Accueil > News > Iran : On tourne en rond depuis 15 ans



Iran : On tourne en rond depuis 15 ans
31.03.2010

Washington qui a besoin des mollahs pour affaiblir la Chine tente de forcer leur coopération en combinant des sanctions qui limitent leurs gains en devises et des promesses d’investissements à condition qu’ils acceptent. L’objectif anti-chinois de cette approche a contraint la Chine à réagir en s’opposant farouchement aux sanctions ou encore à braver les sanctions en investissant en Iran. Cette semaine, elle s’est montrée plus subtile en proposant sa participation financière au dernier projet d’investissement autorisé par les Américains pour noyauter leur tactique. Enfin presque...



L’Iran contient 15% des réserves gazières du monde et il est un couloir d’accès terrestre et maritime vers l’Asie Centrale qui contient aussi environ 15% des réserves gazières du monde. Grâce à une alliance avec l’Iran, les Etats-Unis qui contrôlent déjà plus 21% du marché gazier parviendraient à contrôler plus de 50% du marché. Ils pourraient alors contrôler l’avenir de tous leurs adversaires économiques. Par ailleurs, grâce aux mollahs et surtout les Pasdaran, Washington pourrait agiter les Ouïghours pour séparer la très riche région de Xinjiang de la Chine pour détruire définitivement l’économie chinoise. Grâce à l’instrumentalisation des musulmans de l’Asie Centrale et du Caucase, ils pourraient par ailleurs nuire au transit du gaz russe vers l’Europe, pour devenir la seule puissance gazière au monde. L’ensemble de ces projets dépend d’une coopération inconditionnelle des mollahs. Ce qui n’est pas acquis ; ils entendent marchander leur adhésion, un chantage qui explique la guerre d’usure économique de Washington à leur encontre.

Cette guerre a commencé en 1996, l’année de la création de l’Organisation de Coopération de Shanghai qui regroupe la Chine et les Etats gaziers de l’Asie Centrale. Devant l’essor de cette organisation économico-militaire en 2000, Washington a décidé de renforcer ses sanctions en prétextant des activités nucléaires prohibées. En 2003, il a fait état de l’existence d’installations nucléaires secrètes en Iran et promis de bombarder le pays. Les partenaires commerciaux de l’Iran ont alors transféré le dossier nucléaire au Conseil de Sécurité pour empêcher un scénario à l’Irakienne. Pour contenir Washington, ils ont adopté une résolution à l’unanimité pour proposer un dialogue assorti de sanctions. La Chine et la Russie qui ont cautionné cette solution ont été en fait piégées en beauté car elles ont permis à Washington de mettre en place dès 2007 ses propres sanctions. Elles sont dès lors entrées en résistance contre ces sanctions. Les mollahs en ont profité pour marchander d’avantages leurs charmes. Cette attitude les a privés d’un soutien ferme de Moscou et Pékin qui ont refoulé ses demandes d’adhésion à l’OCS ou ses demandes de systèmes anti-missiles pour ne pas lui fournir des protections susceptibles de l’aider dans ses marchandages pour rejoindre le camp adverse.

Sans ces protections ou le soutien financier de la Chine et de la Russie, les nouvelles sanctions mises en place en 2007 ont rapidement épuisé les mollahs, mais ces derniers n’ont pas capitulé car toute entente passe par une réconciliation irano-américaine qui les contraindrait à autoriser le retour en Iran des exilés islamistes proches de Washington qui pourraient prendre le pouvoir de l’intérieur. En refusant de capituler alors qu’ils étaient très affaiblis, les mollahs ont mis Washington dans l’embarras : ils ne pouvaient plus renforcer les sanctions alors qu’il les avait promises à ses propres citoyens. Pour éviter de nouvelles sanctions, en novembre 2009, Washington a abandonné ses promesses de sanctions unilatérales en se disant partisan de sanctions onusiennes adoptées à l’unanimité, ce qu’il savait impossible en raison de l’opposition sino-russe à de nouvelles sanctions. La Chine et la Russie se sont retrouvées impliquées comme en 2006 dans un processus favorable à Washington.

