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Iran - Israël : 36 ans de mésentente sur le TNP
01.06.2010

La crise nucléaire iranienne vient de passer au second plan après la déclaration finale de la Conférence 2010 de suivi du TNP axé sur un Moyen-Orient sans arme nucléaire, projet qui focalise les regards sur Israël. Le sujet est incandescent en raison du refus d’Israël qui se dit menacé sans cet arsenal et ne veut y adhérer tant que la paix n’a pas été signée. Alors que les pour et les contre se déchirent sur un fond de passions pro ou anti-Israélienne, il nous est paru plus constructif de rappeler les origines de ce projet et ses conséquences actuelles.



Israël et le TNP : des opportunités ratées | Tout le monde parle de la déclaration finale de la Conférence d’examen de 2010 qui a abouti à l’annonce du projet de la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient en rappelant qu’enfin la résolution formulée en 1995 se réalisait.

Il serait plus juste de rappeler que l’idée d’un Moyen-Orient exempt d’armes nucléaires ne date pas de 1995, mais de 1974. Cela avait été proposé dans une résolution onusienne (ci-jointe) par un ami des Arabes et d’Israël, le Chah d’Iran qui au même moment oeuvrait pour rapprocher l’Egypte et Israël, ce qui a finalement abouti à la signature des accords de camps David. Le Chah pensait que l’on ne pouvait pas signer de paix tant que les deux parties n’étaient pas sur un pied d’égalité. Il était alors l’homme fort de la région puisqu’il avait mené l’OPEP à une grande victoire sur les compagnies pétrolières américaines et britanniques, puis avait signé une paix historique avec l’Irak. D’un point de vue politicien, il n’avait nul besoin d’une paix entre ses concurrents régionaux, mais il a pris ces initiatives car il avait une vision régionale pour un Moyen-Orient en paix et prospère.

Cette initiative n’a eu aucun écho à ce moment car cela ne convenait pas aux intérêts Américains. Cette initiative aurait pu néanmoins réussir si Israël l’avait acceptée. Mais comme aujourd’hui, il avait refusé alors qu’il n’y avait pas de « menace nucléaire iranienne ». Pire encore, 4 ans plus tard, quand les Américains et les Britanniques, les frères ennemis du marché pétrolier, ont mis leurs efforts en commun pour renverser le Chah afin de le remplacer par leurs islamistes chiites, la radio Israélienne en persane était présente du côté de ces ennemis de l’Iran. Les islamistes liés à Washington ont accaparé le pouvoir annulant les contrats avec les Européens dont les contrats avec les Britanniques et devaient par la suite se concentrer sur l’Asie Centrale russe et chinoise, pour soulever leurs populations musulmanes. Mais les islamistes des Britanniques à savoir les mollahs ont eu le dessus sur ceux des Américains. Les mollahs que Washington avait utilisés comme catalyseurs sans leur donner une part intéressante du gâteau ont oublié l’Asie Centrale pour cibler les intérêts américains en créant le Hezbollah et finançant des mouvements révolutionnaires dans les pays arabes alliés des Etats-Unis. A la même époque la France était visée, mais Téhéran n’a jamais rien entrepris contre les ressortissants britanniques.

Israël qui avait laissé tomber un ami trop exigeant s’est vite retrouvé avec le Hezbollah qui a comme par hasard le soutien de la Grande-Bretagne. Israël a une part importante dans les transformations géopolitiques qui ont donné naissance à des forces menaçantes comme le Hezbollah et les autres mouvements islamistes financés par les mollahs. On connaît également sa part de responsabilité dans la montée du Hamas qui a par la suite accédé au pouvoir suite à l’insistance de Washington de le laisser participer aux élections palestiniennes. Israël est aujourd’hui menacé, c’est un fait. En conséquence, il se dit hostile à tout désarmement tant que la paix ne serait pas signée. Ce qui revient à dire que tant que la paix n’est pas signée, il se réserve le droit d’atomiser ses adversaires, une attitude qui ne donne pas envie à ses voisins de signer la paix… On revient à la réflexion du Chah sur l’envie de faire la paix.

