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Iran : Etat des lieux de la crise nucléaire iranienne
17.09.2007

Ces derniers jours, on parle beaucoup de nouvelles sanctions et la France se retrouve en première ligne de l’offensive anti-mollahs, cependant, selon notre analyse, il n’y a non seulement pas eu d’avancée dans cette crise ou d’évolution vers une solution, mais au contraire la crise piétine et les différents acteurs de la crise ont fait un retour vers le passé.



La semaine dernière lors de la réunion annuelle du Conseil des Gouverneurs de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont appelé l’Iran à cesser immédiatement son programme d’enrichissement d’uranium et ce contre l’avis d’El Baradai, directeur de cette agence onusienne. La veille, les pays non-alignés avaient exprimé leur soutien à El Baradai et à l’accord qu’il avait conclu le 21 août avec l’Iran dans lequel les mollahs s’engagent à faire progressivement toute la lumière sur l’historique de leurs activités nucléaires, mais sans s’engager suspendre les activités en cours.

Les Non Alignés – retour vers 2005 | En fait, il s’agit du train-train habituel, il y a toujours eu ces deux camps. Cependant en Janvier puis en Février 2006, les non-alignés n’avaient pas soutenu les mollahs ou les appels incessants d’El Baradai pour la poursuite du dialogue et ils avaient voté le transfert du dossier vers le Conseil de Sécurité. Leur actuel alignement sur El Baradai est le plus visible des retours en arrière parmi les différents acteurs de la crise.

Ce retour en arrière des Non Alignés a été provoqué par les mollahs : Pour opérer ce retour vers le passé, les mollahs ont proposé à ces pays émergeants et souvent non démocratiques un moyen efficace et simple pour les libérer des contrôles inopportuns et incessants des ONG qui leur reprochent des violations permanentes des droits de l’homme.

Cette offre iranienne est de revoir le caractère universel des droits de l’homme au nom de la diversité culturelle ou religieuse : cette réforme soutenue par les Non Alignés devrait afin assouplir les critères de contrôle des violations des droits de l’homme. De plus, de nombreux pays Non Alignés espèrent que les mollahs réussiront à obtenir le droit à l’enrichissement pour créer une jurisprudence qui leur permettra d’assouplir les règles du TNP. C’est donc sans état d’âme que les pays Non Alignés ont apporté leur soutien à l’accord concocté par El Baradai et les mollahs et sont revenus à leur position d’avant Février 2006.

Les Européens vers 2003 | La fronde contre cet accord d’El Baradai a été menée par la France qui a évoqué les faiblesses de l’accord, faiblesses susceptibles d’être utilisées par les mollahs pour vouloir gagner du temps. Le communiqué final sur la cessation immédiate des activités nucléaires porte les signatures de la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, les 3 vieux complices de la Troïka. Ces trois pays qui ont produit des dizaines de déclarations et communiqués de ce genre pendant leur dialogue stérile avec Téhéran qui a duré 3 ans et continue encore puisque l’accord dénoncé par les signataires du communiqué a été obtenu suite à une médiation de Javier Solana, le haut représentant pour la politique étrangère de l’Union Européenne. L’Europe des trois revient donc à ses prises de positions sans suite des années 2003 à 2006.

El Baradai | Les mollahs auraient préféré qu’El Baradai puisse obtenir un ajournement d’une nouvelle résolution et ce dernier n’a pas ménagé ses forces dans ce domaine. Il a même été jusqu’à évoquer qu’en réponse à de nouvelles sanctions, les mollahs activeraient un programme nucléaire militaire ! Ces efforts médiatiques ont été trop loin et il a dû renoncer à ses efforts dans la dernière ligne et il a même été contraint d’appeler officiellement l’Iran à cesser ses activités nucléaires immédiatement. Il avait par la suite quitté l’assemblée en guise de protestation contre ses propres recommandations. Mais même si les mollahs auraient préféré que les efforts médiatiques et polémiques d’El Baradai soient couronnés de succès, ils en ont plein les oreilles de ce genre de communiqués Européens.

L’Iran retour vers 2003 | Les mollahs ont vite compris que tout le monde revenait aux vieilles habitudes et ils ont réagi en revenant à une stratégie qui avait fort bien fonctionné sous Khatami : le repli modéré. Il s’agit de rester très calme et très modéré, d’évoquer comme de 2003 à 2005 des accords de coopération pour relancer le dialogue et d’utiliser les menaces de sanctions comme prétextes à bouder.

Les Alliés de l’Iran | L’autre retour vers le passé concerne les partenaires commerciaux de l’Iran (Allemagne, Italie, Espagne, Suisse, Norvège…) et les alliés stratégiques des mollahs, la Chine et la Russie. Depuis 2003, tous disent privilégier le dialogue. Téhéran a déjà commencé à les démarcher.

La Chine, sur la défensive | Un envoyé spécial du régime des mollahs s’est rendu à Pékin et il prétend avoir reçu l’appui de Pékin, mais la Chine reste discrète comme à son habitude. La seule déclaration officielle est venue d’un collaborateur du 1er ministre chinois et elle annonce que la Chine soutient la coopération entre l’Iran et l’AIEA et espère que les parties concernées adopteront une attitude pragmatique et flexible pour détendre la situation et éviter l’escalade du conflit. La Chine revient à sa neutralité dans cette crise alors qu’elle avait suivi les Américains et avait voté des sanctions contre les mollahs, mais aussi contre la Corée du Nord. Mais les Chinois ont été mal récompensés et se sont aperçus que les Américains ne renonçaient pas à leur plan pour créer un pôle d’Etats pro Américains en Asie Centrale avec pour objectif de contrôler l’accès des Chinois aux réserves des pays musulmans.

Par ailleurs, les Chinois se sont aperçus que Washington ne cherchait à empêcher les mollahs d’avoir accès au savoir nucléaire mais que l’Etat Américain utilisait la crise et les sanctions pour affaiblir les mollahs et les pousser à devenir ses alliés dans sa guerre pétrolière contre la Chine. Aujourd’hui, la guerre froide fait rage entre Chinois et Américains et les Chinois ont adopté un langage de guerre froide dans leur propre style.

NB | Le problème majeur pour tous les partenaires des mollahs est que ces derniers entendent les utiliser pour parvenir à arriver à un accord avec les Américains à l’issue d’un bras de fer où tout est envisagé même en dernier point l’affrontement militaire (se faire attaquer pour perturber l’approvisionnement pétrolier par le golfe Persique). Les Chinois ont appelé tout le monde et surtout les mollahs à la modération parce qu’ils ont en horreur l’idée qu’une guerre au Moyen-Orient vienne perturber leur approvisionnement en Iran et surtout en Arabie Saoudite.

Par ailleurs, les Chinois ont assisté à l’utilisation de la Russie par les mollahs dans l’affaire de l’accord pour un enrichissement délocalisé en Russie. La Chine sait qu’il faut recadrer sans arrêt les mollahs pour éviter qu’ils ne s’égarent en route et ne l’utilisent pour peaufiner leur entente avec les Etats-Unis.

La Russie, la stable | La problématique est la même pour la Russie : l’Iran et ce régime en particulier sont des éléments indispensables de la stratégie Russe pour revenir au premier plan dans les différentes crises internationales. La Russie doit soutenir les mollahs tout en les encadrant : elle a d’ores et déjà affirmé la nécessité de régler le problème nucléaire iranien par la voie des pourparlers, c’est-à-dire par la négociation illimitée. La position de la Russie est sans doute la plus stable car cet Etat a besoin en permanence des crises régionales pour faire monter les prix du pétrole et pour vendre des armes à ses partenaires.

Les partenaires commerciaux Européens retour vers les années Troïka | Les Chinois entendent encadrer les mollahs par leur capacité à les soutenir face aux sanctions bancaires mises en place par les Etats-Unis et ses alliés Européens et les Russes contrôlent les mollahs en refusant l’achèvement des travaux de la Centrale de Bouchehr. Les mollahs ont d’autres alliés qui ne disposent pas de moyens de rétorsion contre eux et ne peuvent prétendre à jouer un rôle d’arbitre : il s’agit de leurs partenaires commerciaux Européens.

La Norvège, qui a d’importants intérêts pétroliers en Iran, aurait par la voix de son ambassadeur auprès de l’AIEA annoncé son soutien aux accords conclus entre l’Iran et El Baradai, l’indispensable pion de Téhéran. La Suisse a également confirmé son soutien au dialogue. Les Belges sont aussi dans le coup. Au sein de l’UE, les grands pays économiquement très actifs en Iran comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne ont également souhaité continuer le dialogue, tout en brandissant mollement la menace de futures sanctions qui de toute évidence ne seront pas de nature à remettre en cause leurs intérêts en Iran.

La Spécificité Française | Selon notre analyse, la France comme la Russie a une ligne plutôt stable. La seule différence avec ces années passées est le style Sarkozy. Le nouveau président de la république a tendance à vouloir tirer profit des situations existantes en prétendant être à l’origine des évènements. On l’a vu dans le cadre du règlement de l’affaire des infirmières Bulgares.

