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Iran : la collision entre les défis intérieurs et les défis internationaux
14.12.2006

Le guide suprême des mollahs, Ali Khamenei, est actuellement en campagne électorale pour les élections de l’Assemblé des Experts et chacun sait que le taux réel de la participation aura une valeur de test pour le régime.



Et même si quoi qu’il arrive le régime publie toujours un taux de participation respectable, il a besoin de limiter le boycott car désormais ce sont les plus fidèles (ceux de sa base) qui boudent le régime.

Depuis un certain temps, Khamenei est partout, on le voit faisant des discours et rencontrant les invités étrangers. D’ailleurs chacune de ses sorties médiatiques est télévisée, et à chaque occasion il lance de terribles diatribes contre les ennemis de la révolution ou il promet des réussites scientifiques incomparables sous sa direction. Nous avons eu droit à quelques exemples de cette campagne indirecte récemment. Le jeudi 15, les électeurs voteront, il reste peu de temps et chacun des dirigeants fait des actions spectaculaires pour intéresser les électeurs. Chacun communique dans le domaine où il a des lacunes.

Ainsi Ahmadinejad, la brute, a organisé une manifestation contre lui-même afin de montrer sa tolérance démocratique. Khamenei dont tout le monde doute de son utilité a pris la parole pour parler de nouveaux progrès nucléaires du pays. Il a assuré que la République islamique « avait atteint un niveau très élevé » dans la technologie nucléaire et que « bien entendu, ce n’était pas la fin du chemin ».

Comme nous l’avons précédemment précisé, ses discours télévisuels ont à la fois un usage électoral (défi intérieur) mais aussi un usage international. Les dirigeants iraniens sont conscients que les medias internationaux suivent attentivement leurs déclarations. Ainsi, quand Ahmadinejad va dans une bourgade et annonce l’installation de 60,000 centrifugeuses, il est évident qu’il s’adresse à l’AFP et non au paysan local. Le discours est interprété en occident comme l’affirmation de la fierté nationale mais il suscite la peur et c’est ce que veut ce régime : faire peur à la communauté internationale afin qu’elle accepte de lui donner ce qu’il attend, c’est-à-dire des Garanties de sécurité régionales.

Le discours de Khamenei est un exemple de ce terrorisme verbal : « Sur la question de l’énergie nucléaire, les puissances internationales ont insisté pour que l’Iran n’atteigne pas cette technique de pointe, mais les Iraniens ont insisté unanimement pour obtenir ce droit, et ont atteint un niveau très élevé », a-t-il dit. Ceci est une réponse à l’annonce d’une adoption prochaine par le Conseil de Sécurité des premières sanctions à l’encontre des mollahs. La seule annonce, qui pourrait éventuellement susciter un compromis pour éviter une escalade dangereuse, serait l’annonce prématurée de la maîtrise de l’enrichissement à un taux maximum.

Que feront les mollahs ? Iront-ils plus loin dans la provocation ou accepteront-ils de céder ? Bien qu’acculés et pris au piège, les mollahs ne peuvent pas renoncer à cette stratégie d’amplification de crise. Pourquoi ?

Parce que contrairement à ce que pensent certains experts ou politiciens comme Baker, la crise nucléaire n’est pas l’enjeu mais un atout dans le jeu des mollahs, l’enjeu étant le Hezbollah. Par son intermédiaire, les mollahs ont la mainmise sur le conflit israélo-palestinien et ils ne peuvent admettre qu’il se désarme et se transforme en un vulgaire parti politique.

La crise nucléaire ou la crise irakienne due à leur ingérence sont les atouts de ce marchandage. De ce fait, le régime des mollahs ne peut ni céder sur l’un, ni céder sur l’autre. Il doit même radicaliser ses positions, mais cette radicalisation n’est pas sans défaut.

A l’intérieur, ceci provoque le rejet populaire face à ce régime jusqu’au-boutiste qui ne mesure pas les conséquences économiques de ses actes. Sur le plan international, le radicalisme (nucléaire ou irakien) des mollahs, nuisible aux affaires et à la paix régionale, a provoqué la colère des sunnites [1], la désapprobation des alliés stratégiques (Russie et Chine), et le désistement des clients vitaux. C’est la collision entre les défis intérieurs et les défis internationaux.

[1CONTRE L’INFLUENCE DE L’IRAN AU PROCHE-ORIENT : L’Arabie Saoudite veut une plus grande implication des Etats-Unis | Le 1er décembre, un conseiller du royaume avait prévenu que l’Arabie saoudite interviendrait en Irak pour protéger les Sunnites en cas de retrait américain. Dans une tribune au « Washington Post », Nawaf Obaid avait indiqué que Ryad envisage d’accorder une aide « financière, matérielle et logistique aux responsables militaires sunnites irakiens comparable à celle que l’Iran fournit aux groupes armés chiites irakiens ». « Fermer les yeux sur le massacre de sunnites irakiens serait abandonner les principes sur lesquels le royaume a été fondé », avait ajouté ce responsable saoudien. « Cela saperait la crédibilité de l’Arabie saoudite dans le monde sunnite et constituerait une capitulation face aux actions militaristes de l’Iran dans la région ». Le 13 décembre, les Saoudiens ont réitéré cette menace. « C’est une situation hypothétique et nous travaillons dur pour l’éviter, mais si les choses tournent mal en Irak, comme un nettoyage ethnique, nous pensons que nous serons impliqués dans la guerre », a averti hier un diplomate arabe basé à Washington, cité dans le New-York Times.