Accueil > News > Iran : Drôle de surchauffe à Bouchehr



Iran : Drôle de surchauffe à Bouchehr
02.09.2010

Washington sanctionne les mollahs pour les forcer à dialoguer afin d’aboutir à une entente. L’objet de cette entente est d’introduire des pions américains au sein du régime des mollahs et transformer ce dernier en un allié anti-russe et anti-chinois en Asie Centrale, une région clef pour ces deux pays. Depuis toujours, les deux pays surveillent les Etats-Unis pour les empêcher de renforcer leurs sanctions, mais ils surveillent aussi les mollahs car en continuant à enrichir de l’uranium, ils privent Washington de l’entente qu’il souhaite et pourraient finir par l’exaspérer et obtenir un compromis sur la base d’une entente sans le partage du pouvoir. Par le passé, pour décourager ces efforts iraniens contraire à ses intérêts, Moscou retardait la livraison de Bouchehr car cette centrale nucléaire sert d’alibi à l’enrichissement exaspérant des mollahs. Dernièrement, sous l’effet des sanctions énergétiques, Téhéran a perdu la capacité de produire de l’électricité, il était en danger. Moscou a décidé de lui livrer enfin la centrale électrique de Bouchehr. Le site a été inauguré le 21 août et Moscou a commencé le chargement du combustible nucléaire dans le cœur du réacteur pour démarrer le réacteur le 5 septembre. II vient d’arrêter le chargement au prétexte d’une « augmentation de la température locale » alors que la température est constante. | Décodages |



Ce nouveau retard dans le démarrage de la centrale de Bouchehr est encore une fois lié à des efforts iraniens pour parvenir à un compromis avec Washington. Il y a deux semaines, inquiété par des mécontentements internes, le régime des mollahs a opté pour une ligne de conduite plus modérée où il a affiché la possibilité d’un dialogue avec les Etats-Unis. Puis, il a gommé de son vocabulaire les slogans bellicistes anti-américains et anti-israéliens. Moscou a continué les travaux de finition à Bouchehr car Téhéran était clairement en train de chercher à calmer les inquiétudes de ses alliés internes. Moscou a été sans doute encore plus rassuré quand dans ce cadre Téhéran a annoncé, il y a une semaine, sa disposition à créer un consortium irano-russe pour produire du combustible nucléaire à base d’uranium moyennement enrichi en Iran. La proposition était inacceptable au regard des résolutions du conseil de Sécurité qui insistent sur l’arrêt de l’enrichissement, mais Téhéran avait axé son jeu sur Moscou.

Ce lundi, très confiant, Moscou a alors rejeté l’offre. Mardi, Téhéran a alors utilisé ce rejet pour annoncer par la voix d’ Ali-Akbar Salehi, le directeur du programme nucléaire iranien, la « nécessité de continuer l’enrichissement à 20% pour produire son propre combustible » (pour le réacteur de recherche de l’université de Téhéran). Mais dans un souci de montrer la bonne foi de la partie iranienne, Salehi a déclaré que l’on pouvait très bien « supposer la disposition de la république islamique d’Iran à créer un consortium irano-américain pour produire du combustible nucléaire et pourquoi pas une coopération plus large comme un contrat pour la construction des futures centrales iraniennes », une construction très lucrative qui a été normalement promise aux Russes.

Cette déclaration hors du commun n’a pas eu lieu sur une chaîne iranienne, mais sur Al Alam, la chaîne arabophone très anti-américaine du Hezbollah et du Hamas destinée à la rue arabe qui est elle aussi très anti-américaine. Cela veut dire que Téhéran est allé loin dans l’appel du pied pour une entente irano-américaine. Moscou n’a pas apprécié les suppositions de Téhéran : aussitôt, il a annoncé des retards à prévoir dans le chargement du combustible dans le cœur du réacteur de Bouchehr en raison d’une « forte augmentation de la température locale ».

Nous avons vérifié sur un site de données météorologiques : la température locale est constante. Il est clair que la seule température qui a grimpé en flèche est celle des Russes qui n’apprécient guère la danse de ventre des mollahs devant les Américains. L’enjeu est énorme.

Téhéran a immédiatement fait marche arrière pour ne pas envenimer la situation avec la Russie qui est l’une de ses derniers alliés : mercredi, le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères (donc une instance plus haut placée que Salehi) a annoncé que le seul objectif de la république islamique d’Iran était d’obtenir une date de négociation avec le groupe de Vienne qui comprend les Etats-Unis, mais aussi la Russie.

Moscou q aimé cette réactivité ! Ce même mercredi, Serguei Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, a apporté son soutien au dialogue en fustigeant le recours aux sanctions, mais il a averti Téhéran qu’il devait clarifier son programme nucléaire. On peut dire qu’il a montré les diverses facettes des réactions de son pays vis-à-vis de Téhéran : du laxisme, mais aussi de la fermeté si Téhéran s’écarte du dialogue avec le groupe de Vienne. Pour que les choses soient bien claires (que le régime se dépêche à contacter le groupe de Vienne), Moscou a confirmé la pause d’au moins un mois dans le chargement du combustible dans le cœur du réacteur de Bouchehr pour cause de hausse des températures. Etant donné que Washington a besoin de l’entente et augmentera sa pression pour l’obtenir, malgré l’arrivée de l’automne, on peut de nouveau pronostiquer une prochaine surchauffe entre les Russes et les mollahs.


© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Sur les relations Téhéran-Moscou :
- Iran : la Russie, le temps des incertitudes et des contradictions
- (20 Juillet 2010)

Pour en savoir + sur Bouchehr :
- Iran : La Centrale de Bouchehr en images
- (21 AOÛT 2010)

| Mots Clefs | Nucléaire : Equipements & Centrales |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |
| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Alliance IRAN-RUSSIE |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |