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Iran : Zamanian, un jeune homme fougueux épris de démocratie
26.02.2008

Delphine Minoui a écrit un long article sur un certain Babak Zamanian, âgé de 22 ans, porte-parole des étudiants de l’université Amir-Kabir. L’article est un condensé des formules toute faites pour lancer une carrière de faux opposant.
| Décodages & Inventaires |



Un récit initiatique | Selon Minoui, Zamanian (ci-dessus) vient de quitter la sordide prison d’Evine. Le « jeune homme fougueux épris de démocratie dans un pays dominé par la rigidité des lois religieuses » avait été enfermé dans une section secrète (« la section 209 ») pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Selon le récit officiel, il avait été arrêté le 21 avril 2007 alors qu’il passait à côté d’un groupe d’étudiants manifestant contre Ahmadinejad. En prison, il avait été torturé, mais n’avait rien révélé.

Déjà, le récit bat de l’aile. S’il avait été arrêté par erreur, pourquoi prétend-t-il avoir résisté lors des interrogatoires musclées de ses geôliers ? Il ne faut pas chercher un sens logique à ce récit contradictoire qui est fait de pathos et d’horreurs car son objectif est de créer un martyr vivant, un symbole.

Ce récit est toujours le même : arrestation injustifiée, détention dans un cachot éclairé 24h/24 par un néon aveuglant, sévices corporels [1], hémorragies internes, grève de la faim, perte de poids (d’environ 30Kg en moyenne [2]) et finalement une libération incompréhensible suivie d’interviews en cascade aux médias étrangers, au nez et à la barbe des mollahs qui d’un coup relâchent leur surveillance et laissent le « fougueux épris de démocratie » parler à qui il veut !

Hélas, nous connaissons bien ce récit : c’est la version actualisée de la soi-disant arrestation brutale et des soi-disant séances de tortures imposées à la première génération des faux opposants estudiantins (Batebi, les frères Mohammadi et Fakhr-avar). Ce récit déchirant est même désormais sous-titré et expliqué le plus explicitement possible afin que l’on ne rate pas son message.

Le discours politique | Minoui se charge du micro et Zamanian le dit lui-même. « Il veut raconter son histoire pour « témoigner que le mouvement étudiant iranien n’est pas mort » et précise : « il m’est impossible de faire marche arrière. Je suis devenu un symbole de la cause estudiantine. Je me dois de ne pas abandonner mes camarades. » Partant d’une arrestation par erreur, quelle belle carrière.

Quels sont les camarades défendus par ce héros désintéressé ? ceux qui sont anti-Ahmadinejad bien sûr ! Quelle cause est la sienne ? La démocratie et les réformes du régime !

Minoui nous affirme que pour résister à la pression de ses tortionnaires en prison, Zamanian « s’est réfugié dans ses souvenirs : l’espoir d’un changement, sous Khatami, en 1997, quand il était encore au lycée » ! Le jeune homme était sans doute précoce car au moment où Khatami faisait campagne pour les présidentielles, il n’avait que 10 ans, un âge tout indiqué pour aller au lycée !

Zamanian parle également de « sa désillusion à propos des réformes après les manifestations de 1999 » : il avait alors 12 ans ! Mais entre 12 et 22 ans, aucun événement n’a marqué notre héros ! Mais peu importent le contenu ou la chronologie, ce récit sélectif et empreint de pathos met en scène un jeune martyr pour promouvoir le retour politique non pas des réformateurs, mais des pragmatiques (comme Rafsandjani, selon la terminologie des médias français).

Le discours politique de ce Zamanian se résume à : « Ahmadinejad dictateur » ! Dans l’article, Minoui précise d’ailleurs que Zamanian faisait partie des étudiants qui avaient en janvier 2007 scandé « mort au dictateur » lorsque Ahmadinejad « leur fit l’affront de mettre les pieds sur leur campus ». Le problème est que conformément à la Constitution de la république islamique, le Président n’a aucun pouvoir et en cas de contestation, l’on doit égratigner Rafsandjani qui détient tous les pouvoirs politiques.

Derrière ce discours : deux objectifs | Mais le rôle de ces faux opposants n’est pas de pointer le doigt vers les responsables, mais d’aller dans le sens de l’attente du régime pour focaliser l’attention sur Ahmadinejad et justifier auprès des médias occidentaux le retour des soi-disant modérésCette mascarade avec des jeunes exposés au premier plan a pour objectif de recycler les vieux du régime.

