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Iran : Rumeurs d’une guerre qui n’aura pas lieu !
26.06.2010

Il y a une semaine, la presse israélienne a affirmé qu’une douzaine de navires de guerre américains (dont un porte-avions) et un navire de guerre israélien avaient traversé le Canal de Suez avec la collaboration discrète de l’armée égyptienne pour faire route vers la mer rouge. L’annonce est devenue par la suite une rumeur sous l’effet de sa reprise par certains sites qui aiment prétendre disposer d’infos secrètes, ce qui a donné lieu à des rumeurs d’une frappe imminente des installations nucléaires iraniennes. Ce n’est pas la première fois que de telles choses arrivent. Les autorités américaines ont pour leur part ni confirmé, ni démenti. Cela n’est pas non plus une attitude inédite : tout au long de la présidence Bush en parallèle aux efforts diplomatiques intenses pour renouer le dialogue avec Téhéran en vue d’une entente vitale pour les Etats-Unis, les autorités américaines avaient frappé sur les tambours de la guerre. A l’époque, notre pronostic était qu’il n’y aurait pas de guerre, nous le maintenons : il n’y aura pas de guerre, mais nous assistons à un retour des tambours de la guerre dans une version plus efficace.



Depuis 8 ans, on entend régulièrement des sites pro-israéliens ou pro-palestiniens tenus par des passionnés annoncer régulièrement des attaques imminentes contre l’Iran sur la base de rumeurs qualifiées de source militaire sûre. Une bonne vingtaine d’attaques de ce genre ont été annoncées et ont occupé les esprits sans avoir lieu, rasant l’Iran (selon la formule affectionné par ces sites), car Washington a besoin d’une alliance avec les mollahs iraniens, chiites et persanophones pour contrôler deux sites vitaux pour son avenir : l’Asie Centrale (musulmane et persanophone) et le Cashmire (chiite) qui lui permettraient de priver la Chine d’une source majeure de gaz tout en créant une base-arrière de soutien aux Ouïghours. Cela lui permettrait aussi de prendre le contrôle des chiites pour créer une grande république chiite englobant le Sud pétrolier iranien, le Sud pétrolier irakien et le Nord pétrolier saoudien.

Les mollahs sont l’avenir de Washington ! En conséquence, il ne peut en conséquence pas les détruire. Cet avenir est cependant inaccessible car les mollahs refusent toute entente pour deux raisons. D’une part, ils ont peur de perdre le soutien de la rue arabe pour le Hezbollah, car cela les priverait d’une bonne capacité de nuisance, de chantage et de marchandage diplomatique et d’autre part, ils devraient au nom de la réconciliation irano-américaine autoriser le retour au pays d’Islamistes iraniens pro-américains, ce qui les expose à une perte progressive du pouvoir politique au sein de leur propre régime. Les mollahs et les Pasdaran se retrouveraient alors sous les ordres de Washington dans le rôle peu enviable d’alliés jetables inutiles après la conquête de l’Asie Centrale et le remodelage de l’Arabie Saoudite. Leur refus de toute entente reste donc sans appel, c’est pourquoi sans chercher à les détruire, Washington cherche à les affaiblir par toutes sortes de sanctions ou d’intimidations pour les pousser à accepter.

la menace tactique d’une frappe | Dans ce registre des pressions, les menaces de frappes ont une place particulière car les mollahs eux-mêmes sont depuis toujours dans une stratégie d’escalade guerrière pour laisser planer la menace sur l’approvisionnement pétrolier de l’Occident afin de le forcer à capituler. C’est leur réponse à la guerre d’usure économique des sanctions américaines. Or, on n’a jamais vu Washington donner suite aux provocations de Téhéran : il a toujours calmé le jeu et l’on n’a jamais assisté à aucune riposte militaire américaine contre Téhéran quelle qu’était sa provocation, même quand des vedettes des Pasdaran ont défié un navire de guerre américain ou encore face à la distribution d’armes aux terroristes irakiens ou aux Talibans.

