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Iran : Yazdi, mort d’un pion usé
11.12.2020

L’ayatollah Mohammad Yazdi qui avait eu des postes élevés au sein du régime des mollahs est mort ce 9 décembre 2020. Le Figaro et Le Monde affirment que sa mort n’est pas un coup dur pour les conservateurs du régime et son Guide. Faux. Voici la vérité sur ce mollah et les conséquences de la sa mort pour le régime.



Mohammad Yazdi, de son vrai nom Mohammad Tavakoli Kheyrkhah, né en 1931, avait 48 ans au moment de la révolution islamique qui était sous la direction conjointe de Khomeiny pour les Anglais et des pseudo islam-gauchistes de Nehzat Azadi financés par les démocrates américains. Mohammad Yazdi était alors un mollah de bas niveau comme pratiquement tous les religieux engagés dans la révolution islamique aux côtés de Khomeiny, lui -même théologiquement très limité.

Né dans une famille de mollahs sur plusieurs générations, Yazdi (ci-dessous) avait fait seulement l’école élémentaire avant de suivre la voie de son père qui était aussi un exorciste connu à Ispahan ! Il est devenu Talabeh, ou étudiant islamique à Qom.

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Brimé par ses limites, il a dû se résigner à enseigner la charia appliquée au commerce (ce qui est permis de vendre). Méprisé par les mollahs plus instruits et d’un rang élevé, respectés à l’époque du Shah, Yazdi s’est détourné d’eux pour s’approcher de leurs ennemis, les Fadayian Eslam (les dévots de l’Islam, proches des frères musulmans).

Par la suite, Yazdi a rencontré Montazéri un proche de Khomeiny, tout juste promu ayatollah par le clergé pro-Anglais pour incarner une opposition islamiste aux projets de modernisation de l’Iran par le Shah. Yazdi a aidé Montazéri à former l’association des enseignants islamiques afin de recruter et former des jeunes pour servir Khomeiny. Yazdi y a fait preuve d’une grande agressivité en raison de son caractère colérique et ses campagnes de calomnie contre le Shah. Il a été remarqué par Khomeiny, mais pas assez pour être admis dans le cercle de ses intimes en Irak puis en France.

En février 1979, après la victoire de la révolution islamique, Khomeiny devait selon un accord avec les Américains s’installer à Qom et laisser les affaires à leurs agents iraniens de Nehzat Azadi. Khomeiny a d’abord affirmé sa légitimité en tant que vrai chef de la révolution pour lever une armée de miliciennes à Téhéran avant de se retirer à Qom pour déclencher sa propre guerre contre les agents de Washington. Il a alors séjourné chez le mollah Mohammad Yazdi qui grâce à son rôle à Qom il avait gagné la direction du comité révolutionnaire de cette ville ! Yazdi a alors rencontré l’équipe familiale de Khomeiny et il est devenu un allié incontournable pour le succès de sa guerre contre ses ex-complices pro-américains.

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En novembre 1979, Khomeiny a pu changer la donne grâce à la prise en otage de l’ambassade américaine avec le concours de ses jeunes partisans et un grand nombre de sa propre famille. En mars 1980, il parachève son plan en rompant les relations avec les États-Unis. il a alors transféré les pouvoirs vers ses plus proches collaborateurs familiaux ou vers certains électrons libres comme Bani Sadr, afin de récupérer ceux qui étaient proches des États-Unis. Il a aussi créé alors le tribunal spécial du clergé présidé par lui-même pour empêcher les grands noms du clergé à réclamer une part du gâteau pour l’avoir aidé pendant des années !

Khomeiny oublia alors son bon serviteur Mohammad Yazdi qui ne lui servait plus à rien et pouvait même par la faute de son caractère rugueux contrarier ses projets d’alliance avec des ex-ennemis. Pire encore pour éloigner Yazdi de Téhéran et des bons postes rémunérateurs, Khomeiny l’a nommé à la direction de son office personnel à Qom !