En citant ces deux puissances, mais aussi les grandes compagnies pétrolières britanniques partenaires des mollahs, Washington a alors commencé à prétendre qu’il voulait des sanctions, mais qu’il manquait d’alliés pour les faire adopter. Craignant que les Etats cités en mauvais exemples ne changent d’approche, pour plus de sécurité, Washington a chargé la Turquie et le Brésil, ses alliés au sein du Conseil de Sécurité, de jouer le rôle d’opposants à de nouvelles sanctions. Il a ainsi sauvé son image sur le plan intérieur et évité le pire vis-à-vis des mollahs, mais il s’est aussi privé de moyen de pression sur eux.

Les Britanniques (n°1 mondial du marché pétrolier qui craignent la mainmise américaine sur le gaz), les Chinois et les Russes ont profité de ce passage à vide pour annoncer des ruptures ou baisses de coopération avec les mollahs pour priver Washington de son alibi et l’engager dans une escalade susceptible de rendre impossible toute entente avec Téhéran.

Dans ce jeu de chat et de la souris, quand ses alliés par défaut l’ont ainsi trahi, Washington a relancé les mollahs en autorisant enfin le Pakistan à signer avec eux le contrat de construction du gazoduc Iran-Pakistan pour acheminer du gaz iranien vers ce pays. Téhéran a accepté ce cadeau qui pourrait lui apporter plus d’un milliard de dollars par an à partir de 2015, mais il n’a pas changé d’attitude. Hillary Clinton a alors annoncé que son pays opterait sous peu pour des « mesures douloureuses sans une escalade des sanctions ». Les mollahs ont pris cela pour des paroles en l’air d’un Etat qui a besoin d’eux pour dominer la région, mais qui serait en manque de menaces capables de les intimider. Deux jours plus tard, Washington a illustré sa pensée en demandant à la Turquie de retirer un engagement ferme d’investissement datant d’octobre 2009, ce qui a été douloureux, sans être une sanction supplémentaire.

On peut parler d’une innovation car au cours des années précédentes, Washington combinait des sanctions et des promesses d’investissements. Cette fois, il a retiré un engagement ferme d’investissement pour menacer un contrat en cours depuis peu. Il a ainsi créé un système autonome de pressions avec des sanctions vis-à-vis de ses propres promesses d’investissement ce qui a exclu définitivement la Chine, la Russie ou encore la Grande-Bretagne du processus des pressions sur Téhéran.

Avec l’accord des Chinois, Poutine a laissé entendre que son pays pouvait adopter des sanctions unilatérales (russes) contre les mollahs. Washington a alors rappelé que la règle était d’adopter des sanctions onusiennes à l’unanimité des voix au Conseil de Sécurité – ce qu’il a réaffirmé à l’occasion du sommet de G8 – pour neutraliser dans l’œuf toute possibilité de sanctions unilatérales autres que les siennes ou encore toute possibilité de formation de coalition pour des pressions parallèles contre les mollahs. Il a ainsi cassé l’initiative pour neutraliser son système autonome de pressions contre les mollahs.

Pour ne pas être définitivement larguée, la Chine a décidé de s’incruster dans le dernier projet d’investissement autorisé par les Américains : le contrat de construction du gazoduc Iran-Pakistan. Elle a proposé d’investir 2,5 milliards de dollars pour le rallongement du Gazoduc jusqu’à la Chine.
Cette stratégie du coucou (s’installer dans le nid des autres) donnerait une seconde vie au gazoduc : il cesserait d’être américain. Logiquement Washington ne pourrait plus le bloquer pour faire pression sur les mollahs.

Cette astucieuse stratégie du coucou a sans doute demandé des heures de réflexion. Elle reste néanmoins très aléatoire, mais même si elle marche, elle est loin d’être formidable car elle ne résout rien. On s’agite pour rien. Les problèmes demeurent : Washington a ses sanctions et ses objectifs en vue. Il faut une autre stratégie plus ambitieuse pour les contrer.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
La stratégie chinoise du coucou concerne plutôt l’Inde :
- Iran-Pakistan : La Russie rêve de l’Inde !
- (28 mai 2009)

article complémentaire :
-  Iran : Scène de règlements de comptes américano-russes
- (27 mars 2010)

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Chine |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : O.C.S |

| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement (entente) |

| Mots Clefs | Pays : Pakistan |
| Mots Clefs | Enjeux : Gazoduc, Oléoduc & pipelines |