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Iran : Le flou sur l’état des réserves en devises
28.10.2008

Personne ne peut dire aujourd’hui à combien se chiffre le volume des réserves en devises de l’Iran ! Différents responsables ont pris la parole pour parler d’un chiffre entre 7 milliards et zéro dollars. Le régime entretient délibérément la confusion car il poursuit plusieurs objectifs logiquement contradictoires.



C’est la crise, et chacun sans y connaître grand chose imagine qu’elle affectera l’économie de son pays. Normalement, tous les gouvernements à travers le monde ont recours à l’argument fondé de la crise pour expliquer une certaine récession. Il n’en est rien en Iran !

Le fait est que le régime avait déjà désigné le responsable de ses difficultés économiques : la mauvaise gestion d’Ahmadinejad, un argument qui ne reconnaît pas les effets des sanctions et pourrait le temps venu permettre de le destituer quand sa mission de meneur de crise arrivera à terme (soit parce que le régime a trouvé un deal satisfaisant avec Washington, soit parce qu’il n’en peut plus et accepte de céder). La crise a chamboulé ce plan et aujourd’hui, différentes expertises insistent sur cette mauvaise gestion et produisent des chiffres en ce sens, chiffres inédits et en contradiction avec d’autres publiés il y a à peine 6 semaines !

Chez les mollahs, c’est le dernier qui a parlé qui a raison ! Le dernier est un certain Tabesh, membre de la commission parlementaire du Budget, et ses chiffres contredisent le rapport publié il y a environ 45 jours par Mesbahi-Moghadam, le chef de la commission des affaires économiques.

Selon Tabesh, quand le précédent gouvernement (celui de Khatami) a passé le pouvoir à Ahmadinejad, les réserves en devises étaient de 30 milliards de dollars, mais en 2004, en l’espace de 9 mois d’exercice, Ahmadinejad a ponctionné 19 milliards de dollars dans cette réserve pour dissimuler ses défauts de gestion. Or, ces 19 milliards qui auraient réduit les réserves à 11 milliards de dollars n’apparaissaient pas dans le rapport consacré à ce même soi-disant défaut de gestion et rédigé par le chef de la commission des affaires économiques du Parlement !

Selon ce rapport, en 2004 l’Iran disposait de 36,32 G$ (milliards de dollars) des revenus pétroliers de 2003, de 7,5 G$ des revenus non pétroliers de 2003, et aurait fait 44,62 G$ de dépenses en devises : c’est-à-dire 36,32+7,54-44,62 soit un déficit de 0,76 G$ et non des besoins qui auraient nécessité de ponctionner 19 milliards de dollars dans les réserves.

Selon ce rapport publié dans tous les quotidiens du régime, fin 2004, les réserves auraient alors dû être de 29,24 milliards de dollars et non pas de 11 milliards de dollars comme l’affirme aujourd’hui le régime.

De fait, si les réserves sont aujourd’hui vides, le coupable ne peut pas être Ahmadinejad, mais son prédécesseur ou encore les autres avant lui.

En 2005, selon le rapport du chef de la commission des affaires économiques du Parlement, l’Iran disposait de 53,82 G$ des revenus pétroliers de 2004, de 10,55 G$ des revenus non pétroliers de 2004, et aurait fait 45 G$ de dépenses en devises : c’est-à-dire 53,82+10,55-45, soit un excédent de 19,37 G$ et non un chiffre inconnu de déficit réduisant la part fictive des 11 milliards de dollars cités plus haut. Selon ce rapport qui n’avait pas été contesté il y a 45 jours, les réserves auraient dû être à 48,61 milliards de dollars fin 2005.

En 2006, le rapport évoque 62,46 G$ des revenus pétroliers de 2005, 13,08 G$ de revenus non pétroliers de 2005, et aurait fait 52 G$ des dépenses en devises : c’est-à-dire 62,46+13,08-52 soit un excédent de 23,54 G$ et non un nouveau chiffre inconnu de déficit réduisant la part fictive des réserves à zéro. Selon ce rapport, les réserves auraient dû être à 72,15 milliards de dollars fin 2006 !

