Iran Resist - Iran : La semaine en images n°28

Iran : La semaine en images n°28
31.08.2008

La « semaine en images » vous propose de comprendre l’Iran à travers l’œil des caméras de la presse iranienne. Cette semaine, le gouvernement exposait son bilan aux représentants des institutions clefs du régime. Tous ont loué ce bilan et profité de l’occasion pour affirmer leur foi dans le système actuel et la pérennité nécessaire de ses institutions. Cette attitude prend racine dans les évènements qui ont eu lieu au cours du mois dernier, évènements que nous avons eu le privilège de détecter pendant leur déroulement, et que l’on peut qualifier de la plus grave crise politique du régime depuis ses débuts houleux dans les années 80. Voici l’histoire d’Akbar agha et les 40 voleurs !

Les images de la semaine ne sont pas très dynamiques, mais elles sont à la hauteur de la situation actuelle : elles montrent la réalité statique mais fragile d’un régime composé d’un côté de très vieux mollahs qui contrôlent le fric et de l’autre, de miliciens de Pasdaran plus jeunes qui contrôlent moins de fric et mais plus d’armes.

C’est l’un d’entre eux, le grand absent des médias cette semaine, qui a été le personnage clef de cette crise. Il s’agit de Larijani, le confident du Guide, le candidat potentiel de Rafsandjani pour la succession d’Ahmadinejad. Le plan était de le présenter comme un élu populaire pour contribuer à un relookage démocratisant du régime afin de créer le cadre politique pour une normalisation des relations diplomatiques avec les Etats-Unis.

Mais Akbar Rafsandjani a détecté un comportement suspect de la part de son poulain : il était sur le point de prendre le contrôle de la sécurité intérieure du régime (et donc des mollahs) par l’intermédiaire de son ami le milicien Kordan nommé au ministère de l’intérieur. Rafsandjani a alors détecté un danger de coup d’Etat intérieur dans lequel l’ami Larijani aurait voulu transformer le régime clérical des mollahs en un régime paramilitaire islamique. Le régime et surtout Rafsandjani ont réagi pour arrêter cette machination dans laquelle Ahmadinejad et le Guide lui-même auraient été impliqués, puisque l’un a nommé Kordan pour ce ministère clef, et l’autre a donné sa bénédiction pour le confirmer à ce poste.

Rafsandjani a alerté Vaez Tabassi et d’autres vieux mollahs qui ont la mainmise sur les exportations du pays en les informant qu’ils pourraient tous être arrêtés, dépossédés et même pendus, s’ils le sacrifiaient pour sauver leur peau. Larijani a été écarté et il n’apparaît plus dans les événements importants sur le plan national. Il ne peut pourtant être éliminé car cela serait interprété comme une preuve d’affaiblissement du régime. Dans un discours prononcé à l’Assemblée des Experts, institution qui réunit tous les mollahs importants du régime, Rafsandjani a insisté sur ce principe : il faut nous monter soudés et « éviter les remous ».

C’est ainsi que le régime a décidé de sauver les meubles en récupérant certains des ex-alliés de Larijani, pour « éviter les remous » (comme une fuite des capitaux, des désertions) et revenir à la base de la révolution. Le résultat immédiat de ce repli stratégique est un retour aux slogans de base et aux embrassades interminables entre les différents composants du régime.

Ainsi cette semaine, Khamenei d’abord a reçu Ahmadinejad (et son gouvernement en chaussettes) pour lui exprimer son soutien.

Puis, Rafsandjani et 80 principaux mollahs du régime ont reçu Ahmadinejad pour lui accorder aussi leur vote de confiance. Ces 80 mollahs sont chargés du choix du guide mais aussi de superviser le projet de privatisation des entreprises iraniennes qui avaient été nationalisées et placées sous la tutelle du régime au début de la révolution. Ces deux décisions sont fondamentales : l’une concerne le choix de celui qui doit incarner l’unité avec le Hezbollah et l’autre le partage du butin. C’est l’assemblée des 80 voleurs (ci-dessous : chez eux dans l’enceinte du premier Parlement iranien, et ensuite chez le guide).

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Akbar Agha et les 40 voleurs en visite chez le guide !

Ces 80 voleurs, qui ont à leur tête Rafsandjani, ont après cela rendu visite au Guide Suprême ! Ce dernier a accédé à son poste grâce à des magouilles de Rafsandjani, mais on peut affirmer que le choix de ce dernier était la bonne car Khamenei, dit le Palestinien, avait suivi un entraînement de terrorisme dans les camps de l’OLP et connaissait bien l’univers de la guérilla.

Lors de cette rencontre entre les 80 voleurs et leur élu Khamenei (ci-dessous), ce dernier a rappelé les fondements minima du régime : un retour aux positions politiques du début de la révolution, un attachement absolu à la forme du régime et à la pérennité de l’ensemble de ses institutions, plus particulièrement à l’Assemblée des 40 voleurs experts et enfin le plus indispensable : un retour aux slogans initiaux de la révolution !

Khamenei a aussi évoqué la fidélité absolue à la ligne politique de Khomeiny et l’interdiction formelle d’exprimer une pensée critique à l’égard de Khomeiny, l’histoire de la révolution et son bilan. Projet applicable immédiatement. Concrètement, cela nous vaut le retour des slogans incendiaires et aussi une unité interne mise en scène sous la forme d’un mimétisme politique et des rencontres transgénérationnelles.

Cependant, il ne faut oublier que ce repli est quand même le résultat d’un réflexe d’autodéfense, les intérêts supérieurs du régime sont les mêmes qu’avant cette crise : il lui faut une entente avec les Etats-Unis. Et l’entente ne peut se conclure qu’avec un adversaire sous-pression donc les républicains. D’ailleurs dans ce domaine, il y a aussi du nouveau.

Rencontres transgénérationnelles. La semaine dernière Ahmadinejad avait rendu visite au mausolée de Khomeiny, cette semaine, ce fut le tour des deux fois 40 voleurs et leur chef Rafsandjani. Parallèlement, le guide a reçu les élites un jour de cette semaine et le lendemain, le groupe était reçu par Ahmadinejad. Et enfin, le surlendemain, Rafsandjani recevait les lauréats du concours robotique du régime ! On a aussi organisé une rencontre entre les (presque plus) jeunes mollahs et les miliciens des Pasdaran (ici le ministre de la Défense). Dans le genre, la relève est là et tout va très bien… on est très soudé !

Malgré ces bonnes embrassades et cette bonne ambiance futuriste, le bazar qui a ressenti les remous : le régime a décidé de le rassurer en abreuvant le marché de faux billets pour relancer la consommation et enrichir le bazar. De nouveaux billets imprimés à la hâte et sans contrepartie ont été distribués à ceux qui ont des comptes en banque, c’est-à-dire à environ 16% des Iraniens : l’appareil du régime, la fratrie des 80 voleurs au pouvoir, des miliciens chargés de veiller à leur sécurité sans chercher à les manger tout cru, mais aussi les bazaris et les fonctionnaires (indispensables).

Tous les autres qui n’ont pas de véritable emploi devront se contenter des miettes de cette manne et doivent trouver des ruses pour en grappiller quelques-unes dans la jungle iranienne. Cet enfant en fait partie. Elle joue de l’accordéon devant des cinémas. Comme des millions d’autres enfants, elle est un « noun-biâr », littéralement « qui apporte le pain », en d’autres termes elle nourrit sa famille avec les maigres revenus de ses concerts nocturnes. Après elle devra dans la nuit regagner son taudis dans cette ville de tous les dangers.

Mais « elle » est un garçon qui se déguise en fillette avec un foulard car les passants ont plus pitié des femmes ! Désormais en Iran, être une femme est la condition pour la mendicité.

Ce sont deux univers parallèles. Il y a ceux d’en haut, les 80 voleurs et leurs complices et ceux d’en bas et les complices sont conscients qu’ils peuvent dégringoler et tomber dans le néant d’en bas. Dans ce concert de mimétisme qui berce désormais le régime, il y a des éléments en sursis : Larijani, son ex-lieutenant Kordan et aussi Rahim-Mashaï, le père de l’épouse du fils Ahmadinejad et le ministre de la culture qui avant ce repli avait été chargé de réparer l’image anti-juive du régime en faisant des discours sur l’amitié avec le peuple israélien.

Après une semaine où chacun des trois « grands », Rafsandjani, Khamenei et Ahmadinejad a reçu toute la couverture médiatique, le régime a accordé un petit intérêt à son ex-champion déchu, Larijani : il a fait une petite apparition lors d’une rencontre avec des écoliers en visite du Parlement. Le cas des deux autres pose moins de problème au régime, car ils ne sont pas des personnalités. Ils marchent sur la corde raide et ne doivent leur maintien précaire qu’au mot d’ordre « évitons les remous » du chef des 80 voleurs.

Cependant, le milicien ami du peuple israélien peut s’avérer utile, il est d’ailleurs assez épargné et serein malgré son discours qui ne colle plus avec l’image actuelle du régime. Le plus agité des deux est d’ailleurs Kordan qui risque plus gros que tous les autres, étant à la fois petit et sans intérêt, mais aussi un traître.

Pour se faire bien voir, Kordan multiplie des gestes de soumission et des sourires : il s’est découvert une fibre d’amour pour le Hezbollah que l’on ne lui soupçonnait pas. Il se dit un brave enfant du Hezbollah, un « hallal-khor » (consommateur du hallal), et chaque jour il fait dans la presse des déclarations qui se veulent drôles et sympathiques sur Ahmadinejad et la force de la révolution.

Pendant que certains se déguisent pour grappiller quelques sous et d’autres en font trop pour sauver leur tête, d’autres pensent aux leurs car cette crise n’en est qu’à son début : les mollahs ne rajeuniront pas et comptent peu de jeunes dans leur groupe de 80 voleurs, même s’ils exhibent de jeunes mollahs novices (et sans réseau) en train de se marrer avec les Pasdaran (très organisés). Les 80 voleurs doivent désormais surveiller la base d’où peut jaillir un élément mal intentionné.

Les médias du régime ne se sont pas trompés en décrétant la photo ci-dessous, photo de la semaine. Le chef des voleurs a des soucis à se faire : il doit surveiller la marmite du régime, œuvrer pour une entente et néanmoins ne pas oublier qu’il risque d’avoir une retraite très agitée. Il est pensif et soucieux pendant que l’autre s’agite et braille comme un nouveau-né. Cette image est-elle prophétique ?

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