Le fait que Washington n’ait pas saisi ces nombreuses occasions dénote une absence de volonté de confrontation, compréhensible par l’extrême faiblesse des Pasdaran qui malgré une supériorité numérique écrasante n’ont pas su vaincre la petite armée irakienne.

Du fait de l’impossibilité d’un combat sans une défaite entraînant la chute du régime, de notre point de vue en évoquant des frappes, Washington ne menaçait pas Téhéran : il menaçait ses alliés et partenaires commerciaux, la Russie, la Chine et la France, de reproduire le schéma de l’invasion de l’Irak qui avait eu une grande répercussion négative sur leurs intérêts géopolitiques et pétroliers. En fait, en frappant sur les tambours de la guerre, Washington entendait inquiéter ces grandes puissances pour les inciter à encourager le choix des sanctions au lieu de la guerre. Les sanctions menaçaient les intérêts de ces Etats, mais ces intérêts n’étaient pas supprimés. Les Etats concernés pouvaient espérer un compromis via des négociations multilatérales (via les Six). Washington a apprécié car Téhéran ne pouvait accepter aucun apaisement, les Six se trompaient. Il a ainsi réussi à obtenir un soutien international à de nouvelles sanctions. Washington qui en 1996 avait banni tout investissement pétrolier en Iran pour les compagnies opérant aux Etats-Unis a ajouté des sanctions bancaires à son panel de pressions pour bloquer l’accès à des investisseurs via des sociétés écran. Il est ainsi devenu le seul Etat capable de mettre fin au calvaire des mollahs.

la fin du recours à la menace de frappe | Après cette victoire, Washington a maintenu la rumeur pour justifier de nouvelles sanctions. Mais après 18 mois d’embargo financier, il s’est aperçu que ces sanctions bancaires avaient trop affaibli les mollahs : ces derniers ne pouvaient plus payer leurs miliciens et pouvaient chuter sans ce rempart contre le peuple. Washington qui avait basé la justification initiale de sa volonté de frappes ou de sanctions sur la menace nucléaire et militaire était dans l’embarras car les citoyens et électeurs américains qui ont été convaincus de cette menace exigeaient sans cesse des mesures plus fortes contre les mollahs.

un apaisement tactique | Washington devait trouver des solutions. Dans un premier temps, il a annoncé de nouvelles sanctions, mais il s’agissait d’anciennes sanctions déjà en vigueur, ce qui était synonyme d’une pause de facto dans l’adoption de nouvelles sanctions, puis étant donné qu’il évoquait les frappes dans une optique de protection d’Israël, Bush a fait savoir que l’option militaire n’était plus à l’ordre du jour car il allait livrer un parapluie anti-missiles à Israël. Puis il a insisté sur la volonté de nouer le dialogue avec Téhéran via l’ouverture d’un bureau diplomatique à Téhéran. Son successeur est allé plus loin en pérennisant la pause par l’annonce d’un gel dans l’adoption de nouvelles sanctions pour favoriser le dialogue (pour aboutir à une normalisation voire une entente).

Cette politique dite d’apaisement ne pouvait rien changer pour Téhéran sur le plan économique car Washington évitait de nouvelles sanctions, mais il maintenait son terrible embargo financier. En revanche, cette politique avait de quoi le perturber car la rue arabe ne permet à ses amis le moindre apaisement avec les amis d’Israël. C’est pourquoi avant l’arrivée d’Obama, Téhéran s’est mis à s’agiter en appelant le Hamas à rompre sa trêve avec Israël pour provoquer une guerre avant l’accession au pouvoir d’Obama qui allait l’embarrasser avec sa politique de dialogue.