Ainsi le président a laissé entendre qu’il n’y aurait plus de nouveaux investissements en Iran notamment dans le domaine pétrolier avec Total. Or, les investissements pétroliers étrangers en Iran sont arrêtés depuis longtemps en raison de la situation économique et Total n’est pas la seule grande compagnie à se montrer réticente ; les Chinois et les Japonais boudent également le marché iranien. Cette annonce d’interdiction de nouveaux investissements n’est pas réellement une sanction décidée par Sarkozy. Mais en adoptant ces attitudes très voyantes, la France veut rester très en vue dans le règlement de la crise comme au bon vieux temps de Jacques Chirac.

L’autre point de stabilité de la diplomatie Française est la volonté de Paris de continuer comme sous Chirac à jouer un grand rôle international : les 3 centres d’intérêt de la France sont le Liban, le règlement du conflit Israélo-Palestinien et l’Irak. C’est bien là le problème.

Dans les deux premiers cas, la France ne dénonce pas les ingérences des mollahs par l’intermédiaire du Hezbollah et du Hamas et ne parle que de possibilités de dialogue avec ces deux représentants du régime des mollahs, l’un au nord d’Israël et l’autre au sud. Et dans le cas Irakien, la France fait semblant de ne pas voir le rôle d’instigateur et d’arbitre du chaos joué les mollahs en Irak.

On ne peut à la fois afficher de la fermeté vis-à-vis des mollahs tout en faisant les yeux doux au Hezbollah, aux Chiites Irakiens ou au Hamas. La France a changé de discours mais dans les faits, elle continue à occuper le devant de la scène (comme sous Chirac) sans rien apporter comme solution pour diminuer l’agitation régnante dans cette crise.

Etat des lieux | La crise iranienne est revenue en arrière en partie en raison des intérêts économiques occidentaux en jeu et la volonté pour de nombreux Etats comme la Russie, la Chine et la France de jouer à l’arbitre de cette crise.

Pour ne rien changer dans ce contexte de retour vers les bonnes vieilles méthodes de 2003, les mollahs ont commencé à mettre sur le marché à prix sacrifié les richesses inestimables du sous-sol iranien. Après avoir vendu leur pétrole en Buy-Back, les prix du gaz ont été diminués et finalement les mollahs ont décidé de vendre la 2nde plus grande mine de cuivre au monde (qui se trouve en Iran) au millième de leur prix.

Une vingtaine d’entreprises liées aux industries pétrolières seront également privatisées et mises en vente cette semaine, entreprises destinées à être vendues aux étrangers après la fin de cette crise. Cette promesse de solderie de l’Iran ravira sans doute les partenaires du régime, les Européens mais aussi les Chinois et les Russes tout comme les Américains qui investiront via des sociétés écran basées à Dubaï. Par ailleurs, le prix du baril monte et cette hausse joue en défaveur de la mise en place de nouvelles sanctions.

Mais la véritable raison de ce retour en arrière est due aux Etats-Unis et leur vrai objectif dans cette crise. Les Etats-Unis entendent utiliser les sanctions contre les mollahs pour leur faire accepter une entente régionale dans laquelle les chiites devraient jouer leur rôle d’agitateurs régionaux pour affaiblir les Sunnites qui contrôlent les ressources pétrolières des pays arabes. L’objectif des Américains est de créer un certain désordre pour affaiblir cette région et l’OPEP.

Leur objectif n’est donc pas de renverser les mollahs, mais de les affaiblir et c’est pourquoi les Américains demeurent sur leurs positions du passé et exigent un processus via le Conseil de Sécurité.

Nous pensions que cette approche avait pour objectif d’obtenir un consensus international pour abattre les mollahs mais cette approche onusienne n’est que le moyen le plus sûr pour éviter un large front anti-mollahs et aussi le seul moyen d’affaiblir le régime sans l’abattre afin de l’encourager à accepter l’entente proposée par les Etats-Unis.

Malgré tout, les Américains continuent donc de demander des sanctions onusienne sans envisager par exemple un désinvestissement de leurs capitaux en Iran et ce alors que le désinvestissement ne nécessite aucun consensus d’aucune sorte ni avec des alliés comme la France ni avec le Conseil de Sécurité ou les adversaires Russes et Chinois. Les Américains laissent eux-mêmes entendre également de temps à autre la possibilité d’une attaque militaire.

La stratégie américaine d’épuiser les mollahs a seulement contribué à épuiser les acteurs de la crise et chacun a décidé de revenir à ses positions traditionnelles afin de ne pas devenir l’instrument d’une stratégie américaine fort discutable. Ce retour en arrière fait les jeux des mollahs maître chanteurs qui n’ont besoin que d’une chose : encore plus de temps, pour épuiser leurs partenaires, leurs adversaires et en tête de tous, les Etats-Unis.

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