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Iran-Pétrole : Incohérences dans la dépêche de l’AFP
25.10.2008

Si le baril descend sous la barre des 60 dollars, l’Iran enregistrera une baisse de revenus de 54 milliards de dollars. Ce sera la fin de la fête du pétrole, titre l’AFP dans un article entièrement basé sur des données qui lui ont été transmises par l’agence iranienne IRNA, une agence dirigée par les Pasdaran. Décodages d’un article écrit à 4 mains.



Il y a environ 10 jours, quand le baril a frôlé les 75 dollars, Bahmani, le nouveau président de la Banque Centrale iranienne, a déclaré que le pays enregistrerait une baisse de 54 milliards de dollars de revenus si le baril descendait sous la barre des 70 dollars. Les prix sont descendus sous les 70 dollars et à présent le régime évoque la même perte avec un baril sous la barre des 60 dollars. L’article écrit par l’AFP laisse une certaine marge à cette flexibilité en évoquant brièvement la barre des 40 dollars ! Visiblement, ce texte s’adresse à ceux qui ne suivent pas l’actualité ou alors ses auteurs prennent leurs lecteurs pour des imbéciles.

incohérences de dates | Ce montant fixe de 54 milliards de dollars n’est pas une perte au sens propre mais une baisse de revenus calculée sur un hypothétique maintien du baril à 147 dollars, son prix en juillet 2008 ! Or, le budget du gouvernement pour l’année iranienne qui commence le 21 mars est toujours calculé pendant l’été de l’année précédente et il est par la suite approuvé au début de l’automne par le Parlement islamique.

De ce fait pour le budget de l’année 2008 en cours qui a débuté le 21 mars 2008 il faut donc se référer aux prix du baril pendant l’été 2007. A cette époque, le prix du baril remontait légèrement au-dessus des 60 dollars après 12 mois de baisse à partir de l’été 2006 où il avait atteint les 70 dollars.

Donc au moment où le gouvernement établissait son budget pour l’année 2008, le baril était à environ 65 dollars et il était sur le point de décoller, mais quand l’année iranienne a débuté, le baril était déjà au-dessus de 105 dollars (soit +60%).

incohérences de prix | Or, dans la dépêche de l’AFP, le député Hadi Haghshenass [1], membre de la commission économique, affirme que le budget actuel a été officiellement calculé sur la base d’un baril à 40 dollars, mais que si le prix descend en dessous de 60 dollars le baril, le pays sera confronté à un déficit budgétaire !

Si le prix du baril était à 60-65 dollars en juillet, puis à 70 dollars en août 2007, à 80 dollars en septembre 2007 et à 90 dollars en octobre 2007 (ci-dessous) au moment de l’adoption du budget, pourquoi ce même député l’aurait-il cautionné sur la base d’un baril à 40 dollars soit moins que la moitié du prix du moment ?

Une autre question est aussi intrigante : du 21 mars à 21 juillet 2008, le baril oscillait entre 110 et 150 soit une moyenne de 130 dollars soit le triple de la base adoptée par le Parlement, ce qui signifie qu’en quatre mois, le régime aurait gagné la totalité de ses prévisions (+ le bonus de ce qu’il gagne en ce moment), gains logiques incompatibles avec le soi-disant déficit !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Décodages | En fait, ces explications incohérentes du député et les autres experts consultés par l’AFP sont toutes tout simplement fausses car les mollahs ne vendent pas leur pétrole aux prix du marché : ils vendent uniquement des contrats d’exploitation dits de buy-back (prévente) à des compagnies étrangères qui leur versent 8 à 12 dollars sur chaque baril extrait. Jusqu’à une date récente (avant que nous en parlions sur ce site), tous les communiqués de presse émanant des compagnies comme Total évoquaient la mention buy-back, mais aujourd’hui, ces compagnies se montrent plus discrètes bien que les tarifs de vente trahissent la nature du contrat.

Ainsi cela fait des années que l’économie iranienne est totalement déconnectée des fluctuations du baril, elle fonctionne grâce à ces revenus fixes (mais peu élevés). En échange, les clients européens soutiennent la cause du dialogue avec les mollahs. A ce titre, on peut dire que c’est en 1979 que la fête pétrolière et plus largement la fête économique se sont terminées pour l’Iran quand il était très riche au point de prêter des milliards à la France.

Le système économique des mollahs leur vaut des dessous-de-table élevés, mais le pays s’endette auprès de ces mêmes Etats occidentaux. Ces derniers sont ravis par ce partenaire faible qui pour se maintenir au pouvoir est constamment obligé de solder plus encore les ressources naturelles iraniennes qui ne se résument aux hydrocarbures.

Cette économie assistée entièrement dépendante des investissements étrangers est aujourd’hui au bord du gouffre, non pas à cause du baril, mais par un défaut d’investissements étrangers, bloqués par les sanctions américaines. Washington menace de fermer l’accès au marché américain aux compagnies qui investiraient en Iran.

Cette dette n’a pas une répercussion réelle sur l’économie iranienne car elle fonctionne aussi sur la base des billets imprimés sans contrepartie. En revanche, le manque de devise empêche l’achat des produits pour approvisionner les marchés intérieurs.

L’Iran, 4ème exportateur de pétrole, importe de l’essence et surtout du gaz pour faire fonctionner les centrales électriques : le manque de devise signifie des pénuries en chauffages et en électricité, ce dont souffre l’Iran depuis l’été dernier.

C’est pour minimiser sa part de responsabilité de ce fatras que le régime évoque une baisse du baril, mais dans ce cas se pose la question de savoir pourquoi il cherche à faire baisser les quotas de l’OPEP au lieu de compenser la baisse de revenus par plus de vente ?

Vous ne trouverez pas la réponse chez les simili-experts consultés par les petits malins de l’AFP qui valident le charabia des mollahs. Ces demandes de baisse de production sont un autre aspect du buy-back, alors que les mollahs ne sont pas pénalisés par les changements de prix, en échange de leur revenu fixe et du soutien des Européens à une entente avec leur régime, ils jouent les sherpas anti OPEP pour le compte de leurs amis des compagnies pétrolières afin de diminuer la part du gâteau réservée à l’OPEP.

Les mollahs ne sont les seuls à jouer ce rôle, il y a aussi Kadhafi, le nouveau tonton flingueur de Washington et aussi Chavez, l’agitateur sud américain dont les slogans nuisent plus à son continent qu’à Washington. D’ailleurs c’est Jimmy Carter qui a validé les résultats de son référendum : les Américains sont trop contents d’avoir leur simili-Kadhafi sur ce continent à fort potentiel pour y casser toutes les bonnes initiatives.


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Pour en savoir + sur la situation :
- Iran – crise financière : Triche contre triche
- (18 OCTOBRE 2008 )

Pour en savoir + sur la situation :
- Iran – Gaz : Les mensonges de la phase 6 de Pars Sud
- (23 OCTOBRE 2008)

Sujet complémentaire :
- Gaz : Iran, Qatar et Russie s’unissent pour résister à la crise
- (22 OCTOBRE 2008)

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

| Mots Clefs | Enjeux : Buy-Back |

| Mots Clefs | Enjeux : OPEP |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Journalistes et média Français |

[1C’est la première fois que l’AFP consulte Hadi Haghchenass, c’est un clin d’oeil de l’IRNA à Iran-resist car à plusieurs reprises nous avons cité ce député comme un élément honnête et intègre capable de révélations intéressantes. Nos collègues de l’IRNA qui nous piquent parfois des traductions par paresse cherchent à nous clouer le bec en impliquant dans cette affaire ce député à la langue bien pendue qui semble avoir fait amende honorable en s’alignant sur un vaurien comme Said Leylaz, le milicien des Pasdaran recyclé en économiste !