une nouvelle approche pénalisante | Selon un opposant iranien, qui a des contacts au Congrès, peu avant ce conflit, Jimmy Carter s’était rendu à Damas pour rencontrer les responsables du Hamas afin de les convaincre que les Démocrates américains réputés anti-Israéliens les laisseraient faire s’ils attaquaient Israël pendant la période de transition entre Bush et Obama. Selon cet opposant, Washington avait ainsi encouragé les mollahs d’aller aussi loin pour montrer à la rue arabe qu’ils étaient incapables d’aider le Hamas pendant le conflit comme ils avaient été incapables d’aider le Hezbollah en 2006 pendant la guerre du Liban. Effectivement, les mollahs ont été incapables de mobiliser des foules encore moins de dépêcher des combattants ou des armes vers Gaza assiégé. On a alors assisté à une suractivité de la Turquie et de son 1er ministre Erdogan qui s’est distingué par un clash avec Shimon Pérès devant les caméras du monde entier en janvier 2009 à Davos. Puis il avait œuvré au niveau de l’ONU pour parvenir à pousser un Israël étrangement très vindicatif à cesser les combats alors qu’au même moment, les mollahs oeuvraient pour continuer la guerre. Cela avait porté ombrage au rôle des mollahs bien qu’ils financent le Hamas.

L’expérience a été concluante. Washington avait une carte à jouer pour discréditer les mollahs afin de les isoler (une sanction tactique) en cas d’échec de ses efforts pour parvenir à une entente par les sanctions. Mais il s’agissait d’une carte que l’on peut qualifier de difficile car il fallait un conflit autour du Hamas. Téhéran l’a d’ailleurs compris puisqu’il a changé son fusil d’épaule en évitant tout conflit militaire et en se positionnant dans une action anti-sioniste au niveau de l’ONU comme l’avait fait la Turquie pendant le conflit de Gaza. L’exemple le plus marquant est celui de Durban 2 où la Turquie n’a pas pu suivre et Téhéran a restauré son image de champion de la rue arabe.

Il y a quelques semaines, après l’échec de toutes les tentatives pour entraîner les mollahs dans un compromis, notamment par l’intermédiaire d’un pseudo accord via le Brésil, Washington a joué cette carte difficile avec l’affrètement d’une flottille anti-blocus où se trouvaient des éléments armés capables de déclencher un conflit. On ne peut savoir si Israël a, ou non joué le jeu, toujours est-il que l’association Turque chargée de l’opération qui est un organisme très proche du parti islamiste au pouvoir n’avait pas lancé d’invitation aux mollahs pour participer au voyage et de fait, il n’y a pas eu de martyr iranien donc aucune chance que Téhéran puisse profiter de ce conflit qui a donné à la Turquie une occasion en or pour devenir le super champion de la rue arabe. Après un certain flottement, Téhéran a fini par annoncer l’envoi de navires militaires pour escorter les futurs convois humanitaires alors que la marine des Pasdaran n’a pas le niveau requis pour ce genre de mission. Le régime avait par la suite changé d’avis car il avait peur de se retrouver en position d’être humilié par la flotte israélienne ou américaine, ce qui aurait alors été le chant du cygne de son rôle de défenseur de la rue arabe. Sa défaite aurait été totale si la Turquie s’en mêlait pour secourir ses navires de guerre. Dans l’incapacité d’agir sur le plan militaire, mais dans l’obligation d’agir quand même, il avait fini par annoncer l’envoi d’un navire humanitaire, ce qui ne changeait pas la donne car après l’affaire de la Flottille, son navire humanitaire devait nécessairement être accompagné d’un ou plusieurs navires de protection.

(la rumeur) | En annonçant un attroupement de navires américains et d’un bâtiment de guerre israélien sur la Mer Rouge, Washington plaçait un obstacle sur la route de cet envoi où la modeste flotte de protection des mollahs allait faire figure de coquille noix ! Le but était de priver Téhéran de l’envoi d’un navire pour le discréditer. La preuve de cette hypothèse est que les mollahs ont annoncé hier l’annulation du bateau humanitaire à destination de Gaza.

C’est une victoire pour Washington. Très pragmatiquement, Washington a programmé ce retour des tambours de guerre à un moment où la Russie a dénoncé les sanctions unilatérales américaines qui donnent l’avantage à Washington en menaçant de quitter les Six pour bloquer le processus. Très prudemment, Medvedev en visite aux Etats-Unis n’a pas commenté cette opération censée le pousser à plébisciter les sanctions unilatérales américaines.

Cette rumeur a sans doute une autre motivation pragmatique : elle arrive à un moment où nous assistons à une montée du mécontentement américain face à l’impression d’inactivité que donne Obama… C’est un bon coup d’énergie pour faire cesser les moqueries médiatiques (ci-dessous) afin de sauver l’aura américaine du président noir et presque musulman, un homme très utile pour enraciner les Etats-Unis en Afrique et dans le monde réellement complexe des musulmans…
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Cependant, il y a une ombre au tableau des victoires médiatiques de Washington sur la base d’une simple rumeur à ce jour invérifiée : nos mollahs, qui cherchent depuis longtemps à provoquer une escalade guerrière, ont sauté à pieds joints dans la barque. Ils ont damé le pion aux Américains & co pour diffuser la rumeur ! Mieux encore, ils ont inventé d’autres rumeurs complémentaires !

(des rumeurs) | Dans un premier temps, l’agence de presse quasi officielle Fars appartenant aux Pasdaran a parlé de l’existence d’une base militaire israélienne en Arabie Saoudite. Puis au gré des jours, il a complété la rumeur par de nouvelles rumeurs d’abord la présence de dizaines de chasseurs israéliens sur le site puis l’arrivée des dizaines d’hélicoptères militaires israéliens chargés de matériaux destinés à une attaque. C’est encore les « Iraniens » qui ont diffusé une photo qui serait celle de la flotte (ci-dessous) au moment où elle a franchi le canal du Suez !
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Très en forme pour ce genre d’exercice, les mollahs ont diffusé par d’autres sites la rumeur selon laquelle leurs forces étaient en état d’alerte maximal avant d’annoncer officiellement que le QG de la force navale des Pasdaran avait été déménagé à Bandar Abbas, port situé à proximité du détroit d’Ormuz ! Toutes ces rumeurs ont gonflé grâce à des sites revanchards pro-arabes ou pro-israéliens, instruments inconscients d’une rumeur d’abord américaine qui est devenue la petite chose des mollahs.

prévisions | Cette évolution inattendue n’arrange pas les affaires de Washington qui doit éviter toute escalade susceptible de donner aux Chinois et aux Russes une occasion pour décréter la fin de processus des pressions afin d’exiger l’acceptation d’un arrangement qui conviendrait aussi aux mollahs. C’est pourquoi en réponse à cette envie pressante d’escalade, nous aurons sans aucun doute droit dans un très bref délai à un communiqué militaire américain annonçant que la flotte en question n’a aucune mission belliqueuse ET QUE WASHINGTON RESTE FIDÈLE AU PROCESSUS VIA LES SIX.

regrets | On terminera alors avec ces tambours de guerre au grand désarroi des spécialistes géopolitiques d’un jour qui avaient diffusé ces rumeurs. Mais il ne faut pas compter sur des excuses ou une fermeture de ces sites qui résonnent comme des tambours : ceux des sites juifs nous expliqueront pourquoi Israël n’a pas voulu attaquer et leurs adversaires arabes nous diront pourquoi leur ennemi s’est dégonflé. Grâce à cette belle brochette d’idiots, Washington doit trouver un plan moins compliqué pour humilier les mollahs. L’attaque de l’Iran étant contraire à ses intérêts géopolitiques, la bêtise profonde de l’Internet l’obligera à provoquer un clash, ailleurs : là où les mollahs exercent une autorité militaire ou morale : dans le Golfe Persique en fouillant les navires iraniens ou bien au Sud Liban ou à Gaza. Quoi qu’il en soit, une belle humiliation très médiatisée attend les mollahs.


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en savoir plus d’un point de vue géopolitique :
- Iran : La frappe israélienne n’aura jamais lieu
- (19 Mai 2009)

| Mots Clefs | Enjeux : Option militaire |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Israël |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Institutions : Intox, rumeurs & hoax buster |

| Mots Clefs | Institutions : Pasdaran, Gardiens de la Révolution |
| Mots Clefs | Instituions : Puissance militaire des mollahs |