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Iran : Un attentat, 3 hypothèses
23.09.2010

Washington a besoin des mollahs, mais ces derniers ne peuvent l’accepter car en cas d’entente, ils devraient céder les pouvoirs clefs aux pions des Etats-Unis. Pour les soumettre, parallèlement à ses pressions économiques, Washington utilise des frappes terroristes contre les Pasdaran, milice chargée de la sécurité des mollahs. Hier, une bombe a explosé lors d’un défilé des Pasdaran à Mahabad dans le nord-ouest de l’Iran faisant 12 morts et 75 blessés selon les dernières estimations officielles. Téhéran a aussitôt accusé l’OMPI, groupe armé protégé par les Etats-Unis et le PKK financé par ces derniers alors que l’attentat n’a été revendiqué par aucun groupe. Les Kurdes affirment que le coup a été organisé par le régime pour lancer un vaste coup de filet dans la région. Les caractéristiques de l’attentat confirmeraient cette hypothèse.



Depuis un certain temps, il y a des attentats contre les Pasdaran. On peut y voir la marque des Etats-Unis car ils sont clairement revendiqués par le Jundallah et le PKK, deux groupes armés qui bénéficient de base arrière dans deux pays où les Américains font la loi, l’Irak et le Pakistan.

Ces attentats font partie des pressions imposées contre les mollahs pour les affaiblir afin de les forcer à devenir les alliés de Washington. Cette solution militaire est apparue quand Washington a réalisé qu’au-delà d’un certain seuil, il ne pourrait sanctionner les mollahs pour le prétexte nucléaire car il pourrait les renverser ou les rendre impropres à une entente.

L’idée de cette approche terroriste est de terroriser la milice chargée de la sécurité des dirigeants pour pousser ces derniers à capituler. Le mode opératoire de cette approche terroriste est de frapper le régime après chaque rejet d’une offre de réconciliation par des bombes visant les Pasdaran et leurs lieux de rassemblement, des embuscades contre leurs bases, leurs avant-postes ou encore plus humiliant, des prises d’otages de ces « terreurs ». Mais, il n’y a jamais eu des attentats contre une cible civile car le but n’est pas de se rendre impopulaire et ranger la population derrière le régime.

Le 1er point qui jure dans l’attentat qui a eu lieu hier à Mahabad est l’absence de motif car Téhéran n’avait refusé aucune offre de dialogue, Ahmadinejad et le porte-parole du ministère des affaires étrangères avaient même évoqué la possibilité d’un apaisement.

Le second point est le choix de la cible : des femmes et des enfants qui selon le régime s’étaient rassemblés pour admirer le défilé du 30e anniversaire de la guerre Iran-Irak. Cela est impossible car les défilés militaires en Iran ne sont pas ouverts au public : il n’y a pas de badauds sur le trottoir contrairement à ce que l’on voit à Paris le 14 juillet. Le secteur est sécurisé et seuls y ont accès les gens du régime.

D’ailleurs (3ème et dernier point), hier, d’après une dépêche locale, la bombe n’a pas explosé sur le trottoir, mais dans la tribune d’honneur réservée aux épouses des commandants des Pasdaran qui défilaient et de plusieurs ministres qui étaient invités par le maire de la ville pour assister à ce défilé. Autrement dit, la bombe ne pouvait être placée que par quelqu’un de la maison.

L’hypothèse est plausible car en 1979 les mollahs ont réussi à provoquer la ferveur révolutionnaire en organisant des attentats qu’ils attribuaient au Shah. Le plus célèbre a été l’incendie d’un cinéma et des tirs sur des manifestants pendant la journée qualifiée de Vendredi Noir. Plus tard, l’actuel patron politique du régime a éliminé ses rivaux par une bombe au siège du parti République Islamique en attribuant l’attentat à l’OMPI pour les éliminer également de l’échiquier.

Sur la base de ce passif et l’information sur l’emplacement de la bombe, les Kurdes ont accusé le régime d’un attentat contre les siens pour mener une vaste répression contre les groupes politiques locaux à un moment où les miliciens de base de bassidj et des Pasdaran ont commencé à boycotter les manifestations officielles du régime, fragilisant ce dernier. Cette conclusion est à prendre en compte, mais Téhéran a accusé les Kurdes et l’OMPI d’être les auteurs du coup pour le compte des Etats-Unis. Cet attentat est donc un moyen pour accuser les Etats-Unis. Cet attentat n’arrive d’ailleurs pas n’importe quand, mais au lendemain d’une offre de dialogue d’Ahmadinejad « si les Américains décidaient de changer leur attitude ». De fait, il est l’expression d’une incorrigibilité des Etats-Unis donc une raison valable et solide pour rejeter toute réconciliation ou entente avec les Etats-Unis.

Le timing est plus qu’ingénieux car il y a en fait deux éléments chronologiques. Mis à part le coup monté avec l’offre d’Ahmadinejad, cet attentat a lieu plus généralement au moment où le régime a perdu l’appui de sa base (au sein du Bassidj, des Pasdaran, le Bazar et même le clergé) et doit capituler pour ne pas chuter et disparaître.

En résumé, Téhéran vient de se donner les moyens de refuser un apaisement politique avec les Américains à un moment où sous le poids des sanctions imposées par ces derniers, il devrait nécessairement accepter un compromis sur le nucléaire.

Tactiquement, c’est brillant, mais c’est un acte cynique, opportuniste et surtout désespéré qui ne manquera pas de renforcer la rupture entre le pouvoir et ses subordonnés du haut commandement des Pasdaran qui restaient son dernier rempart.


PS. Vu le niveau élevé de risque pour le régime, il existe une dernière hypothèse. Dans cet attentat presque sans image, on pourrait être dans le cas d’un faux attentat organisé par le régime avec une bombe sonore et avec des victimes fictives. Au quel cas, c’est encore plus génial, mais tout aussi risqué car l’attentat ouvre une ère de surenchère qui peut finir par de vrais attentats très sanglants contre le même genre de cibles.

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