Second objectif | Parallèlement, avec l’aide de journalistes comme Delphin Minoui, Marie-Claude Descamps ou Jean-Pierre Perrin, ces faux étudiants mono obsessionnels sont présentés comme les portes parole des masses opprimées. Le reste n’est qu’un jeu d’enfant. Ces fausses interfaces affirment ce qu’ils veulent et définissent les priorités.

Un exemple | Le nouveau chouchou de Minoui, Babak Zamanian affirme : « Malheureusement, la plupart de mes concitoyens subissent la dictature en silence, ils ont fini par se résigner (…) par peur de se voir confisquer leur permis de travail ».

Or, le problème n’est pas le retrait d’un permis de travail, mais les ouvriers non payés depuis des mois, le chômage, la pauvreté et ses conséquences comme la sous-alimentation ou encore l’obligation pour tous les membres du foyer y compris les enfants de travailler pour des salaires extrêmement bas... Le vrai Iran est très différent de l’image qu’en donnent ces soi-disant étudiants. Ces fausses interfaces qui jouent les portes parole du peuple ont pour mission de dévier le débat et tromper l’opinion internationale afin qu’il n’y ait aucun élan de solidarité envers le peuple iranien.

Babak Zamanian est certainement plus dangereux que Rafsandjani lui-même. Et nous devons son existence médiatique à Delphine Minoui qui est comme toujours impliquée dans toutes les opérations de désinformation du régime des mollahs. Mais elle n’est pas la seule. Elle a des alliés dans d’autres journaux qui répètent sa version des faits. Et peu importe leur couleur politique, leur discours est toujours le même, sans aucune nuance.

« Plus de démocratie » | Il y a trois semaines, Marie-Claude Descamps du Monde, en s’adressant à Ahmadinejad, lui proposait d’octroyer « plus de démocratie » aux iraniens. Pour conclure son article, Minoui cite son chouchou qui demande « plus de démocratie » pour les iraniens après avoir affirmé qu’il est personnellement contre la totalité régime !
Mais comment peut-on être contre le régime, mais encenser Khatami, malgré son bilan et son passé, et demander (encore) « plus de démocratie » ?

La réponse est qu’il ne faut pas chercher de logique dans ce discours. Zamanian joue un rôle d’interface pour communiquer certains messages : pour les besoins de sa mission, il se dit contre le régime (pour capter l’attention des médias), mais c’est pour mieux délivrer son message qui sous-entend que le régime est en voie de démocratisation et qu’il peut mieux faire !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Auteurs & Textes : Delphine Minoui |

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |

| Mots Clefs | Fléaux : Chômage |

| Mots Clefs | Fléaux : Pauvreté (et Disparité) |

| Mots Clefs | Violence : Etre Jeune en Iran ou violence contre les mineurs |

[1Récit de torture comparable aux récits d’Ahmad Batebi en 2000 | « Ils ont commencé à me tabasser, à me donner des coups dans l’abdomen. Mes mains étaient ligotées derrière mon dos. Je les ai insultés et je me suis retrouvé plaqué au sol. L’un d’entre eux s’est mis debout sur mon torse. Je ne pouvais plus respirer… Pour me taper, ils utilisaient des câbles, des fouets ». Un jour, ses bourreaux en viennent même à le forcer à rester debout, sur un seul pied, pendant 14 heures. « Dès que je perdais l’équilibre, ils me tabassaient de plus belle. » Un traitement « local » largement plus pénible que celui réservé aux binationaux, arrêtés au printemps dernier.
à propos de Batebi |

[2Minoui à propos de la grève de la faim de Zamanian | Sa grève de la faim, qui lui fera perdre 16 kg, ne parvient pas à amadouer ses interrogateurs. Au contraire. Face à son mutisme, ils finissent par l’enfermer, 24 heures durant, dans une chambre noire, aux allures de couloir de la mort. « Le sol était à la diagonale. Je devais m’agripper aux murs pour ne pas glisser. » Soudain, arrive le jour de la libération. Après lui avoir retiré son bandeau, ses bourreaux n’ont qu’une requête : qu’il les pardonne. « Hors de question. J’ai refusé. Je leur ai répondu qu’ils n’avaient rien compris à l’islam ! »
Autre exemple de Grève médiatique |