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Exclusif - Iran : Washington contourne ses propres sanctions
25.05.2010

Alors que l’on parle des nouvelles sanctions à l’encontre des mollahs et de leurs partenaires commerciaux (européens, chinois ou russes), un ancien haut fonctionnaire américain a révélé que 18 banques américaines entretenaient des relations avec des établissements financiers iraniens inscrits sur la liste noire américaine. Dans le même genre, en avril 2009, les mollahs ont révélé que les principales banques américaines lui avaient proposé d’aller plus loin en ouvrant des succursales à Téhéran. En juin 2009, Londres avait révélé que Washington avait autorisé en cachette les Indiens à entretenir des relations commerciales de haut niveau avec les mollahs. Hier, les mollahs eux-mêmes ont annoncé qu’ils avaient gagné un important appel d’offre pétrolier indien lancé en septembre 2009, ce qui ne saurait être fait sans l’accord des Américains. Washington joue un double jeu contre les mollahs, mais aussi contre la communauté internationale.



On ne le répétera jamais assez Washington a besoin du pétrole et du gaz iraniens, de l’Iran comme couloir d’accès vers l’Asie Centrale et le Caucase qui regorgent de gaz. Et enfin, il a expressément besoin des mollahs qui sont les idoles de la rue musulmane pour provoquer des révolutions islamiques dans ces deux régions musulmanes afin de créer de nouveaux pays et ainsi abolir les contrats pétroliers européens, chinois ou russes passés avec les actuels Etats de ces régions. Washington convoite essentiellement la place de leader du marché pétrolier mondial (détenue par la Grande-Bretagne depuis 1908) pour enrailler les progrès économiques de la Chine. Mais les mollahs ne peuvent pas accepter une entente ou même un dialogue car Washington protège Israël. Nos amis enturbannés perdraient immédiatement le soutien de la rue arabe, soutien qui leur donne un réel pouvoir de nuisance et de marchandage. Les mollahs pourraient être sensibles à une entente, si Washington leur accordait le droit de disposer de cette arme. C’est une exigence impossible car Washington a besoin d’un allié docile et non d’un allié querelleur et marchandeur d’où les sanctions. Cela consiste à interdire tout investissement supérieur à 20 millions de dollars dans le secteur pétrolier iranien, ce qui représente une catastrophe pour une économie étatisée dont les seules ressources en devises sont d’origine pétrolière. En privant les mollahs de devises, Washington a cherché à dérégler l’économie pour mettre en péril la paix sociale en Iran afin d’intimider les mollahs et les contraindre à accepter ses invitations à la réconciliation par le dialogue.

Une des règles essentielles de la guerre d’usure économique américaine à l’encontre des mollahs est surtout d’éviter des sanctions trop fortes susceptibles de renverser ces futurs alliés uniques et irremplaçables. De fait, les sanctions sont appliquées avec une certaine souplesse, il y a de nombreuses entorses aux règles que Washington édicte pour les autres. Dernièrement, Washington a même demandé à deux de ses plus importants partenaires, la Turquie et le Brésil, de s’opposer à toutes nouvelles sanctions au sein du Conseil de Sécurité.

Cependant, le but n’est pas de ménager les mollahs, mais de les forcer à se tourner vers les Etats-Unis, c’est pourquoi les sanctions sont très dures avec les compagnies non américaines actives en Iran, mais plutôt souples vis-à-vis des Etats liés à Washington et des compagnies américaines comme les 18 banques dénoncées par Avi Jorish, un ancien haut fonctionnaire du Trésor américain ou les 5 grandes banques souhaitant s’installer à Téhéran. Grâce à cette approche très partiale, Washington a privé Téhéran de toute alternative en ne lui laissant que l’alternative américaine. Il est aussi resté au contact pour avoir des informations sur l’état de l’économie iranienne, indices indispensables pour moduler ses pressions afin d’éviter l’effondrement de son futur allié. Au passage, Washington a également privé ses concurrents comme la Chine, la Russie et l’Europe en particulier la Grande-Bretagne de leurs précieux contrats pétroliers très avantageux en Iran.