La paix et le nucléaire israélien jadis liés sont à nouveau d’actualité, mais les conditions ont changé.
Pour signer la paix, il faut reconstituer les conditions idéales de 1974. Ce qui est impossible. En revanche, si en 1974, Israël avait rompu le cordon ombilical avec Washington pour être du côté de son ami régional qui avait la 5ième armée conventionnelle du monde et était capable de jouer les gendarmes de la paix, on aurait déjà fêté les 35 ans de la paix dans un Moyen-Orient autonome, dénucléarisé et prospère. Le mot le plus important étant sans doute l’autonomie. Au lieu de ça on se retrouve avec un Israël assiégé, un Iran dirigé par des islamistes populistes aliénés aux envies destructrices de la rue arabe et une Turquie islamiste à la botte de Washington qui plaide en faveur d’un dialogue avec ces fous pour aider Washington à conclure une entente lui permettant de reprendre son projet d’islamisation révolutionnaire axée sur l’Asie Centrale et le Caucase. L’en est de mettre la main sur 50% des ressources de la planète. Le résultat sera un retour de la vague islamiste de l’Asie Centrale au Moyen-Orient emportant sur son passage Israël, devenu un allié sans intérêt, la Syrie et les Arabes modérés qui sont devenus trop gourmands.

Aujourd’hui, il n’y a aucune initiative de la part de ces Etats en sursis contre ce projet d’entente qui est en passe de réussir grâce à la guerre d’usure économique américaine contre les mollahs. Aujourd’hui, seuls les grands Etats pétroliers comme la Grande-Bretagne, la Russie ou la Chine qui seront les victimes de cette entente réagissent. Ils plaident en faveur des nouvelles sanctions très fortes, non pour renverser les mollahs, mais pour forcer Washington à en faire autant ce qui revient à cesser ses initiatives de dialogue. En réponse, Washington a mis sur le devant de la scène la Turquie et le Brésil, qui au nom du respect pour le dialogue ou pour l’Iran se disent opposés à toutes nouvelles sanctions, mais pas contre les sanctions déjà en vigueur de la guerre d’usure économique de Washington. Via d’autres alliés pions régionaux comme l’Irak ou l’inde, Washington subvient aux besoins des mollahs en devises quand leur situation devient critique. En réaction, les Russes et les Britanniques ont renouvelé leurs efforts en faveur de nouvelles sanctions. Hier, les Européens menés par les Britanniques ont rencontré les Russes pour parler de nouvelles sanctions, Washington a répliqué en mettant en scène une nouvelle opposition turco-brésilienne ! Mis à part les détails, le destin de la région se joue entre des acteurs qui n’en font pas partie.

On ne peut que blâmer l’erreur d’Israël, seul acteur régional, à avoir activement aidé Washington en 1979 pour placer au pouvoir en Iran des islamistes qui restent encore aujourd’hui des alliés recherchés par les Américains, mais aussi les Russes, les Britanniques ou les Chinois. Cette erreur a détruit l’Iran et des centaines de milliers d’Iraniens, mais ce n’est rien à côté de ce qui attend cette région et Israël, ce qui aurait dû arriver à partir de la victoire de la révolution islamique en 1979. Que faut-il pour sortir de ce sursis tragique ? Adhérer au TNP ? Se dénucléariser ?

Adhérer au TNP ? Se dénucléariser ? | De notre point de vue, ces deux initiatives, qui en 1974 auraient jeté les bases d’une région autonome et en paix, seraient désormais désastreuses car la région n’est pas la même du fait de l’avènement des mollahs. Ces initiatives seront une victoire pour les mollahs, ils ne seront plus gérables. De fait, il faut agir sur la base des dernières évolutions géopolitiques en cours. On parle évidemment des relations entre les Américains et les mollahs ainsi que les positions des adversaires économiques de cette entente.

Les intérêts en jeu sont énormes, le terrain de jeu est la crise nucléaire iranienne, on aurait donc dû assister à un clash entre ses partis pendant la conférence sur le suivi du TNP. Or, ces partis -les Américains, les Russes, les Britanniques ou encore les Chinois- ont tous signé un texte de consensus où l’Iran n’a pas été nommément évoqué. De fait, ce texte est sans doute le document le plus récent et le plus important sur les évolutions géopolitiques en cours.

Le texte est en fait encore plus important car contrairement à ce qui est prétendu dans les médias l’Iran est présent, mais indirectement. Selon le compte-rendu de l’ONU sur la déclaration, après le projet sans calendrier de la création d’un Moyen-Orient exempt d’armes nucléaires, le premier point de consensus est que « tous les cas de non-respect des obligations découlant des accords de garanties de l’AIEA soient résolus dans le seul cadre de l’AIEA ». Dans le même compte-rendu, on constate que les Etats-Unis sont les premiers à saluer un plus grand rôle pour l’AIEA alors qu’ils ont eu la plus grande difficulté avec cette institution sous la présidence d’El Baradaï.

Ce revirement tient à une raison simple : dans le dossier iranien, un renforcement du rôle de l’AIEA revient à une diminution du rôle du Conseil de Sécurité à un moment où un nombre grandissant de ses membres sont partisans des sanctions que Washington souhaite éviter.

Dans ce contexte, Washington a besoin que l’AIEA enregistre une grande victoire. C’est pourquoi il soutient un projet comme l’adhésion d’Israël à l’AIEA, la signature du TNP et l’accord sur le Moyen-Orient dénucléarisé. Si Israël adhère au TNP, l’AIEA, siège des négociations stériles et sans fin, sera portée au pinacle. Les alliés turco-brésiliens de Washington feront le forcing pour demander la reprise de négociations via cet organisme, ce qui équivaut à un gel de facto de nouvelles sanctions pour un long moment. Washington évitera ainsi des sanctions plus fortes sans cesser sa guerre d’usure qui au final est censée soumettre les mollahs.

Dans l’opération, Israël perdra son arsenal qui ne lui sert à rien, mais sans gagner des points puisque cela sera une victoire diplomatique pour les mollahs. Par la suite, il doit attendre les bouleversements qui découleront d’une entente entre les Américains et les mollahs.

L’avenir d’Israël semble plombé, mais il existe une solution dictée par les circonstances : dissocier l’adhésion au TNP du désarmement. Eviter une adhésion au TNP, mais prendre l’initiative d’un désarmement nucléaire dans une initiative interrégionale supervisée par une délégation mixte pour créer la confiance avec les Etats Arabes. La confiance et l’égalité avant la paix, selon la vision iranienne d’avant 1979. Ce sera une initiative marquant l’autonomie de la région, une initiative pour neutraliser les manœuvres de Washington et enfin une étape décisive et certaine vers un accord de paix sans une intervention de Washington. C’est l’élément de solidarité qui a manqué à la région en 1979.

En 1979, cette région avait un homme fort avec une vision régionale. Il lui a manqué des alliés. Ces derniers sont tous en place depuis et tous en prise avec les problèmes générés par leur manque de solidarité et la disparition d’un Iran fort et pacifique. En inversant les vapeurs, ils peuvent reprendre leur destin en main et aussi aider les Iraniens en isolant Washington qui ne cesse de secourir les mollahs en cachette.

La solution existe, mais elle demande de l’audace.

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Pour en savoir + sur :
- Iran : Le Chah et le programme nucléaire iranien
- (1er octobre 2009)

| Mots Clefs | Nucléaire : TNP+AIEA |

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Israël |

| Mots Clefs | Histoire : Mohammad-Reza Shah Pahlavi (le Chah) |

| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Pays : Grande-Bretagne |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : RUSSIE |
| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement américain |