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Iran : La France a gelé les avoirs de la Bank Melli de Paris
27.06.2008

Le lundi 23 juin, les ministres européens ont donné leur accord pour le gel des avoirs de la principale banque iranienne dans ses succursales de Paris, Londres et Hambourg. Passés les effets saisissants de l’annonce de la sanction dans les médias, les gouvernements européens concernés se sont montrés très discrets sur sa date d’entrée en application. C’est un véritable scoop : Paris avait saisi les avoirs de la banque dès le 23 juin. Cette info qui nous été communiquée par l’un des clients iraniens de la banque Melli s’insert dans nos analyses précédentes et explique cette discrétion volontaire.



Dans nos précédentes analyses, nous avions mis en cause la publicité donnée dans les médias à cette sanction, publicité qui prévenait les mollahs d’agir rapidement pour mettre à l’abri les avoirs de cette banque. Il s’agissait pour nous d’une opération politique de l’Europe pour satisfaire Washington sans entrer en conflit avec le régime des mollahs, l’un de ses meilleurs partenaires commerciaux. Par la suite cette hypothèse a été confirmée par l’annonce britannique que la sanction ne serait appliquée à Londres qu’avec un retard de 24 à 36 heures. Au même moment à Paris, Pascale Andréani la porte-parole du Quai d’Orsay s’est montrée évasive au sujet de l’application de la mesure en insistant sur la priorité donnée non pas aux sanctions mais aux négociations alors que selon cette dernière information confidentielle, la France avait déjà saisi les avoirs de la banque. La question est de savoir pourquoi Paris n’a pas souhaité communiquer sur l’application de cette sanction.

La réponse se trouve en fait dans les déclarations d’Andréani. En effet, cette dernière a surtout été très évasive sur les modalités de la sanction car cette mesure est totalement étrangère à la démarche onusienne des Six : il s’agit de la première sanction unilatérale décidée par l’Europe sur le modèle des sanctions bancaires américaines. Andréani était gênée d’admettre ce changement de ligne diplomatique de la France qui a toujours refusé d’agir en dehors d’une résolution adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité de l’ONU.

Cette gêne a été confirmée par les déclarations de Solana qui a également insisté sur la priorité aux négociations et refusé catégoriquement de reconnaître l’existence d’une politique extra-onusienne de sanctions sur le modèle unilatéral américain. Pressée par Washington, l’Europe a adopté cette mesure, mais ne souhaite en aucun cas s’affirmer comme engagée dans un processus hors Conseil de sécurité. Cela mettrait en péril ses intérêts en Iran tout en contribuant à renforcer la pression américaine, pression dont le but est d’imposer une entente privée entre l’Iran et les Etats-Unis aux dépens des intérêts européens en Iran. Pour éviter de s’engager dans un processus extra-onusien, Solana a menti en affirmant que cette mesure était une sanction onusienne et Paris a préféré tout simplement ne rien communiquer afin de garder la presse loin.

L’information confidentielle transmise par l’un des clients de la banque est encore plus troublante ! Selon ce client, la banque l’avait informé depuis une dizaine de jours qu’une sanction de l’Europe allait sous peu geler ses avoirs et ses transactions, et elle lui conseillait en conséquence de vider son compte ! Selon ce client bien informé, tous les clients avaient été priés de déplacer leurs avoirs. La banque Melli avait donc été informée de l’opération et avait pris ses dispositions pour éviter le gel massif de ses avoirs. Les inspecteurs français ont sans doute été surpris de saisir une banque presque vide. Ceci ajoute une raison supplémentaire pour que le Quai d’Orsay préfère le silence dans cette affaire.

Cependant, rien n’empêchait Paris de dénoncer les dispositions iraniennes. Mais rien n’a été fait dans ce sens car le fond du problème reste géopolitique et non une affaire d’ego. En taisant l’information sur le gel, Paris et autres capitales de l’Europe laissent une chance à Téhéran pour revoir sa politique de refus et accepter de négocier avec les Six (c’est-à-dire avec eux et sans chercher à les doubler par une entente séparée avec Washington). Cette approche qui se dit conciliante contient la menace que l’Europe reconnaisse la possibilité d’adopter le modèle américain des sanctions.... Cependant, Téhéran ne croit guère en cette solution car les européens renforceraient alors la position des américains et précipiteraient un deal avec Washington. De plus les européens sont divisés, la preuve en est que l’information relative au gel a sans doute été transmise aux mollahs par un partenaire européen !

Au cas où ce partenaire manquerait de pouvoir de dissuasion sur les Etats européens, Téhéran a mis en garde l’Union Européenne en précisant que son ralliement à des sanctions extra-onusiennes encouragerait l’Iran à préférer des partenariats avec l’Asie. Cependant, les enturbannés de Téhéran n’ont aucun intérêt à rompre avec l’Europe pour aller vers des petits partenaires d’Asie car ces derniers ne siègent pas au Conseil de Sécurité et manquent de poids sur la scène internationale. Comme toujours dans cette crise, la situation reste bloquée car il y a de nombreux intérêts en jeu qui permettent aux mollahs de manœuvrer avec une certaine aisance dans ces eaux houleuses.

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| Mots Clefs | Pays : France |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |

| Mots Clefs | Pays : Europe (UE, UE3, union européenne) |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |