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Les ravages de la diplomatie française en Asie Centrale
17.08.2006 [ En réponse à l'article : «L'effroi de l'Iran et la mystique de l'imam caché» ]

Il y a peu nous publiions un excellent article du Figaro écrit par Mme. Thérèse Delpech, dans lequel l’auteur déclarait : «L'Iran fait peur sans la bombe, qu'en sera-t-il avec elle ?»



Une personne peu informée de la situation en Iran a malheureusement choisi cette même phrase pour commencer un article qui recommande encore et encore de s’entendre avec les mollahs. Et par un trait d’humour, son auteur, Semih Vaner, déclare : «L'Iran fait peur, semble-t-il. Il ferait peur déjà sans l'arme nucléaire, alors imaginez avec... », et Vaner ajoute : «La peur, mauvaise conseillère, est de l'ordre de l'irrationnel». Malheureusement, l’élément qui caractérise l’article de Vaner [1] n’est pas le rationnel.

La muflerie y a sa place. Dès les premiers lignes de son article, ce monsieur qui est d’origine turque se montre d’une muflerie incroyable à l’égard de Thérèse Delpech et il déclare : « Ne mourons pas toutes et tous, idiots, surtout si nous sommes dans la recherche universitaire et la presse. » Sans doute s’agit-il d’un autre trait d’humour.

Mais, l’élément qui caractérise l’article de Vaner n’est ni le rationnel, ni l’humour macho. L’article est avant tout truffé d’inexactitudes historiques et son auteur tente par tous les moyens de prouver des affirmations qui sont celles des thèmes développés par les Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde «turco-iranien».

Vaner est le directeur de ces fameux Cahiers d'études, un service de recherches universitaires au service de la diplomatie française dans cette région du monde. L’objectif des Cahiers d'études est de détruire l’Iran et la Turquie et créer des petits états vulnérables faciles à dominer par la France : le Kurdistan et l’Azerbaïdjan.

Le pétrole de la région du Kurdistan est l’une des motivations de cette diplomatie. Le pétrole du pays nommé Azerbaïdjan est une seconde motivation. La création de ces deux états ne convient pas forcément à la Turquie. La finalité des Cahiers d'études est de trouver le mode d’emploi plausible de ces transformations cartographiques sans heurter les intérêts Turcs.

Il est de ce fait indispensable que la Turquie devienne Européenne et de bonnes relations avec cette Turquie Européenne pourraient également assurer aux Français la garantie que leur « pétrole kurdo-azéri » s’achemine paisiblement vers la méditerranée. D’où l’appellation précise des Cahiers d'études, car si on se fie aux cartes actuelles, l’Iran ne fait pas partie du monde de la méditerranée orientale mais plutôt du Moyen-Orient, et cultuellement le lien entre un turc et un iranien est comparable au lien entre un français et un espagnol (mais dans ce cas précis, la création d’un état Basque n’est pas à l’ordre du jour).

Ces cahiers rémunèrent des mercenaires de plumes qui ont un «cahier des charges précis». Ce dernier est évidemment hostile à l’identité nationale iranienne et chante les louanges de l’identité Azérie, de la langue Azérie, de l’histoire Azérie : des concepts qui sont apparus sous l’impulsion des soviétiques pour des raisons énergétiques mais aussi pour créer des avant-postes d’accès de la Russie à la Méditerranée ou au Golfe Persique.

Les Français espèrent réussir là où les Russes soviétiques ont échoué dans les années 40 grâce au patriotisme des Iraniens et de la dynastie Pahlavi, qui avait créé une synthèse entre l’occidentalisme et la défense de l’identité Perse. Autre fait étonnant, les Cahiers dirigés par ce mercenaire de la France ne posent jamais la question dans le sens opposé :

Pourquoi un Iran libéré des mollahs, placé en trait d’union entre l’Asie Centrale et la golfe Persique ne deviendrait pas un pôle d’attraction pour les Républiques D’Asie Centrale, pour l’Azerbaïdjan et les kurdes qui partagent avec les iraniens un tronc commun historique et linguistique ?… L’Azéri et le Kurde sont des dialectes persans et le tadjik est du persan… [2]

Or, le propos des Cahiers n’est pas de créer une zone de stabilité pour le développement et l’ouverture de la région sur un espace laïque mais la création d’états soumis dans un espace traversé par des contre-courants religieux…

Dès lors que l’on possède ces clefs, l’article de Samih Vaner devient translucide et délivre ses messages subliminaux.

