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Iran-Transports maritime : un embargo illusoire
09.06.2010

Hier à Istanbul lors du sommet de CICA, le Premier ministre russe Vladimir Poutine a affirmé qu’un accord avait été « pratiquement trouvé » sur un projet de résolution sanctionnant l’Iran pour son programme nucléaire. Cette résolution sera d’ailleurs soumise au vote ce mercredi 9 juin. En mai dernier, encore une fois les Russes avaient fait savoir que le brouillon de la résolution contenait un renforcement des inspections des cargos iraniens : on pourrait désormais fouiller les cargos iraniens non seulement dans les ports, mais aussi dans les eaux internationales. La mesure n’est pas superflue car comme Téhéran a trouvé les moyens de contourner l’embargo en vigueur.

par Kavoshgar




Embargo :
1. Décret d’un gouvernement interdisant la circulation des navires marchands dans ou hors de ses ports.
2. Interdiction par un gouvernement de tout ou partie des échanges avec un pays étranger.

Si vous daignez visiter certains ports d’Europe, vous serez surpris de constater la présence d’une grande quantité de conteneurs en provenance d’Iran. Alors que l’embargo imposé par États-Unis sur l’Iran est toujours en cours, il n’est sans doute pas absurde de se demander pourquoi les conteneurs iraniens s’amoncellent dans la plupart des ports européens. De fait, c’est la preuve évidente de l’existence d’échanges commerciaux entre l’Europe et l’Iran et que le transport maritime ne souffre d’aucun embargo.
© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Les conteneurs en question appartiennent à l’IRISL Group (Islamic Republic of Iran Shipping Lines), une entreprise publique de transport maritime appartenant à l’Etat iranien. Précisons que cette société est loin d’être inopérante car l’Iran se classe parmi les 20 premiers des 140 États membres de l’OMI, l’Organisation Maritime Internationale. Ceci explique sans doute l’enthousiasme montré par son Secrétaire Général lors de sa visite en Iran de septembre 2009 : Il a rappelé l’importance de la position géostratégique de l’Iran, la vitalité de ses échanges maritimes internationaux et bien sûr il a insisté sur sa participation active en tant que membre de l’OMI. Il n’a fait aucune mention de l’embargo. D’ailleurs pourquoi aurait-il parlé d’un embargo qui si facile à détourner ?

L’IRISL s’est fait le plaisir de lister sur son site Internet toutes les lignes maritimes [1] qui relient l’Iran à quasiment le monde entier : bien sûr on y trouve les pays voisins comme les Emirats Arabes Unis, le Pakistan, l’Arabie saoudite, la Syrie et l’Egypte. Sont mentionnés aussi les pays les plus demandeurs en matières premières énergétiques, à savoir la Chine et l’Inde, via nombreuses lignes reliant les différents ports de l’Asie du sud-est. Et bien sûr, nous pouvons remarquer que l’Iran est très bien relié à l’Europe : Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni, France, Malte, Italie, Espagne... Enfin, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Australie ne sont pas en reste, avec leurs lignes spécifiques aux cargos. Seules quelques parties du monde semblent ne pas être connectées à l’Iran : l’Amérique du Nord et la Russie. Toutefois, comme il y a une solution à chaque problème, il est possible de changer le pavillon et la peinture du bateau en route. Ce sont là des pratiques confidentielles et illégales, mais certains capitaines n’hésitent pas à y avoir recours conformément aux informations recueillies dans certains ministères des Transports. Ainsi, certains bateaux, on en ignore le nombre, disposeraient de deux identités, deux numéros d’immatriculation... et bien sûr deux drapeaux !

Les liens commerciaux internationaux de l’Iran sont tels que l’IRISL cherche à accroître sa flotte. Le nombre de navires est passé de 138 en 2008 à 154 en 2009. On peut prédire que cette flotte va encore augmenter en 2010 surtout si l’on s’en réfère aux nombreuses et discrètes visites de hauts responsables iraniens dans des pays où il existe de nombreux armateurs, comme la Grèce et Chypre. Pourquoi ces pays en particulier ? Leurs armateurs sont bien connus pour leur flexibilité et leur transparence douteuse, qualités qui sont fort appréciées quand on souhaite contourner un embargo.