Le bougre a dû se présenter aux élections législatives du régime en 1980 pour s’approcher du centre du pouvoir ainsi que des gens comme Rafsandjani, le demi-frère de Khomeiny et ses amis comme Khamenei, Velayati....

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Deux ans plus tard (en 1982), Khomeiny en difficulté en raison de la guerre contre l’Irak a dû acheter le silence des membres du clergé en créant en 1982, l’assemblée consultative des experts, avec des mandats de 8 ans pour les élus, leur offrant officiellement un droit de regards et de veto sur tous les sujets y compris sur sa tutelle, et leur ouvrant officieusement le droit de monnayer leur soutien ! Ainsi au lieu de combattre ses ennemis un par un et craindre leurs complots, il a réuni une partie d’entre eux dans une mafia à but hautement lucratif pour encourager les autres à lui lécher la patte et in fine disposer un clergé très coopératif.

Pour les surveiller, Khomeiny a inclus son demi-frère Rafsandjani dans ce Parlement clérical alors qu’il n’avait même pas fini des études religieuses rudimentaires ! Yazdi exclu encore, a dû, encore, se représenter aux législatives pour rester à Téhéran et proche de Rafsandjani. Il n’a rien eu de sa part.

En 1988, alors que ces deux mandats de Yazdi étaient achevés, Khomeiny s’est fâché avec Montazéri opposé à l’exécution de masse des sympathisants de Moudjahidines du Peuple. Khomeiny s’est retrouvé sans successeur ! Yazdi (ex-collaborateur de Montazéri avant la révolution) a alors soutenu sa disgrâce dans l’espoir de prendre sa place. Mais à son niveau, il était hors jeu.

Dans l’intérêt du régime et ses protecteurs anglais, Khomeiny a dû établir un autre testament pour que ses pouvoirs soient transférés vers un conseil d’administration formé par 3 grand-ayatollahs !

Mais dans ce cas, les proches de Khomeiny comme son demi-frère Rafsandjani et son ami Khamenei ne pouvaient préserver leur poste au sein du régime. Rafsandjani a fait appel au fils de Khomeiny, Ahmad, pour détruire le dernier testament et en établir un nouveau offrant la succession à Khamenei et un organe plénipotentiaire à lui même pour contourner les membres du clergé.

Le Premier ministre Moussavi a participé à ce putsch de Rafsandjani contre les membres les plus élevés du clergé. Rafsandjani fâché avec les mollahs haut-placés a fait appel à Mohammad Yazdi pour diriger le pouvoir judiciaire pour neutraliser ses ennemis ! En remerciement, il l’a introduit à l’assemblée des experts pour avoir des compensations financières. Dès lors, les médias à l’ordre de Rafsandjani l’ont aussi qualifié d’ayatollah ! Yazdi a alors créé des groupes de frappe pour tuer ce qu’il ne pouvait pas arrêter et emprisonner !

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de gauche à droite : Hassan Rohani en train de déjeuner avec Yazdi alors chef du pouvoir judiciaire et son meilleur congueur, l’afghan Jalaleddin Farsi, le contact de Khomeiny à Paris avec l’organisation palestinienne Al Fath.


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En 1999, Yazdi a dû quitter le pouvoir judiciaire à la suite de sa mauvaise gestion d’une fausse mai 68 iranienne organisée par son maître Rafsandjani avec l’aide de son poulain Khatami et par la nécessité pour ces derniers de continuer le show de la soi-disant évolution démocratique du régime. Mais Yazdi a gardé son siège à l’assemblée des Experts, continuant à s’enrichir sous la direction générale de Rafsandjani à la tête de cette assemblée !

En 2008, sa fortune faite dans le domaine d’importations d’automobiles, production de pneus et exploration des forêts du nord du pays a été estimée à 350 millions de dollars faisant de lui le 6e homme le plus riche du régime.