La volonté de ceux qui rémunèrent les Cahiers est de préserver des éléments précis afin d’empêcher l’Iran de s’émanciper des mollahs et devenir un pôle attractif. Ainsi les Cahiers rappellent sans cesse que l’Iran est chiite, que les mollahs sont les seuls à avoir une assise sociale ! Les Cahiers demandent à leurs chercheurs de ridiculiser la diaspora des exilés, promouvoir une lente transformation du régime de l’intérieur, de préférence à l’ombre des bonnes relations avec les états Européens. Vaner se charge aussi de rappeler l’existence «des questions azérie et kurde qui sont habilement occultées par les mollahs» et il explique par des considérations philosophiques qu’il faut se garder de succomber aux fantasmes.

Quand il s’agit de minimiser le danger que représente le régime et son programme nucléaire, Vaner, incapable de battre Thérèse Delpech par une argumentation géopolitique ou une contre expertise nucléaire ne fait pas appel au rationnel et ne trouve mieux que d’attaquer Thérèse Delpech avec ce qu’il considère comme de l’humour.

Dans le but de prouver que le régime des mollahs évolue, il entreprend d’expliquer le régime et les options qui s’offrent à lui mais étant donné qu’il doit éviter d’énumérer la possibilité d’un Iran libéré des mollahs et attractif, Vaner occulte la période précédant la révolution et non seulement il ne mentionne pas cette période de laïcité mais en plus il entreprend de l’accabler et à cette fin il prend un exemple qui démontre la qualité de son travail universitaire.

Ainsi, Vaner dit : «si le régime iranien est aujourd'hui aussi esseulé, la politique américaine dans la région n'y est pas étrangère. Comment demander aux Iraniens d'oublier l'épisode de Mossadegh en 1951, un tournant qui aurait pu être pourtant décisif dans la vie démocratique d'Iran du XXe siècle, et la réaction brutale de la CIA qui a vu dans la nationalisation du pétrole, une menace pour les intérêts américains ?»

Cher Monsieur, en 1951, les Etats-Unis n’avaient pas d’intérêts pétroliers en Iran et la nationalisation du pétrole n’a fait que détruire les intérêts énergétiques Britanniques en Iran. Les Américains au contraire y étaient favorables et soutenaient Mossadegh pour mettre fin au monopole énergétique des Britanniques en Iran. Fort de ce soutien, l’Iran aurait pu se libérer de la main mise britannique sur son pétrole et renégocier un accord intermédiaire mais par son obstination à vouloir marquer l’histoire, Mossadegh entraîna l’Iran et le monde au bord d’un gouffre économique et géopolitique.

D’un point de vue économique, l’Iran était étouffé par un embargo décrété par les britanniques qu’aucune compagnie n’osait briser. D’un point vue géopolitique, le Parti communiste iranien de Toudeh était prêt à renverser son allié Mossadegh et demander l’intervention militaire des Soviétiques. Ces derniers avaient amassé leurs chars à la frontière iranienne, laissant entrevoir la possibilité que l’Union Soviétique s’approprie le Golfe Persique et ses richesses pétrolières et ainsi modifie l’issue de la guerre froide…

Quand un pays (l’Iran) a 3000 Km de frontières avec les Soviétiques, son Premier ministre ne peut pas se permettre de s’allier à un parti communiste aux ordres de Moscou et de jouer au populiste pour sauver sa propre carrière.

Durant cette période, les salaires n’étaient plus payés et le peuple était excédé par Mossadegh. L’épisode Mossadegh est souvent utilisé par les Français pour expliquer l’anti-américanisme apparente des mollahs.

Or, d’un point de vue historique, cet argument est faux : en 1951, les américains étaient du côté de Mossadegh (lui-même allié des mollahs) et malgré ses facéties et ses alliances, ils le soutenaient et empêchaient ses adversaires de le renverser. En 1953, ils l’ont lâché et les forces nationalistes, effrayées par le spectre d’une invasion Russe, ont réagi à temps pour sauver l’Iran du soviétisme (le 20 Août 1953) et ils ont sauvé le monde de la main mise des soviétiques sur le golfe Persique et ses pays producteurs du pétrole. Les iraniens de cette époque connaissaient bien les russes qui avaient occupé l’Iran à plusieurs reprises.

L’argument du Mossadegh est un faux historique et un argument passéiste car il recycle un slogan des communistes résiduels post-Mossadegh et ne tient aucun compte de l’actuelle popularité des Etats-Unis parmi les iraniens. Cet argument serait risible à Téhéran, mais il est plausible à Paris, l’article de Vaner s’adresse évidemment aux Français pour leur expliquer le monde « turco-iranien » et non pas la réalité de l’Iran et la nostalgie ressentie par la troisième génération des enfants de la révolution à l’égard de la période bénie des Pahlavi. Le but de l’article est de « salir » cette période et le lier à l’occidentalisme américain très suspect en Europe.

C’est la limite des arguments sociologiques rationnels brassés par les Cahiers :

- Vaner regrette le passéisme des mollahs et explique leur anti-sémitisme par leur anti-occidentalisme !