Bien entendu, lorsque de telles transactions sont opérées, on peut s’interroger sur l’importance des sommes transférées vers et depuis l’Iran. En fait, c’est très simple. Bien que certaines banques refusent d’accepter les lettres de crédit depuis et vers l’Iran, nous avons le plaisir de vous informer que la plupart des banques iraniennes entretiennent des relations étroites avec les banques européennes et asiatiques. Ainsi, si la banque de votre partenaire iranien est l’une de celles énumérées ci-après, vous ne trouverez aucune difficulté à ouvrir une lettre de crédit ou à vous faire transférer de l’argent d’Iran. Les banques sont les suivantes : Export & Developpement Bank of Iran, Banque Tejarat, Banque Mellat, Banque Sarmaye, Banque Sanat o Madan, Banque Refah. Mis à part les entreprises américaines, il semble donc très facile pour n’importe quelle entreprise dans le monde de contourner l’embargo américain sur l’Iran. Toutefois, si une société américaine souhaite commercer avec une autre société basée en Iran (sous embargo donc), nous avons l’honneur d’annoncer que des sociétés-écran iraniennes sont basées aux Émirats Arabes Unis, à Singapour et en Malaisie, pays qui par ailleurs n’ont aucun problème à maintenir des relations commerciales avec les États-Unis. Les affaires sont les affaires et l’Iran n’est pas le pays isolé que nous croyons. Et comme la plupart des marchandises (90%) sont expédiées par bateau, ceci explique pourquoi le transport maritime de l’Iran se porte si bien et pourquoi sa flotte de commerce nécessite d’être renforcée.

En fait, la demande est significative. Toutefois, elle ne concerne pas seulement l’Iran, mais aussi ses pays voisins. Donc, pour en revenir aux lignes maritimes, comme l’a si bien souligné le Secrétaire Général de l’OMI, la position géographique de l’Iran est très centrale, au carrefour de l’Europe, de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. C’est la raison pour laquelle les ports iraniens et spécialement celui de Bandar-Abbas sont des points de choix pour le transbordement des marchandises en transit à destination des pays de la CEI et dans une moindre mesure de l’Afghanistan. En d’autres termes, les conteneurs transitent par une destination intermédiaire, un port iranien dans ce cas précis, et les marchandises sont mises transférées sur un autre moyen de transport (bateau, camion, train). Si l’on considère la situation géographique de l’Iran, une telle procédure offre une solution pour ouvrir des pays enclavés (comme ceux d’Asie centrale) au monde extérieur. Certaines compagnies de navigation comme Maroos, une société iranienne, ou Wilhemsen, une société norvégienne qui opère en Iran, sont bien conscientes de ce fait et mentionnent ce service, qui peut être effectué en Iran, parmi les services qu’elles proposent. Ainsi, ce transbordement de et vers l’Asie centrale peut-être fait efficacement dans les ports iraniens et, bien sûr, si ce service est fourni par presque tous les compagnies maritimes qui opèrent dans un port iranien, c’est parce qu’il y a une demande importante à laquelle il faut répondre. L’Iran pour l’Asie Centrale représente la porte de sortie et d’entrée la plus simple.

Malgré la crise qui a débuté en Septembre 2008 et affecté les flux commerciaux internationaux, ainsi que le transport maritime, les ports iraniens parviennent à maintenir leur activité. En effet, il est intéressant de noter que le port de Bandar Abbas a eu à renforcer ses infrastructures comme spécifié par la société d’ingénierie italienne Trevi. De même, l’Organisation des Ports et de la Marine d’Iran, a fait plusieurs appels d’offres pour améliorer les équipements de certains ports iraniens et même en assurer l’extension.

Théoriquement, l’embargo américain sur l’Iran devrait empêcher toute possibilité de faire des affaires avec l’Iran. Mais dans la pratique, presque personne ne s’en soucie. Non seulement il est possible d’importer et d’exporter vers l’Iran, mais en plus c’est très facile, surtout pour les entreprises qui ne sont pas aux États-Unis. Et c’est si profitable que les ports européens ne cherchent même plus à cacher les conteneurs iraniens qui s’empilent sur leurs quais. Du seul point de vue du commerce international, cet embargo n’est que du vent. Une illusion.

Alors à quoi devrait-on s’attendre exactement ?


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article complémentaire :
- Exclusif - Iran : Washington contourne ses propres sanctions
- (25 MAI 2010)

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

[1Les lignes maritimes d’IRISL
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