Enfin, pour 2007, le rapport évoque 81,76 G$ des revenus pétroliers de 2006, 15,64 G$ des revenus non pétroliers de 2006, et aurait fait 70 G$ de dépenses en devises : c’est-à-dire 81,76+15,64-70 soit un excédent de 27,4 G$ et non un autre nouveau chiffre inconnu de déficit qui confirme l’aveu récent de la nullité des réserves. Selon les chiffres évoqués plus haut, les réserves auraient dû alors être de 99,55 milliards de dollars fin 2007 !

On est loin des réserves vides, mais sous le régime des mollahs les chiffres sont aléatoires : en décembre 2007 la Banque Centrale Iranienne faisait état de 8 milliards de dollars de réserve puis de 76 milliards de dollars de réserve en février 2008 !

Le fait est que l’ensemble de ces chiffres sont des faux (surtout ceux du rapport parlementaire du septembre 2008). Plus exactement il s’agit de mensonges politiques : des faux résultats (positifs, sans références aux dettes) avec une valeur de slogans pour rassurer les bazaris sur la solidité du régime, et surtout rassurer les créanciers étrangers de la solvabilité du régime.

Il y a encore 6 semaines en septembre 2008, le régime des mollahs évoquait certes une mauvaise gestion d’Ahmadinejad, mais revendiquait toujours des excédents ! On se souvient que le régime avait dans son ensemble loué son action économique et lui avait dit d’envisager l’avenir sur 5 ans (c’est-à-dire avec une réélection).

Or, en septembre 2008, le régime avait découvert avec stupéfaction une tentative de coup d’Etat rampant mené par Larijani qu’il s’apprêtait à faire élire à la place d’Ahmadinejad en juin 2009. Le régime avait alors décidé d’abandonner l’option Larijani pour se rabattre sur Ahmadinejad surtout aussi parce que l’entente avec Washington semblait dans l’impasse.

Aujourd’hui, les données ont changé : une entente avec Washington semble proche et le régime veut montrer à la partie américaine qu’il peut en peu de temps sortir son meneur de la crise. Un coup d’accélérateur a été donné dans le processus et Ahmadinejad est critiqué de toute part, surtout par ses propres amis politiques (comme Pour-mohammadi, responsable de l’inspection de l’Etat), pour des déficits qui n’existaient pas « officiellement », il y a 6 semaines !

Le régime est sans pitié quand il s’agit de sa survie, mais il reste quand même fidèle à ses lignes rouges : il évoque des réserves vides, mais pas de dette. La situation est grave mais pas désespérée car il ne faut pas non plus alarmer les créanciers étrangers très inquiets de la solvabilité du régime (très mal noté par la Coface) !

Cet état d’urgence (grave mais pas désespéré) permettra également au régime de supprimer certaines subventions et de relancer son programme d’impôts sur le bazar, indispensable pour décloisonner le marché intérieur en vue de la vente des secteurs clefs aux investisseurs étrangers.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Mensonges du régime sur ses performances économiques :
- Iran : Risques très élevés pour les investisseurs, selon la Coface
- (19 AOÛT 2008)

Mensonges du régime sur ses dettes :
- Iran : Quand la Banque Centrale manipule les chiffres de la dette extérieure
- (21 JANVIER 2008)

Mensonges du régime sur ses revenus pétroliers :
- Iran-Pétrole : Incohérences dans la dépêche de l’AFP
- (25 OCTOBRE 2008)

Mensonges du régime sur ses revenus gaziers :
- Iran – Gaz : Les mensonges de la phase 6 de Pars Sud
- (23 OCTOBRE 2008)

| Mots Clefs | Mollahs & co : Ahmadinejad |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Institutions : Parlement Islamique |