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Iran : Le référendum comme dernier joker
21.07.2009

L’ex-président Khatami, allié de Moussavi, a appelé lundi à l’organisation d’un référendum national sur la légitimité d’Ahmadinejad pour mettre fin à la crise politique actuelle. Contrairement aux analyses des médias occidentaux, cet appel n’est pas une initiative isolée et dissidente, mais la dernière carte du régime lui-même.



Les mollahs sont dans le pétrin : Obama leur a proposé un dialogue qu’ils ne peuvent pas accepter sans accepter des compromis incompatibles avec leur identité révolutionnaire et anti-impérialiste, identité qui leur permet de se poser en alliés des groupes intégristes comme le Hamas ou le Hezbollah et d’être ainsi une puissance régionale loin de leurs frontières. Ils ne peuvent pas accepter la main tendue par Obama.

Pour fuir le dialogue, le patron politique du régime, celui qui a tous le pouvoir légalement via le Conseil de Discernement, Rafsandjani, a cru bon d’organiser une nouvelle révolution islamique officiellement menée par la troisième génération post-79. L’objectif était de réactualiser le principe conçu par Khomeiny : refus d’entente avec l’Est (Russie) ou avec l’Ouest (EU). C’est ce qui explique les slogans « mort à la Russie » et « mort à la Chine » scandés par les jeunes moussavistes ce vendredi pendant le sermon de Rafsandjani quand l’autre moitié de la salle, les vieux islamistes criaient « Mort à l’Amérique » ou « Mort à Israël ». C’est le partage des tâches qui évite aux jeunes moussavistes de se mettre à dos les Occidentaux, partenaires involontaires de la médiatisation de cette révolution en apparence démocratique.

Cette opération savamment menée pour attirer la sympathie des jeunes et des intellos à travers le monde a dérapé et failli emporter le régime dans une révolte populaire imprévue qui a duré du 15 au 25 juin. Aucun des dirigeants ou bien de soi-disant dissidents du régime, les fameuses « féministes iraniennes », les « étudiants dissidents » ou « journalistes kurdes » surmédiatisés par les médias occidentaux, n’a pris d’initiatives privées pour aider ceux qui voulaient un vrai changement. Tous ont tous attendu que le régime ait maté la révolte populaire pour revenir sur le devant de la scène politique afin de reprendre la suite de cette nouvelle révolution islamique appelée le mouvement vert (couleur de l’islam). Cette reprise n’a pas eu lieu : le peuple boude les manifestations car il ne se reconnaît pas dans les slogans proposés (aucun slogan en faveur de la liberté ou pour un changement).

Désormais, le régime est aux abois car entre temps, Obama a fixé le dernier délai pour accepter le dialogue au 20 septembre. Il faut que le régime parvienne à inverser la tendance et à attirer le peuple dans la rue avant cette date. Pour y parvenir, l’architecte du projet, Rafsandjani a pris le risque de parler de la souveraineté du peuple, c’est-à-dire de la rue, alors que le régime tire sa légitimité de Dieu. Il n’a néanmoins pas réussi à mobiliser la rue, élément indispensable pour mettre en scène sa nouvelle révolution islamique démocratiquement hostile à tout compromis (sur le nucléaire).

Cette transgression du principe de la légitimité divine du clergé, transgression qui a en plus été incapable de réussir à bouger le peuple, a révolté les grandes figures du clergé chiite iranien. Dès le lendemain de ce discours jugé pernicieux pour l’avenir de l’Islam en Iran, Rafsandjani a été ouvertement critiqué par un membre du clergé (le Hozeh حوزه علمیه قم) avant d’être convoqué à Machad par les principaux grands ayatollahs dont parmi eux 3 des 5 « sources d’imitation » (مراجع جائز التقلید), c’est-à-dire des mollahs supérieurs qui peuvent le destituer par une seule fatwa.

C’est à l’issue de ces entretiens dont la presse iranienne ne parle pas du tout que surgit ce « référendum proposé par Khatami », un homme qui a fait toute sa carrière dans le sillage de Rafsandjani.

Dans son annonce, l’ex-président mondialement adulé et qui est par ailleurs chargé de la célébration de la mémoire de Khomeiny, affirme que l’idée d’un « référendum pour restaurer la confiance perdue dans des institutions politiques qui ont failli à leur mission d’incarner l’équité islamique » lui est venu en se remémorant les « paroles si justes prononcées par Rafsandjani au cours de son sermon ! » La tournure trahit la patte de Rafsandjani : il justifie la pertinence du discours que lui reprochent ceux qui doivent garantir la survie du clergé.

Ce référendum est le joker proposé par Rafsandjani aux grands ayatollahs. D’ailleurs, Khatami propose que ce suffrage soit organisé par un « organisme impartial comme le Conseil du Discernement », ce cabinet noir créé par Rafsandjani pour diriger le pays. Cela veut dire : « c’est bon, ne vous inquiétez pas messieurs, je peux corriger le tir et même reprendre mes billes grâce à ce référendum qui sera une révolution sans risque ! »

L’affaire reste très risquée car pour une pleine pertinence, ce vote doit avoir lieu sous la surveillance des observateurs étrangers, une occasion en or offerte aux Iraniens pour manifester leur rejet du régime dans la rue et dans les urnes.

Le régime peut donc opter pour un référendum sans observateur étranger, ou alors si tout est perdu, organiser un vrai référendum dans le respect des règles. Dans ce cas-là, il s’agirait d’accepter une transition démocratique douce pour éviter une sanglante révolution.


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