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Iran – crise financière : Triche contre triche
18.10.2008

Si de nombreux gouvernements ou institutions financières, qui avaient des difficultés, peuvent se reposer sur la crise mondiale pour dissimuler leurs erreurs de gestion, il n’en va pas de même pour les mollahs. L’économie iranienne est depuis l’avènement de la révolution et de la république islamique en crise. Depuis 29 ans, les mollahs et leurs acolytes des Pasdaran trafiquent sans cesse les chiffres pour masquer leurs erreurs ou encore expliquer des changements de président. Cette crise est à la fois une aubaine pour expliquer leurs problèmes économiques à venir, mais aussi un imprévu qui va à l’encontre de leurs objectifs politiques. | Décodages |



De la crise actuelle, le régime ne retient que la baisse du pétrole, sa principale source de revenus. Le régime affirme que le gouvernement ne pourra pas boucler son année si le baril passe sous la barre des 70 dollars.

Il y a des raisons très précises derrière cette monomanie d’argument : Téhéran a essentiellement des contrats de type buy-back dans lesquels il a prévendu à un prix fixe de 8 à 15 dollars ses barils et de fait il n’est ni avantagé par la hausse ni handicapé par la baisse du baril. En revanche, pour des raisons de propagandisme révolutionnaire, le régime affirme depuis des années qu’il vend le pétrole au prix du marché et annonce des revenus très élevés (signe de sa réussite) qui sont le résultat d’une bête multiplication du prix du baril par le nombre des barils produits en Iran (qui appartiennent en fait aux compagnies étrangères opérant en Iran).

Ce revenu imaginaire et flexible est évidemment beaucoup plus élevé que le revenu pétrolier réel et de fait, l’Iran est moins riche qu’il ne le prétend : il est même très endetté. D’une année à l’autre, le régime explique ses déficits par la hausse de ses dépenses, hausse illogique pour une économie qui se prétend bien portante.

Cependant pour d’autres raisons, ces hausses ne provoquent pas un endettement de l’Etat iranien. En effet, il faut aussi prendre en compte une utilisation politique des chiffres maquillés. En 2005, le régime avait expliqué que les Iraniens avaient voté massivement pour Ahmadinejad parce qu’ils avaient été déçus par la mauvaise gestion économique de Khatami. Il s’agissait en fait de remplacer l’ancien président par l’agitateur Ahmadinejad, idéal pour énerver les Américains afin de les forcer à conclure une entente compatible avec les intérêts du régime. Dans les deux dernières années, le régime espérait arriver à cette entente avant la fin du mandat de Bush et il a commencé à diffuser dans ses médias des nouvelles sur les erreurs de gestion d’Ahmadinejad, en évoquant la hausse vertigineuse des dépenses et de l’inflation, mais pour des raisons de propagande générale du régime, ces dépenses ne génèrent aucune dette ! L’Iran n’a officiellement pas de dette extérieure !

Être chargé des livres de comptes du régime des mollahs est une activité épuisante. Un rapport publié le 30 septembre par la commission des affaires économiques du parlement des mollahs s’inscrit dans ce registre. Le rapport se dit très critique à l’égard du gouvernement d’Ahmadinejad, et lui reproche ses dépenses, mais ce sont là des ruses pour endormir la vigilance du lecteur car au final les dettes n’apparaissent plus.

Pour dramatiser la situation dès l’introduction, le rapport insiste sur la disparité entre la hausse des revenus pétroliers et les hausses des dépenses publiques.

Selon le rapport, les revenus sont passés de 36 milliards de dollars en 2004 à 82 milliards de dollars en 2007 pour redescendre à 75 milliards de dollars en 2008 (soit une hausse annuelle de 25% en trois ans), alors que les dépenses courantes auraient augmenté annuellement de 60% et les investissements publics de 75% (les dépenses courantes étant selon le rapport 3 fois supérieures aux investissements).

Le rapport laisse entendre qu’Ahmadinejad aurait continué à faire toujours plus de mauvaises dépenses (des allocations et non des investissements) sans tenir compte des baisses des revenus.

C’est une conclusion politisée totalement déconnectée de la réalité, d’une part parce que les prix de pétrole ont connu leur plus forte hausse en 2008 et d’autre part parce que l’Iran n’a pas les revenus affichés et cherche à expliquer l’absence d’excédent par une supposée hausse de ses dépenses. Pour en arriver là, le rapport embrouille le lecteur.

Selon ce rapport, en 2004, les revenus pétroliers iraniens ont été de 36,32 milliards de dollars (G$), alors que ses dépenses courantes (salaires etc. payés en rials) étaient équivalentes à 22 G$, ses investissements (en rials) équivalents à 7 G et en l’espace de 4 ans, les dépenses courantes ont été multipliées par 2,5 et les investissements par 3.

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Le rapport | Plus loin, on apprend qu’en 2005, l’Iran a eu 53,82 G$ de revenus pétroliers (en devises) et 10,55 G$ de revenus non-pétroliers. Mais dans cette partie, pour la même période, le rapport oublie de mentionner les dépenses courantes et les investissements (en rials) pour les remplacer par les dépenses publiques en devises (les achats de gaz, de l’essence, des équipements) qui auraient atteint 44,619 G$ soit trois fois le volume prévu par le budget. Le rapport insiste sur la hausse cumulée de ces dépenses (l’argument d’Ahmadinejad super dépensier), mais la balance reste positive de 19 milliards de dollars, d’autant plus que le rapport passe à la trappe les dépenses courantes évoquées dans l’introduction.

En fait, le rapport a substitué aux dépenses de l’Etat les importations de l’Etat et de ses holdings commerciaux (sources de revenus occultes pour les mollahs). Dans le même esprit de triche, le rapport laisse entendre que la balance est encore plus positive grâce aux revenus fiscaux et inscrit le chiffre de « 13 milliards équivalents à 6% du PIB iranien » : or quand on regarde attentivement, il s’agit des milliards de tomans et non des milliards de dollars !

Le régime a 13 milliards de tomans c’est-à-dire 13 millions de dollars de revenus fiscaux, c’est-à-dire rien et surtout pas 6,1% du PIB. En revanche, si l’on se fie aux chiffres donnés dans l’introduction du rapport, avec une hausse annuelle de 60% des dépenses courantes et de 75% des investissements, les dépenses publiques auraient atteint 46,4 G$ en 2005 !

Ceci signifie qu’en 2005, il n’y avait non pas un excédent de 19 G$, mais un déficit de 26 G$ dans les réserves en devises de la république islamique, un déficit dissimulé dans ce rapport qui pourtant fustige Ahmadinejad le dépensier. Logiquement, d’une année à l’autre, ces dettes s’accumulent mais n’apparaissent nulle part.

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La réalité | En fait, la démonstration ci-dessus ne fournit pas le montant réel de la dette iranienne, mais remet en cause la comptabilité des mollahs.

L’Iran a environ 31 milliards de dollars de revenus pétroliers et gaziers, mais le montant de ses revenus non-pétroliers reste secret. 60% de ses exportations non-pétrolières sont composées de dérivés pétroliers, pour le reste il s’agit de minerais de fer et de cuivre et aussi de produits comestibles comme le caviar, le safran (94% de la production mondiale) et le sucre. Or les chiffres individuels de l’exportation de ces produits ne se retrouvent dans l’enveloppe annuelle (très restreinte) des exportations non-pétrolières : ces revenus sont en fait détournés par les mollahs. Restent les revenus pétroliers qui servent à éponger des dépenses en devises comme l’achat de gaz turkmène, d’essence, des armes russes, des équipements européens ou des dépenses de lobbying. Le rapport ne fournit rien de tangible sur ces dépenses et pour en savoir plus, il faut lire inlassablement la presse iranienne et croiser les chiffres fournis par les différents dirigeants.

Le reste du rapport de la commission économique du Parlement est une reprise des chiffres officiels de la croissance, du chômage ou encore de l’inflation. Le rapport entérine par exemple le dernier chiffre de la masse monétaire. Il s’agit de 168 milliards de dollars : nous avions publié ce chiffre avec 24 heures d’avance sur la Banque centrale iranienne, étant habitués aux méthodes de tricherie et de communication du régime. Ce chiffre qui résulte d’une reconnaissance tardive des émissions de monnaies sans contrepartie est en contradiction avec les chiffres publiés dans le rapport, mais deux lignes plus haut au sujet de l’inflation !

Ce rapport qui est censé avoir une certaine qualité évoque aussi d’autres soi-disant disfonctionnements que l’on veut reprocher en juin prochain à Ahmadinejad, candidat à sa propre succession. Parmi ces disfonctionnements, on trouve des problèmes pour financer les importations de l’Etat, un élément qui contredit la hausse des importations (effectuées par Ahmadinejad le super dépensier). Parallèlement, cette hausse de l’importation contredit l’épanouissement annoncé de la production nationale et les taux toujours positifs de la croissance. Ce rapport tout en contradictions a été en fait publié en prévision des changements à la Banque Centrale iranienne et la redéfinition des objectifs à court terme du régime. Nous avons d’ailleurs consacré un article préliminaire à ce rapport.

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La crise | La crise financière mondiale, qui bouleverse les prévisions de tous les Etats, ne bouleversera en Iran que les prévisions des rapports qui trichent ! Le régime planche actuellement sur des arguments afin que la crise ne puisse pas profiter à Ahmadinejad puisqu’il prévoit de le remplacer par Rohani, un « pareil au même » inconnu !

C’est pourquoi en pleine crise, Keyhan, le principal quotidien du régime, a affirmé que la bourse iranienne était la seule perpétuellement en hausse ! Et en même temps, tous les autres médias et les personnalités du régime continuent de reprocher à Ahmadinejad de ne pas avoir prévu une baisse du baril avant de composer son budget. La principale source de revenus du pays est en baisse, mais la bourse se porte à merveille ! La logique ne fait pas bon ménage avec des mensonges et provoque des irrégularités bien amusantes !

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Pour en savoir + :
- Iran : La crise financière ébranle indirectement le régime des mollahs !
- (15 OCTOBRE 2008)

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Institutions : Parlement Islamique |