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Iran : Rafsandjani annonce l’après Ahmadinejad !
10.12.2008

Le sermon de la fête du sacrifice (l’Aïd) a été cette année prononcé non pas par le Guide Suprême, mais le vrai patron du régime, Rafsandjani. Depuis le hangar couvert de l’université de Téhéran, Rafsandjani a tenu un discours avec un contenu très instructif qui a malheureusement été copieusement censuré par l’AFP pour devenir un vague reproche à Obama. Nous avons décidé de remédier à cette censure sans quoi on ne peut comprendre ni la signification de cette intervention radiodiffusée majeure, ni les prochaines décisions du régime des mollahs.



Rafsandjani a d’abord évoqué les « crimes sionistes à Gaza » en insistant sur deux points : sa tristesse que les Gazaouis ne puissent partager la joie collective de l’Ouma pendant l’Aïd et aussi sa révolte face au silence complice de la communauté internationale et de certains pays arabes, sous-entendant les Arabes alliés des Etats-Unis.

Cette partie malheureusement censurée par l’AFP contient deux éléments importants dans les prochains mouvements du régime : orientation des attaques sur les alliés arabes des Etats-Unis et non pas directement sur cet adversaire, et aussi repositionnement du discours général du régime sur l’Ouma et la nécessité d’être uni au sein de l’Ouma.

Nous assisterons bientôt à l’application de ces éléments dans le cadre du procès du groupe armé du Jundallah (à l’origine des tensions entre sunnites et chiites), groupe que Téhéran relie non pas aux Etats-Unis (qui le financent), mais à l’Arabie Saoudite, qui (selon Téhéran) manquerait de motivation pour préserver l’unité de l’Ouma.

Le deuxième sujet abordé par le patron actuel du régime (et négligé par l’AFP) a été la crise financière. Selon Rafsandjani, l’Iran a été épargné par la crise, mais cette dernière peut finalement toucher l’économie iranienne. Il est important de préciser que la crise a touché les banques internationales liées aux institutions financières américaines. L’Iran n’étant pas connecté aux institutions financières américaines n’a pas été touché par cette crise. La dégradation économique évoquée par Rafsandjani n’est donc pas due à cette crise, mais aux sanctions qui privent le pays d’investissements étrangers.

En fait, il s’agissait pour Rafsandjani d’annoncer à l’audience composée des bazaris une dégradation massive (liée à la crise !), et ce pour enchaîner sur la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour endiguer cette dégradation. Il s’agit, bien sûr, de son bébé : le projet de réforme de l’article 44 de la constitution, projet qui propose de vendre les industries de base, mais aussi les marchés contrôlés par le Bazar, à des groupes étrangers. On se souvient que l’application de ce projet par Ahmadinejad avait provoqué il y a quelques mois des remous au Bazar, inquiet pour son avenir. Rafsandjani revient à la charge en établissant un rapport entre le retard dans l’application de ce projet et la dégradation, visible pour tous les Iraniens, de la situation économique.

On peut dire qu’il s’agit d’une indication majeure pour la politique intérieure : le prochain président du régime appliquera avec sévérité ce programme très impopulaire auprès du Bazar, pilier historique du régime. Ceci présage soit l’élection du milicien des Pasdaran (Ahmadinejad lui-même) soit celle d’un personnage inédit comme l’Ayatollah Rohani, qui sera le futur patron du régime avec un projet islamique rénové basé justement sur le principe de l’unité (nous reviendrons bientôt sur ce projet).

En premier, le patron du régime a parlé de Gaza en attaquant les alliés arabes des Etats-Unis et en second, il a évoqué ce projet jugé vital pour la survie du régime. Il a par la suite reparlé brièvement de Gaza pour comparer ce territoire à l’Afghanistan et au Pakistan, pays désormais plongés dans le banditisme et le trafic de drogue par la faute d’« un occupant venu d’ailleurs ». C’est ainsi qu’il a enchaîné sur les Etats-Unis et sur Obama.

Il a signalé que le futur président des Etats-Unis tenait à quelques nuances près le même langage que George Bush. Il a alors fustigé l’évocation par Obama de l’aide accordée par la république islamique à des groupes terroristes en laissant entendre qu’Obama avait tort de ne pas parler ouvertement du Hamas et du Hezbollah. Il a tenu à préciser que ni l’un ni l’autre ne pouvaient être qualifiés de terroristes car le Hezbollah a sauvé le Liban et le Hamas protège les Palestiniens. Il a en revanche qualifié Israël et les Etats-Unis de vrais Etats terroristes. On comprend le souci de l’AFP de censurer ces propos d’un homme que l’on dit modéré, mais cette censure est idiote car elle prive les observateurs d’une bonne compréhension et d’une analyse instructive.

En fait, si on écarte l’enveloppe politiquement correcte voulue par l’AFP, on s’aperçoit que dans ce sermon très instructif, Rafsandjani, c’est-à-dire le patron et le véritable porte-parole du régime, n’a pas évoqué le nucléaire directement : il a parlé d’abord des conditions préalables posées par Obama comme l’arrêt des aides au Hamas et au Hezbollah. Il a aussi affirmé que cela faisait 30 ans que les Etats-Unis cherchaient à renouer le dialogue avec la république islamique, mais que cette dernière avait toujours refusé même quand il n’y avait pas de conditions préalables comme maintenant.

Dans le prolongement de cette introduction où il avait longuement insisté sur l’unité de l’ouma, la civilisation de l’Islam, sa force, sans faire du nucléaire un sujet central de son sermon, Rafsandjani est revenu à ce sujet en faisant de cette quête du nucléaire un élément identitaire de l’Ouma.

« Je ne m’attends pas à ce que quelqu’un qui se considère comme d’origine africaine et comme un membre de la race noire opprimée en Amérique réitère les propos de Bush. Nous ne voulons pas de conflit ou de guerre avec l’Amérique, nous voulons un accès à la technologie nucléaire. Nous ne voulons pas de vos encouragements, et vos punitions ne pourront nous écarter de notre objectif. Nous voulons être un pays musulman indépendant, un exemple pour les autres. Nous savons que vous ne partagez pas notre idéal islamique révolutionnaire qui refuse votre ingérence, c’est pourquoi vous utilisez des prétextes comme le nucléaire ou le terrorisme pour nous arrêter. En fait nous défendons les droits des plus faibles ! Nous n’avons peut-être pas de force, mais nous avons une langue. Nous défendons les plus faibles par la langue. »

C’est presque une déclaration de guerre ! On est loin de la rhétorique brutale d’Ayman al Zawahiri. Les stratèges du régime ont bien bûché et trouvé une faille pour résister à la déferlante Obama. Ce dernier manie la langue et promet le dialogue et la liberté, les mollahs lui opposent un discours Nasseriste d’indépendance, d’unité pan islamique mâtinée d’une sauce plaisante de défense des plus faibles.

C’est un discours majeur qui annonce la couleur sur l’après Ahmadinejad : on est loin des hypothèses fleur bleue qui suggèrent un retour de Khatami et des réconciliations joyeuses. Le régime vire à gauche.

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| Mots Clefs | Nucléaire : Crise & Escalade |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Rafsandjani |
| Mots Clefs | Enjeux : Rôle régional de l’Iran |
| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Rétablir les relations avec les USA & Négociations directes |
| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : USA |

| Mots Clefs | Institutions : Prière de Vendredi |
| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Selon l’AFP |