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Les fondamentaux de la nouvelle diplomatie iranienne de la France
05.11.2007

Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner était l’invité de l’émission « Le grand rendez-vous » Europe 1-TV5-Le Parisien/Aujourd’hui en France. Questionné sur l’Iran, il a exposé des points de vue très spéciaux.



La question concernait le nucléaire des mollahs et le ministre a débuté sa réponse par l’Iran, « ce grand pays, cette grande civilisation, ces perses à la charnière entre l’Afrique et l’Asie... » Il est vrai que les français sont réputés être mauvais en géographie, mais là, la barre est mise un peu haute.

Après cette mise en bouche surprenante et ignorante, le ministre a déclaré : « avec une démocratie religieuse que l’on peut discuter, mais qui est une démocratie » !

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Bernard Kouchner au « Grand rendez-vous » Europe 1-TV5-Le Parisien/Aujourd’hui en France | 04 novembre 2007

Le propos surprend Elkabbach, il veut intervenir, mais Kouchner lui coupe la parole et poursuit : « oui, ils ont voté, ils ont voté, ceux qui ne votent pas, les abstentions doivent en prendre pour leur grade, s’ils ne veulent pas voter c’est dommage, mais c’est comme ça... donc c’est une démocratie religieuse très particulière » !

Effectivement, certains votent parce que voter est obligatoire et ne pas voter est synonyme de radiation des études ou de licenciement. D’un autre côté, le régime utilise ce vote forcé pour prétendre que le taux de la participation est une preuve de sa légitimité. Or, 85% des iraniens étant au chômage, ils ne craignent pas le licenciement abusif, par conséquent ils ne votent pas dans l’espoir de contester cette légitimité fondée sur la coercition. Bernard Kouchner vient de leur cracher au visage.

Bernard Kouchner connaît mal l’Iran. il est sans doute influencé par les écrits des journalistes comme Delphine Minoui qui utilisent le mot « iraniens » pour désigner aussi bien les mollahs que l’ancien régime ou encore le peuple iranien. Cette simplification lui fait dire des choses qui sont loin de la réalité, ainsi il a aussi dit que les « iraniens » ont longtemps enrichi de l’uranium en cachette alors que les « iraniens » avaient signé le TNP ou Traité de non Prolifération. Ceci n’est pas exact, ce ne sont pas les mollahs qui ont signé le TNP, c’est le régime du Chah, ami de l’occident et partisan d’un Moyen-Orient dénucléarisé.

La diplomatie française ne gagnera rien à transformer la réalité et à vouloir prendre des pincettes avec les mollahs, à nier leur rôle au Liban, à qualifier ces négationnistes comme étant les héritiers des persans civilisés qui ont libéré le peuple juif. Kouchner ne gagnera rien à vouloir qualifier de démocratie un régime qui impose des candidats sélectionnés pour leur islamisme à des électeurs contraints de voter sous peine d’être virés sans paye. Mais évidemment, ce discours qui oublie aussi les lapidations et la pédophilie dépénalisée, ce discours qui parle de la grande civilisation et de démocratie serait censé faciliter le dialogue en cours avec les mollahs. D’ailleurs il s’accompagne de conclusions qui affirment que les sanctions n’ont rien pu résoudre et que la solution serait de parler encore parler. D’où cette insistance lourdingue sur la démocratie des mollahs.

Mais c’est un discours à sens unique. Les mollahs sont ravis que l’on leur décerne des prix de vertu et que l’on reconnaisse leur légitimité aussi bien nationale que régionale : ils en sortent plus forts. Ce discours a également le défaut de dénier toute légitimité à des opposants en exil, de ce point de vue, il manque d’esprit démocratique.

En guise de contrepartie, ce discours très biaisé et très calculé n’apporte rien à la France. Car malgré ces tirades auto persuasives, les mollahs restent tels qu’ils sont : ils financent des groupes armés au Liban, au Maghreb, au Yémen, en Somalie ou encore en Irak (selon Kouchner lui-même).

Ils organisent des conférences négationnistes pour attiser l’antisémitisme de la rue Arabe. Ils financent le Hamas pour prendre le contrôle de la paix au Moyen-Orient. Ces mollahs démocrates restent les alliés des chinois pour aider les Talibans afin d’isoler l’Asie Centrale et ils aident Poutine pour empêcher la construction des pipelines qui pourraient libérer l’Europe de sa dépendance vis-à-vis de la Russie.

Evidemment, la France n’ignore pas ces rapports de force. Le discours sur la démocratie des mollahs n’est donc qu’une devanture plaisante pour continuer des relations loin de toute tension inutile avec les mollahs. Il s’agit donc d’un choix délibéré pour ne pas entrer en conflit avec ce régime qui a des atouts. Le seul moyen d’y parvenir est d’imiter la diplomatie russe.

Les russes, alliés stratégiques des mollahs, insistent sur le besoin de dialogue (les négociations sans sinf), sur la présence de l’AIEA en Iran et sur des sanctions votées à l’unanimité au Conseil de Sécurité. Il s’agit bien sûr d’un triple soutien masqué aux manœuvres dilatoires des mollahs car l’AIEA se contente de publier des conclusions non pas sur la base de ses inspections mais sur la base de déclarations iraniennes ; et l’exigence de l’unanimité au Conseil de Sécurité équivaut à un blocage des vraies sanctions contre les mollahs.

La diplomatie française imite le modèle russe, mais elle reste avant tout sur des positions classiques du Quai d’Orsay. La France se dit pro-américaine, mais reste conforme aux bases de la diplomatie chiraquienne. Nous vous l’annoncions avec 24 heures d’avance, d’âpres combats se préparent non pas contre l’Iran mais au Conseil de sécurité et tout ira encore plus mal après la publication du rapport de l’AIEA.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Une alternative à cette politique chiraquienne qui a déjà échoué :
- Iran : Lettre au futur ministre des Affaires Etrangères de Nicolas Sarkozy
- (15 mai 2007)

| Mots Clefs | Nucléaire : Négociations sans fins (Manoeuvres dilatoires) |

| Mots Clefs | Décideurs : Kouchner |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : France |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |