Pour mettre fin aux pressions qui pèsent sur lui, le régime des mollahs a décidé de remettre en cause la légitimité des résolutions onusiennes contre son programme nucléaire. A cette fin, il a décidé d’initier un grand débat international sur la légitimité du Conseil de Sécurité et de ses résolutions en général. Pour réussir son coup, Téhéran a axé ce débat non pas sur son droit légitime au nucléaire, mais sur un sujet plus fédérateur, le rôle du Conseil de Sécurité comme protecteur d’Israël et obstacle à toute action légale contre Israël, afin de s’assurer le soutien des Etats musulmans qui sont près du tiers des membres de l’ONU.

Le rendez-vous de Genève était parfait car il s’agissait d’un cadre onusien pour lancer ce débat onusien. Mais le rendez de Genève était aussi Durban 2 : Téhéran voulait une tribune spectaculaire pour lancer une polémique qui séduise la rue arabe afin de mettre les Etats arabes modérés (alliés des Etats-Unis) dans l’embarras afin qu’ils ne puissent se dérober au jeu. Pour renforcer cette polémique, Téhéran avait besoin d’un coup d’éclat.

Les stratèges du régime des mollahs ont trouvé la solution : selon les règles en vigueur à l’ONU, lorsqu’un orateur s’exprime dans une autre langue que les 5 officielles (anglais, français, espagnol, russe, chinois et arabe), il doit auparavant distribuer le texte de son discours en anglais à toutes les délégations présentes. Le texte distribué par la délégation iranienne comportait deux mots à caractère négationniste dans une des phrases : « Les Alliés ont créé l’Etat d’Israël après la Seconde Guerre mondiale sous le prétexte des souffrances des juifs et de la question ambiguë et douteuse de l’Holocauste ».

Mais à Genève pendant son allocution, Ahmadinejad n’a pas prononcé ces deux mots. Mais supposant qu’il allait le faire, bien avant qu’il n’ait commencé cette phrase, les représentants de 23 Etats européens ont quitté la salle : ils sont tombés dans un piège tendu par les mollahs. Sans le savoir, ils ont quitté la salle d’une part face à un discours « soft » sur Israël et aussi face à un discours révolutionnaire qui demandait la suppression du droit de veto des 5 membres permanents et la création d’un siège pour les Etats musulmans pour un monde plus équitable.

Quelques jours plus tôt, Téhéran avait annoncé qu’il accepterait le dialogue avec les Six (Conseil de Sécurité+1), si ce débat concernait son paquet de propositions qui traitait notamment d’une meilleure représentation des musulmans dans les institutions onusiennes. Il pensait qu’il tenait là un prétexte pour faire capoter un dialogue qui doit le contraindre à faire des compromis. Avec le boycott de la conférence de Genève par les Etats-Unis et le départ provoqué des délégations européennes, Téhéran a conclu à une victoire.

Ahmadinejad a lâché un sourire. Après cette intervention inattendue, il a vite quitté Genève pour Téhéran afin de participer à une conférence de l’OCI organisée à l’initiative des mollahs en parallèle avec Durban 2 à Genève. Téhéran espérait des vases communicants entre les deux réunions pour lancer son débat sur la refonte du Conseil de Sécurité, la suppression du droit de veto des 5 membres permanents et la création d’un siège pour les Etats musulmans pour un monde plus équitable.

Malgré cette stratégie inventive et un piège qui avait très bien fonctionné, Téhéran a perdu son pari en partie parce qu’après le départ spectaculaire des 25 délégations (23 européennes plus Maroc et Jordanie), les journalistes ont aussi tous quitté la salle pour couvrir ce départ et personne n’a plus parlé du discours très révolutionnaire concocté par les mollahs. Les représentants du régime présents dans la salle et les tribunes ont essayé d’improviser pour sauver la situation par des applaudissements nourris pour créer une émulation parmi les délégations arabes présentes, mais excepté les représentants du Yémen personne n’a applaudi.

A ce désaveu médiatique s’est ajouté un désaveu politique puisque le communiqué final de la conférence parle d’une interdiction pour les Occidentaux de critiquer des violations des droits de l’homme dues à l’application de la Charia dans les pays musulmans, mais ne mentionne pas les propositions de Téhéran sur une refonte du Conseil de Sécurité. Les Etats musulmans qu’ils draguaient n’ont retenu leur projet de refonte du Conseil de Sécurité : ce projet est aujourd’hui presque mort. C’est une cuisante triple défaite pour les mollahs : ils sont encore plus isolés, privés de leur leadership, et pire encore, dépouillés de leur prétexte pour refuser le dialogue. Ils se retrouvent comme avant Durban 2 sous la coupe des résolutions du Conseil de Sécurité et mis en demeure de répondre à l’offre de dialogue des Six.

Cette triple défaite n’a pas été sans conséquence sur leur réponse. On se souvient que les mollahs avaient récemment annoncé il y a une dizaine de jours, la publication prochaine de leur paquet de propositions. C’était juste avant Durban 2. Ils attendaient la victoire pour annoncer la couleur.

Avec la mort de leur projet fédérateur, les mollahs doivent trouver un autre prétexte. Le temps de cet exploit intellectuel, pour faire patienter Washington afin qu’il n’opte pas pour de nouvelles sanctions, Téhéran a mis en avant son attachement au dialogue, d’abord via Rafsandjani pendant la prière de vendredi, puis par Ahmadinejad à l’occasion d’un entretien accordé dimanche à la chaîne américaine ABC.

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