Selon Delphine Minoui, la chute de 23 % en deux mois du cours de l’or noir menace la politique du président Ahmadinejad qui puise dans la manne pétrolière pour financer une multitude d’aides. L’article ne présente guère d’originalité ni dans la forme ni sur le fond. Minoui fait intervenir des témoins à qui l’on fait dire que le défaut vient d’Ahmadinejad, ce qui sous-entend que son prédécesseur Khatami était plus qualifié en matière économique. Et tout cet article repose sur l’affirmation selon laquelle Ahmadinejad n’aurait cessé de puiser dans les recettes de l’or noir pour financer un grand nombre d’aides à caractère social. Mais à la grande inquiétude des économistes iraniens, sans prendre en compte l’éventualité d’une chute des cours du brut. Or, cette affirmation est dénuée de sens.

L’Iran vend son pétrole en Buy Back et n’est en rien touché par les fluctuations des prix du pétrole. Le marasme de l’économie iranienne avait commencé sous Khatami et continue en s’aggravant. Le contrat Buy Back date exactement de l’arrivée au pouvoir de ce même Khatami.

Le procédé permet de faire estimer la capacité d’un puits par un expert indépendant et de fixer un prix pour la totalité des barils qu’il pourrait produire. Une fois la vente conclue, l’acheteur n’est pas avisé de payer la différence au vendeur si le puits se montre plus prometteur que l’estimation de l’expert. Les experts sont souvent des Iraniens proches du régime installés à l’étranger, et le principe est de sous-estimer la capacité des puits afin de faire baisser le prix, par contre le montant des commissions est calculé sur la base des capacités réelles du puits.

Ainsi les dirigeants du régime des mollahs gagnent des très substantielles commissions et en même temps le baril iranien se situe entre 8 et 12 dollars. Ce procédé Buy Back a été établi sous la présidence de Khatami et a privé l’Iran d’importants revenus pétroliers surtout quand les prix montaient. Cependant, le régime des mollahs a toujours affiché des bénéfices en publiant un chiffre fictif résultant de la multiplication du volume vendu par le prix du marché.

La conséquence de cette opération de dissimulation a été la lourde dette contractée par l’Iran, dette que ce pays se montre incapable de rembourser. Et malgré des prix incroyablement élevés en 2006, l’Iran a encore vu augmenter sa dette. Dans la même période, les autres états producteurs de pétrole ont remboursé des dettes abyssales.

Dans ce cas pourquoi donc Delphine Minoui ne parle-t-elle pas de cette dette abyssale et pourquoi écrit-elle ce ridicule article sur des revenus qui n’existent pas ?

Dans un premier temps parce que la France ne reconnaît pas l’existence de contrats Buy Back avec l’Iran. Le Buy Back établit un droit d’exploitation pétrolière en Iran, mais le pétrole est extrait par Total et de ce fait, il n’est pas considéré comme du pétrole acheté à l’Iran mais du pétrole produit par Total. L’avantage est que la France sera officiellement très peu dépendante du pétrole « iranien ». L’article de Delphine Minoui tourne autour d’un tabou : reconnaître la dépendance à l’égard du pétrole iranien ! Nous sommes loin du courage d’Anna Politkovskaya, dénonçant les exactitudes des soldats de Poutine ; ici on écrit pour un cahier des charges précis dont l’un des piliers est de nier les raisons qui font que la France ne veut pas de sanctions contre l’Iran.

L’autre particularité de cet article est de charger la barque d’Ahmadinejad. Comme nous l’avons signalé dans plusieurs articles, actuellement Khatami bat le pavé pour essayer de trouver un accord de Garanties sur Iran+Hezbollah avec les Américains. Les mollahs comptent sur le soutien des Européens à ce projet et ces derniers espèrent d’ailleurs un retour de Khatami. Ce dernier jouit d’une fausse image de modéré en Europe et les Etats Européens font le nécessaire pour entretenir ce mensonge.

Le régime des mollahs lui-même pense déjà à après Ahmadinejad et espère parvenir à créer une vraie illusion de changement en se faisant aider par les dissidents. Mais avant de s’engager dans cette voix, il lui faut parvenir à un accord incluant le Hezbollah afin de Garantir sa survie.

En attendant, le retour de Khatami, on fait parler des ex-collaborateurs de ce dernier et des adversaires d’Ahmadinejad : le régime doit soigner son image d’état pluraliste et rassurer ses partenaires pétroliers. Le cahier des charges est rempli à la perfection par un article qui est dénué de sens car l’Iran n’est pas soumis aux fluctuations des prix du pétrole. Il vend le sien à prix sacrifié à ses partenaires Européens.

Dans cet article, Minoui fait intervenir un analyste plutôt atypique : Saeed Leylaz, ex-milicien et ex-n°2 du ministère de l’intérieur sous Khatami. Il faut préciser que le N°2 de ce ministère est chargé de tous les dossiers sales. La présence-même de ce Saeed Leylaz est réjouissante car elle prouve que le régime est irréformable et ne fait que recycler ses propres déchets. Ce qui triste est la ligne éditoriale iranoenne du Figaro.

L’article essaie aussi de minimiser la vulnérabilité de l’Iran à propos de l’importation de l’essence afin de minimiser l’impact d’un embargo sur l’essence. Il s’agit encore d’une approximation délibérément erronée. Nous vous invitons à lire l’article que nous y avons consacré en janvier 2006 : Pétrole : L’économie iranienne est un château de cartes !

WWW.IRAN-RESIST.ORG