Depuis 15 jours, tout le monde en Iran attend le 30 juillet, journée de commémoration de la mort de Nedâ, cette jeune femme tuée d’une balle dans la nuque pendant une manifestation et qui est devenue le symbole de toutes les victimes du soulèvement du juin dernier. Les mollahs craignent que les rassemblements en sa mémoire ne dégénèrent en manifestations hostiles au régime. Pour éviter ce genre de débordement, Moussavi et ses partisans verts qui ne cachent pas leur attachement à la république islamique ont appelé dimanche à une cérémonie de recueillement statique, sans discours ni slogans, dans une salle de prière appartenant au régime.

Cette tentative de récupération de la contestation a déplu à la vraie opposition populaire basée en Iran. Quelques heures plus tard, elle a publié son programme alternatif pour cette journée : un programme sans aucune référence à Moussavi et sa salle de prière. Dans ce communiqué diffusé par courriel, elle a appelé à 5 rassemblements simultanés à Téhéran et a donné 3 lieux alternatifs pour chaque rassemblement. Pour les empêcher, le régime devrait bloquer le centre ville, mais aussi les abords de l’aéroport !

L’opposition populaire aux mollahs a aussi demandé aux compatriotes des régions de se réunir sur les principales places ou avenues de leur ville pour être le plus visible et le plus encombrant possible. Elle a ainsi montré qu’elle souhaitait porter la contestation dans la rue devant les caméras amateurs, c’est-à-dire loin du cadre pro-verts, pro-islam et pro-régime proposé par Moussavi.

En trois mots : cette opposition a cherché la rupture ! Elle ne veut pas se laisser embrigader dans cette révolution de couleur qui doit être la vitrine d’un renouveau du régime sur la base des idéaux de la révolution islamique de 1979. Elle ne veut pas donner une nouvelle légitimité au régime.

Ce communiqué ouvertement hostile au régime, mais désormais aussi hostile à Moussavi et au mouvement vert, a été diffusé dimanche à une heure très tardive, le régime en a pris connaissance lundi matin.

Une réaction est tombée en début de l’après-midi sur le site de Moussavi. Un communiqué officiel a fait part de la certitude de Moussavi que les contestations urbaines reprendraient bientôt (« pour faire respecter la constitution de la république islamique ») !

En annonçant la reprise de la contestation, Moussavi s’est placé comme son initiateur, ce qui est une nouvelle tentative pour placer la contestation sous la bannière verte. On s’attribue la gloire de ce que l’on ne peut pas empêcher.

Après avoir récupéré le coup, le régime a commencé le recyclage. Dans d’autres déclarations publiées hier sur son site, Moussavi a fait de son rassemblement silencieux à la mosquée le point de départ de la contestation à venir ! Sûr de son rôle de meneur de jeu qui fixe les règles, il a aussi fait part de sa conviction qu’en restant silencieux on éviterait d’accuser à tort les dirigeants qui ignoraient tout des crimes de quelques uns ! Il a précisé que ces crimes ne seront pas pardonnés, mais qu’il fallait néanmoins rester calme et silencieux pour « tester » la tolérance du gouvernement face aux rassemblements pacifiques !

Par ce discours, Moussavi a remis en place ce pourquoi il avait initialement lancé son appel : canaliser la colère des Iraniens pour calmer le jeu et éventuellement récupérer des figurants dociles pour relancer le mouvement vert. Le régime a recentré le débat sur sa priorité, mais il a néanmoins commis une très grande maladresse car ce discours a tout simplement oublié les victimes et le besoin ressenti par les Iraniens de leur rendre hommage comme à des héros.

Sans le vouloir, ce discours (le seul possible pour le régime) a accentué la rupture entre Moussavi et les Iraniens. On ne peut pas parler d’une erreur. Ceci montre uniquement la rigidité, mais aussi la fragilité, de Moussavi et du mouvement vert. L’opposition a désormais toutes ses chances si elle continue à harceler le régime.

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