C’est à Damas que Nozari, le ministre iranien de pétrole, a révélé l’existence de Persian Pipeline, un « projet en cours de conception » pour « canaliser du gaz iranien vers l’Europe via l’Irak, la Syrie et la Méditerranée ». Le tracé est inhabituel, puisqu’il évite la Turquie, le principal couloir d’accès vers l’Europe et déjà impliquée dans plusieurs projets de tubes européens destinés à approvisionner l’UE. Ces tubes visent généralement les hydrocarbures d’Asie Centrale, mais l’Iran avait également été envisagé comme un partenaire dans le cas où il renoncerait à son programme nucléaire.

En évitant la Turquie, Téhéran gagnerait en autonomie vis-à-vis des exigences politiques de l’Europe et s’affranchirait des limitations imposées par les sanctions américaines qui interdisent aux opérateurs européens d’intégrer l’Iran dans leurs projets de tubes. Mais si cette ambition est réelle, le projet manque de réalisme : Téhéran annonce des négociations en cours avec des partenaires européens, alors que pour éviter la Turquie qui est à la fois pro-américaine et pro-européenne, le tube iranien doit transiter par l’Irak qui est sous une influence américaine. Le tube ne vaut rien sans un accord des Kurdes irakiens, alliés indéfectibles des Etats-Unis.

Quelle est donc l’utilité de cette annonce irréaliste ? C’est de la communication pure mollah entre désinformation, rumeur et polémique. Elle a été faite le 31 mars date avant laquelle Total avait promis d’annoncer sa décision de concrétiser son investissement en Iran. Il s’agissait donc d’une réponse en prévision de l’annonce d’un nouveau report par Christophe de Margerie de cet investissement sur lequel comptait Téhéran pour faire face à un sérieux manque de devises. Dans cette annonce préventive, Nozari a fait état de « négociations en cours avec des partenaires européens ». C’est un message polémique destiné à Total afin qu’il se dépêche.
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Ce projet abracadabrant inclut également la Syrie : ce n’est pas étonnant, Téhéran est en train de perdre cet allié sans lequel il devrait dire adieu à ses ambitions régionales. La Syrie donne des signes de mutinerie. Ses négociations avec les Américains l’ont renforcée sur la scène régionale au point qu’elle ambitionne de prendre la place des mollahs dans le rôle du protecteur du Hamas et du Hezbollah. Avec cette annonce, Téhéran cherche à retenir son allié avec la vague promesse d’un moyen de pression sur l’Europe, alors que la Syrie joue justement la carte d’un appaisement avec l’Europe !

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Dans les deux cas, Téhéran est face à des partenaires indispensables, mais indisponibles, contre qui il ne peut se permettre de hausser le ton directement. Signe d’un isolement certain !