est loin d’être suffisant pour Téhéran. | Décodages | Mossadegh, la vraie histoire | « En pleine guerre froide, les Etats-Unis ont joué un rôle dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu », a dit Obama dans son grand discours prononcé au Caire. Le nom de Mossadegh est connu par tout le monde, mais peu connaissent son rôle dans l’histoire de l’Iran. Il est connu comme un Premier ministre démocrate qui aurait été renversé par le roi avec l’aide des puissances étrangères. Or, Mossadegh avait été nommé à son poste par le roi qui en vertu de la constitution iranienne était en mesure de le destituer à tout moment : il n’avait donc pas besoin de faire appel à une force illégale pour faire un coup d’Etat contre son propre Premier ministre.
D’une part, les Américains ont informé les Soviétiques qu’ils ne toléreraient pas une invasion de l’Iran, que cela pourrait déclencher une riposte américaine et de l’autre côté, ils sont intervenus via leur ambassadeur Loy Henderson auprès de Mossadegh qu’ils connaissaient bien car ils l’avaient soutenu pour chasser les Britanniques de l’Iran. Loy Henderson lui a dit qu’il risquerait d’être la première victime des officiers communistes et l’a vivement encouragé à ne pas donner l’ordre de distribuer les armes aux civils partisans de Toudeh. C’est ce qui arriva. C’est aujourd’hui l’un des points glorieux de son mandat controversé. L’autre intervention américaine a retenu Moscou qui n’a pas demandé aux officiers de Toudeh de passer outre le refus de la distribution des armes par Mossadegh pour tenter le coup. Sans ces interventions, les caïds costauds de la rue n’auraient évidemment pas fait long feu devant les mitraillettes des civils communistes et les chars soviétiques appelés en renfort. Cependant ce n’est tout de même pas ce que l’on peut appeler un rôle actif dans le renversement de Mossadegh. D’une part, Mossadegh était déjà fini par ses propres erreurs d’alliances avec des forces qu’il ne contrôlait guère et de l’autre, les Américains sont intervenus à hauts niveaux pour contenir les Soviétiques et les empêcher de s’emparer du Golfe Persique et ses réserves et non pour l’Iran ou pour le Chah qu’ils n’appréciaient guère. Ils ont d’ailleurs cherché à le renverser dès 1961, pour le remplacer par une dictature militaire instable et facilement contrôlable comme ils en avaient rempli l’Amérique du Sud. Instrumentalisation de Mossadegh | Malgré ces réalités géopolitiques indéniables (qui sont au coeur de l’actuel désordre de la région), et des faits historiques vérifiables, le mythe abracadabrant de l’opération Ajax revient sans cesse comme un moyen pour plaire aux mollahs. Ce récit rempli d’incohérences géographiques grossières a été initialement conçu dans les années 60 par les Américains eux-mêmes pour dévaloriser le Shah qui avait de grandes ambitions contraires aux intérêts américains pour l’Iran et la région en coopération avec les non-alignés. Ce récit a montré son efficacité quand en 1979, les Américains oeuvraient encore une fois pour le renverser. Ce récit a permis de mobiliser une opinion internationale naïve ainsi que de nombreux Iraniens pro-occidentaux qui ont fait l’erreur historique de prendre pour argent comptant des articles parus à propos de leur pays dans la presse d’Etats qui avaient intérêt à l’affaiblir et remplacer une élite éduquée par des nervis islamistes prêts à tout brader pour s’enrichir. Aujourd’hui que ce régime bat de l’aile, on ressort les vieux mensonges. Le mythe du renversement de Mossadegh (et non de son effondrement) reprend vie sous la plume d’auteurs superficiellement de gauche, des lobbyistes pro-mollahs, des officines pro-entente et de journalistes qui puisent leurs infos dans wikipedia plutôt qu’auprès des spécialistes iraniens du sujet, tous des compagnons de route de Mossadegh [1]. Instrumentalisation de Mossadegh par Washington | Ce retour, les Américains l’ont déjà essayé sous Clinton : à l’époque aussi, ils organisaient des rencontres fortuites pour échanger une poignée de main afin d’entamer le dialogue et conclure un deal. Ainsi en 2000, Madeleine Albright avait comme Obama évoqué toujours en termes flous une implication américaine contre Mossadegh, mais plus tard à l’occasion de la publication des dossiers déclassés de la CIA concernant l’année 1953, leur implication étant bidon, ils ont évoqué une perte des dossiers ! Entre temps, ils ont pas mal courtisé Téhéran. L’épisode le plus pittoresque a été la partie de cache-cache dans les couloirs de l’ONU, mais Khatami a refusé de serrer la main de Madeleine. L’aveu de l’implication américaine sous Clinton n’a permis d’opérer aucune avancée en direction d’une entente : cela ne risque pas de changer car l’objet de discorde entre Téhéran et Washington n’est pas l’éloge de Mossadegh ou encore la calomnie du Chah, mais la reconnaissance du rôle régional des mollahs au Moyen-Orient via le Hezbollah. D’ailleurs, hier, dès la fin de ce discours d’Obama, il n’y a eu aucun remerciement à propos de la déclaration sur Mossadegh, mais une critique virulente formulée par le Hezbollah. Erreur tactique | Les Américains se sont trompés en pensant qu’ils allaient calmer le jeu en évoquant leur soi-disant rôle hostile contre Mossadegh. En fait, le clergé chiite au pouvoir ne veut pas rendre hommage à Mossadegh comme un ancien allié qui avait, pour prendre le pouvoir, rompu avec Israël ou interdit la vente de l’alcool ou l’enseignement mixte. A travers, l’exemple de Mossadegh, les mollahs cherchent à faire admettre l’illégitimité historique de la monarchie laïque et pro-occidentale du Shah pour faire admettre leur propre légitimité : celle de la révolution islamiste anti-occidentale et ses résultats (le Hezbollah). Obama a fait une belle boulette : il vient de leur ouvrir l’appétit. Il lui faut aller plus loin, au-delà de Mossadegh vers Khomeiny. C’est même plus qu’une belle boulette, c’est une erreur tactique énorme : les Américains espéraient interpeller les mollahs pour qu’ils mettent au pouvoir un Khatami Bis. Or, Mossadegh a été le symbole du refus du dialogue avec l’Ouest, Téhéran compare sans cesse son programme nucléaire à la nationalisation du pétrole par Mossadegh et le leitmotiv d’Ahmadinejad, la Justice (Adâlat), est le mot qui ne quittait pas le verbe de Mossadegh ! L’équipe Obama vient de confirmer le bon choix des mollahs de reconduire le mandat d’Ahmadinejad pour 4 ans de refus et de provocations qui vont faire passer Mossadegh pour un champion de la modération. © WWW.IRAN-RESIST.ORG
| Mots Clefs | Histoire : Mossadegh | | Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah (le Chah) | | Mots Clefs | Institutions : Les Racines de la Révolution Islamique | | Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |
[1] Ali Mirfetros | Jalal Matini | Shemshiri (doc audio en persan) | |