Mais cette politique très ingénieuse n’a pas eu raison des réticences des mollahs car ces derniers ont trop à perdre. Les mollahs ont refusé tout apaisement et pendant ce temps, la Chine a étendu sa mainmise sur l’Asie Centrale avant de s’installer en Afrique à un certain endroit appelé Darfour. Washington qui est pressé d’enrailler ces progrès chinois dans le domaine de sa prédilection, a alors dû proposer plus que l’alternative de la fin des sanctions ou des facilités bancaires : il a introduit les missions de médiation via ses partenaires commerciaux (Inde, Turquie, Emirats) pour des invitations au dialogue agrémentées d’offres d’investissements en Iran à condition d’une entente. Si Téhéran avait accepté, ces promesses auraient grillé la politesse aux pays sanctionnés par Washington comme la France qui sont normalement prioritaires.

En 2009, la Grande-Bretagne, la plus grande victime potentielle d’une alliance stratégique irano-américaine, a dénoncé par l’intermédiaire de son agence de presse Reuters que Washington avait secrètement autorisé l’Inde à acheter du pétrole iranien après lui avoir interdit l’achat publiquement. En fait s’il y avait lieu de dénoncer un comportement inapproprié, il n’y avait rien d’illégal vis-à-vis des sanctions existantes car elles interdisent aux partenaires économiques des Etats-Unis d’investir dans le secteur pétrolier ou gazier iranien, mais rien n’est prévu pour interdire la vente de barils. On pouvait néanmoins faire remarquer que depuis des années, les mollahs vendent des droits d’exploitations aux compagnies étrangères et de ce fait, ils n’ont pas en leur possession les barils qu’ils allaient vendre aux Indiens, en d’autres termes que l’autorisation accordée pour l’achat était un montage pour injecter des devises dans l’économie iranienne pour empêcher sa chute.

En janvier 2010, toujours Reuters a révélé que Washington avait autorisé l’Irak à passer un contrat de 600 millions de dollars pour l’importation du gazole iranien. L’information a surpris les Britanniques d’une part par le prix de revient très élevé de ce gazole (7 à 10 $ le litre) et d’autres part, parce que depuis des années, l’Iran doit importer près de 75% de ses besoins en carburant et ne peut de ce fait être un exportateur de gazole. Cela révélait que Washington venait de renouveler l’opération d’injection ponctuelle de devises dans l’économie iranienne. Cela a eu lieu à un moment où le régime avait de grandes difficultés économiques qui avaient donné aux Bazaris envie de le lâcher.

Il y a trois jours (le 22 mai 2009), nous avons eu droit à de nouvelles révélations à propos de ces cadeaux de Washington, mais cette fois elles ne venaient pas d’une source britannique, mais du régime lui-même qui doit rassurer ses Bazaris.

Téhéran a révélé que la compagnie pétrolière iranienne IOEC (de Rafsandjani) avait gagné au sein d’un consortium formé avec la compagnie indienne Essar Offshore un important appel d’offres pour la construction de 3 plates-formes sur un gisement de la compagnie indienne ONGC au large de Mumbaï. Téhéran a laissé entendre que la participation d’Essar était une obligation légale locale insinuant qu’il allait profiter presque exclusivement des 235 millions de dollars qui seront versés par l’ONGC au consortium EOSSL. Il n’a pas hésité à rappeler que ce consortium avait déjà gagné un appel d’offre d’un montant de 212 millions de dollars en 2009 et qu’il attendait les résultats d’autres appels d’offres indiens d’un montant global de 1,7 milliards de dollars auxquels il avait participé en 2009. Le résultat le plus attendu est celui de l’appel d’offre B193/SSPL.

Or, contrairement aux prétentions des mollahs ESSAR est un holding très puissant alors que l’IOEC n’est pas une grande constructrice de plates-formes pétrolières. Elle est même incapable de finir seule les travaux des installations pour les gisements South Pars. Nous sommes donc devant un nouveau montage comme dans le cas de la vente de barils inexistants de gazole aux Irakiens.

Pour parvenir à une entente, Washington, qui avait imaginé des sanctions indirectes, cherche à présent des moyens détournés pour atténuer leur effet. Voilà qui ne va pas rendre les mollahs plus dociles.


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| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les rel. avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Décideurs : OBAMA |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : selon Reuters |