Or, il y 80 ans, l’Iran des Pahlavi était pro-occidental et il y a 60 ans il sauvait des juifs persécutés par les nazis ! Alors pourquoi les Cahiers n’en parlent pas ? Nous l’avons dit et démontré, l’objectif de ces Cahiers est de détruire toute réminiscence, toute trace de cet Iran.

Il faut vendre aux Français un Iran attardé, rétrograde, anti-américain, qui prend sa place dans un monde turco-iranien musulman, un monde malade dont la cure sera l’émergence des micro états ethniques : tout ceci est une arnaque géante et nos amis kurdes et azéris sont encouragés à promouvoir leur propre perte pour préserver les intérêts énergétiques de l’Europe, de la Russie ou des Etats-Unis. Alors que l’Europe est en train de s’unifier, elle encourage la balkanisation du Moyen-Orient !

Bizarrement ce texte convient à tout le monde : les Kurdes et les Azéris y trouvent leur compte car on y fait référence à leurs droits nationaux ! Les mollahs sont ravis car on y prétend que l’avenir de l’Iran passe par la théocratie ! Les Turques jubilent : l’auteur cite la démocratie et la laïcité turque sans même un mot pour Atatürk, en laissant entendre qu’Erdogan est l’héritier logique de ce système !

Que dire de l’article de Samih Vaner : un chef d’œuvre de lobbying basé sur des faux historiques, il est mal intentionné et hostile à un espace Caspien laïque… dans la droite lignée d’un lobby bizarre qui cherche à donner de la légitimité aux mollahs et à l’entrée dans l’Europe de l’actuelle Turquie islamiste.

Notre verdict : il appartient à la famille d’Alexandre Adler.

Mission : détruire l’image d’un espace Moyen-Oriental laïque et islamiser le débat démocratique.

Principaux Bénéficiaires actuels : le régime des mollahs, la Turquie d’Erdogan et les tensions ethniques locales encouragées par ce genre d’études.

Principaux Bénéficiaires à terme : les compagnies pétrolières de cette région (Total peut-être ?)

Dangers de cette politique : Le principal danger est le renforcement dans l’immédiat du régime des mollahs et par conséquent le renforcement de l’Alliance Iran-Russie à un moment critique de l’histoire. Cette Alliance a des objectifs militaires, nucléaires et énergétiques très attractifs pour les états qui se décideront à le rejoindre. Le régime des mollahs et la Russie soutiennent également le Hezbollah et le Hamas. Ils entendent contrôler la Méditerranée et l’Afrique du Nord par l’intermédiaire des groupes islamistes proches de Téhéran et armés par les Russes. D’ores et déjà, les Algériens se rapprochent d’elle et ce mouvement se traduira par par une islamisation progressive du discours politique Algérien. La tendance se renforcera en s’étendant à la Tunisie et au Maroc

Pour en savoir + sur les dangers de cette politique Kurdo-Azérie de la France :
- Fédéralisme : L’Iran et l’Irak au bord du gouffre
- (22.12.2005)

L’influence de l’Alliance Iran-Russie sur la prolifération iranienne :
- La doctrine nucléaire de la République Islamique d'Iran
- (02.08.2006)

à propos d'Azerbaïdjan iranien :
- La doctrine nucléaire de la République Islamique d'Iran
- (24.05.2006)

| Mots Clefs | Zone géopolitique / Sphère d’influence : Caucase |

[2La langue Azéri (Âzari)... est une langue iranienne !


Dans la région de l’Iran appelée Azerbaïdjan, les habitants parlent l’Azéri (Âzari) qui est une langue iranienne turquisée (voir les notes) et qui n’a rien avoir avec les langues altaïques ou turciques. Il y a souvent une confusion sémantique entre la langue Azéri, les Azéris et l'Etat d'Azerbaïdjan (inventé par l'ex-URSS). Et en se basant sur ces confusions tantôt sémantiques,phonétiques et plus souvent politiques, l’Etat d’Azerbaïdjan épaulé par Ankara (et la France) revendique des territoires dont les habitants sont profondément attachés à l’Iran. Dans cette affaire l’Etat d’Azerbaïdjan est téléguidé par la Turquie qui a des visées territoriales dans cette région.


La Turquie a d’ailleurs créé un amalgame similaire entre les langues turques et la Turquie dans le but d’imposer son hégémonie sur toute la région Caspienne. La résistance et l’imperméabilité des Iraniens azéris à ces concepts nouveaux est un véritable obstacle à l’expansionnisme de la Turquie qui n’hésite pas à embrigader des groupes « indépendantistes panturques » composés de linguistes, d’écrivains ou d’historiens autoproclamés qui inondent l’espace culturel de textes ou de recherches qui tentent de prouver ces impossibles amalgames. Ces « pousseurs » sont très mal vus dans cette région et n’arrivent pas à susciter une adhésion populaire massive...