En 2011, quand l’aura de Rafsandjani a décliné après l’échec et le dérapage anti-régime de sa révolution de couleur et qu’il a dû renoncer à la présidence de l’assemblée des experts, le clergé a repris la main avec la présidence de Mahdavi-Kani, le grand chef des ayatollahs maçons. Mais il est mort en 2014 et le clergé a bloqué le retour de Rafsandjani en offrant la victoire à Yazdi, non parce qu’il était fiable, mais parce qu’il avait prouvé qu’il n’avait pas de clan pour l’aider à avancer ou monopoliser le pouvoir et qu’il était trop heureux d’arriver enfin à un poste qu’il espérait occuper depuis toujours.

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Peu après, grisé par cette nomination et ses rencontres agréables avec Khamenei, Yazdi a tenu tête à différents mollahs au prétexte qu’ils avaient été critiques envers Khomeiny. Il a notamment enquiquiné Ali Larijani qui convoitait alors son droit d’exploitation sauvage des forêts du nord du pays.

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Ali Larijani étant aussi le principal ennemi de Rafsandjani, les mollahs VIP du clergé ont craint que les attaques de Yazdi soient une offensive téléguidée par Rafsandjani. Ils ont neutralisé cette supposée tentative de retour de Rafsandjani en désavouant Yazdi. Il a dû démissionner de la présidence des Experts et abandonner le Conseil constitutionnel du régime et les céder à l’ayatollah Jannati, vieux rival politico-financier de Rafsandjani !

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Yazdi a sans cesse attaqué les Larijani notamment en critiquant Sadegh Larijani, un de ses successeur à la tête du pouvoir judiciaire, pour que l’on parle de lui, mais il est devenu sujet de plaisanterie.

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Il est finalement parti dans une grande indifférence comme le montre cette photo avec très peu de mollahs inconnus réunis pour prier en sa mémoire !

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En résumé, l’homme qui est mort cette semaine avait été un homme sans aucun pouvoir sinon ceux qui lui avaient été accordés par Rafsandjani, car il ne pouvait pas faire autrement. Yazdi était un pion opportuniste dans le jeu d’un opportuniste plus important, Rafsandjani (qualifié de modéré en Occident) ! Yazdi a profité de la chute de ce faux modéré pour rejoindre ses rivaux, mais par manque de savoir-faire politique et de tact, il n’a pas su s’adapter et a tout perdu au bout d’un an !

La mort de Yazdi n’est pas comme le disent les médias du régime un coup dur pour les conservateurs, puisqu’il ne jouait pas dans ce camp et que de toute façon ce clivage gauche-droite a été imaginé par les Occidentaux pour justifier le commerce avec le régime au nom d’aide à son évolution !

Les médias français ont aussi tort en évoquant Khamenei comme le chef des supposés conservateurs, car comme Yazdi, il a été un pion opportuniste de Rafsandjani et à présent il suit les opportunistes exclus son ex-mentor ! Sa mort ne changera rien. Le régime n’est pas celui d’un homme et ne va pas tomber avec lui.

Comme le montent les informations que nous vous avons exposées, on a affaire à un régime tribal dont les chefs et leurs lieutenants ne peuvent dépasser leurs intérêts particuliers pour créer un ensemble uni. La disparition de chaque pion est vue comme une opportunité pour les autres au lieu d’être une tragédie pour tous ! Rien ne changera avec la mort d’un seul responsable.

Le régime affaiblira et tombera uniquement si ses chefs de gangs sont blessés en même temps, s’ils perdent leurs pions en même temps. C’est ce qu’il arrive en ce moment avec le refus des miliciens de base qui ont été utilisés comme Yazdi, mais sans les mêmes compensations pendant 40 ans et refusent à présent de défendre le régime.

La mort de Yazdi qui ne change rien pour ses ex-collègues a certainement rappelé son parcours et son enrichissement crapuleux à ces damnés du régime exacerbant leur colère.

Les médias français ont tort de s’intéresser à Yazdi, un pion politiquement mort depuis 4 ans. À présent, il faut qu’ils s’intéressent à ses ex-collègues qui risquent de chuter, car ils sont en train de perdre leurs propres pions.

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