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Iran : La guerre est déclarée au Bazar !
30.09.2010

La grève a gagné du terrain au Bazar de Téhéran et les autres grandes villes du pays. Cela met le régime très mal à l’aise car il est arrivé au pouvoir grâce à une longue grève du Bazar qui a ainsi désoeuvré des millions de personnes pour les verser en colère dans les rues. Il a peur que ses partenaires occidentaux supposent que sa fin est proche et le lâchent, mais aussi que le peuple adhère au mouvement pour accélérer sa chute. Il tente d’endiguer ses diverses menaces en accusant les Bazaris d’avoir ruiné les Iraniens, il lui arrive aussi de minimiser l’affaire et faire état de sa solidité économique ou encore militaire… ! Les propos sont contradictoires, le régime semble dépassé face à la crise.



C’est la seconde fois que le Bazar, c’est-à-dire les commerçants et les négociants, entament une grève générale. Le régime attribue cette grève à la création d’une TVA, mais cela est lié au refus d’apaisement des mollahs vis-à-vis de Washington, aux sanctions financières que ce refus impose à l’économie iranienne et au plan de rigueur mis en place par le régime pour neutraliser les sanctions.

En effet, Washington prive les mollahs de leurs revenus en devises pour provoquer des pénuries afin que par peur d’émeutes susceptibles de provoquer leur chute, ces derniers acceptent de devenir ses alliés. Les mollahs, qui ne peuvent pas accepter car cela passerait par un transfert de tous leurs pouvoirs aux pions de Washington, ont tout simplement augmenté les prix pour faire baisser la consommation afin d’éviter les fameuses pénuries déstabilisatrices. Dans cette affaire, le peuple a perdu son pouvoir d’achat et le Bazar a perdu ses clients. Il pourrait disparaître si les sanctions et ce plan de rigueur absolu continuent. Pour sa survie, il doit mettre fin à ces deux menaces ou encore éliminer les sources de deux problèmes, et ces deux sources sont en fait une seule entité : le régime des mollahs.

Le régime semble dépassé car il est face à des gens qui n’ont pas le choix d’un arrangement, ils doivent entrer en conflit pour le renverser s’ils veulent survivre. En d’autres termes, le régime est agité car ce n’est pas une grève, mais le début d’une guerre (une révolution).

Les dirigeants du régime bégaient car le Bazar est un adversaire de taille. D’une part, il peut arrêter l’économie du marché et mettre 5 millions de personnes dans la rue créant les conditions nécessaires pour un soulèvement général et d’autre part, en raison de leurs liens historiques, il connaît par cœur les méthodes des mollahs !

Le seul atout du régime est que le Bazar est lui-même sans doute dépassé par la situation et ne se sent pas en mesure de lancer les offensives nécessaires pour vaincre, c’est-à-dire renverser le régime. Il pourrait mener à bien ce projet colossal si le peuple descendait en masse dans les rues. C’est pourquoi le régime a mis à profit l’inaction de son adversaire pour l’attaquer avec une punition, mais aussi une campagne pour le calomnier afin de remonter le peuple contre lui et ainsi empêcher leur unité.

Le premier coup du régime a été de viser les Bazaris à la bourse. Le régime a augmenté le taux iranien du dollar qu’il maintient artificiellement bas depuis des années à au moins 1/7ième de sa valeur réelle pour permettre aux Bazaris d’importer en toute aisance des produits étrangers avant de transformer leur brouette de recettes de Rials en des quantités astronomiques de dollars.

Dimanche, la grève avait atteint plusieurs grandes villes iraniennes : le taux du dollar a commencé son escalade lundi matin. Il est passé de son taux de base qui est de 10,000 Rials à 14,700 pour redescendre à 12,000, puis à 11,000 sans que l’on entende parler d’une intervention de la Banque Centrale Iranienne (BCI) qui doit intervenir immédiatement pour rétablir l’équilibre. On peut parler d’un avertissement ponctuel car dans le même temps, l’Euro, qui n’intéresse pas les Bazaris, n’a pas varié dans les mêmes proportions : ainsi pendant quelques heures, le taux iranien de l’Euro a été inférieur au taux iranien du dollar. Les choses sont devenues normales à la suite de l’intervention de la Banque centrale Iranienne car à la base le taux doit rester bas pour les mollahs et les Pasdaran qui sont eux-mêmes des commerçants et s’enrichissent directement ou via les membres de leurs clans.

Le second coup du régime datant du lundi 27 septembre a consisté à laisser entendre que les Bazaris grévistes roulaient pour le Mouvement Vert, la fausse opposition interne, afin de laisser les Iraniens supposer que tout ceci n’était qu’une mise en scène pour les faire manifester sous la bannière verte d’un mouvement islamiste pro-régime. Nous avions vu dans ce geste un choix hasardeux car le régime venait d’attirer l’attention internationale sur la contestation et offrir aux Iraniens une occasion en or pour descendre dans les rues afin de se faire entendre des Occidentaux.

Le régime lui-même a compris son erreur et a changé d’approche pour le lendemain. Le mardi 28 septembre, ses médias ou responsables n’ont plus parlé de la grève, encore moins de ses liens avec le Mouvement Vert. Les sites et les blogs de cette fausse opposition interne ont également cessé de parler de la grève et des variations du dollar. Ces sites ont même joint leurs voix aux médias officiels pour nier l’existence d’une grève générale. Ils ont parlé d’un conflit d’intérêt entre quelques commerçants et le ministère de l’économie à propos de la date de l’entrée en vigueur du nouveau système de TVA. Parallèlement à ces annonces uniformes, le régime a annoncé que tout était normal dans les Bazars et que les Bazaris étaient à plus de 90% fidèles au pouvoir. Le régime a fait état d’une petite agitation due au refus de « quelques commerçants corrompus qui ont volé l’argent des Iraniens pendant 30 ans et souhaitent continuer en s’opposant à l’entrée en vigueur d’un impôt utile pour la communauté ! »

Cette nouvelle approche est plus offensive pour trois raisons. Tout d’abord, elle tente de minimiser les faits. Ensuite, elle calomnie les Bazaris pour provoquer la haine du peuple qui vit sous le seuil de pauvreté. Et enfin, elle laisse supposer aux grévistes que le régime pourrait
bientôt arrêter une dizaine d’entre eux ! Le fait de ne pas communiquer les noms des « quelques commerçants » dont il est question est un élément délibéré pour l’intimidation des grévistes.

Cette seconde réponse du régime n’est pas non plus exempte de défauts. Tout d’abord, il n’est pas judicieux de nier la réalité d’une grève aussi visible et importante. Cette négation est la preuve que le régime n’a plus les moyens de forcer les Bazaris à reprendre le travail car il n’a pas le soutien de ses miliciens. Ensuite, chacun sait que les Bazaris ont bien profité du système, mais ils ne sont pas à l’origine des problèmes économiques : ces problèmes sont dus à la gestion très désastreuse des mollahs. Et enfin, si le régime menace d’arrêter des grévistes, il devrait le faire afin de ne pas perdre la face. De fait, des trois menaces, la plus efficace est l’insistance sur l’« affairisme impitoyable » des Bazaris et leur « manque d’intérêt pour le peuple depuis 30 ans. »

Le régime semble partager cette analyse, puisque après cette triple offensive conçue pour désorganiser le camp de ses ennemis, il est passé à une nouvelle tactique combinant la variation du taux de dollar et la calomnie.

Dans un premier temps, mardi après midi, le régime a fait grimper le dollar à 17,000 rials soit près du double de sa valeur deux jours plus tôt. Il a ainsi pris une option pour une très forte hausse des prix susceptible de diminuer encore plus les clients des Bazaris. Encore une fois, la BCI est restée en retraite pendant plusieurs heures pour laisser mijoter les commerçants. Mais cette fois, le régime ne s’est pas contenté de les laisser mijoter à petit feu, il a augmenté leur malaise en les accusant d’être à l’origine de cette hausse « pour s’enrichir sur le dos des Iraniens afin de faire le plein avant de plier bagages pour partir s’installer ailleurs ». Le régime a ainsi montré qu’il pouvait provoquer des hausses de prix qui arrangent ses plans en les faisant endosser aux Bazaris pour ruiner toute chance d’un soutien du petit peuple.

Le régime a tapé fort. Mais sa hausse vertigineuse du dollar a généré des rumeurs de manque de devises et de rupture des réserves de la Banque Centrale. Le régime a été obligé de renoncer à son bluff pour éviter qu’un vent de panique n’incite ses derniers alliés à le laisser choir. C’est pourquoi la Banque Centrale est réapparue pour faire baisser rapidement le taux à 11,000 Rials soit 10% de plus que son taux de base et pour se montrer encore plus fort, le régime a annoncé, dans un pur style Al Sahhaf, qu’il avait exporté sa première cargaison d’essence !

Du fait de cette reculade inattendue, l’avertissement sous-jacent du régime est tombé à l’eau et mercredi, la grève s’est accentuée notamment à Tabriz. A Téhéran, les marchands d’électroménager et de montres du Bazar et hors Bazar ont également rejoint la fronde. Cela n’a donné lieu à une aucune grosse hausse du dollar, uniquement un bond de 10%. Après la panique semée par le coup trop fort de la veille, le régime semble avoir classé le yo-yo du dollar parmi ses solutions à haut risque susceptibles de dégénérer pour devenir contraire à ses intérêts. Il a sans doute des infos qui l’invitent à jouer la carte de la prudence.

Bref, rien ne va plus entre le Bazar et les mollahs, mais personne ne bouge pour l’instant. Les deux camps restent dans l’expectative en l’absence d’une adhésion populaire ou par la peur de la provoquer.

Nous avons cependant bon espoir que les choses évoluent car le régime n’est pas revenu au taux de base de 10,000 Rials pour un dollar. Il semble vouloir profiter des hausses de taux de ces derniers jours pour provoquer de nouvelles hausses des prix sans en assumer la responsabilité. Certes le régime ne manquera pas d’attribuer ces hausses au Bazar, dans les faits par ce choix pragmatique et nécessaire, il s’apprête à mettre le peuple dans une situation difficile qui peut dégénérer.


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Pour en savoir + :
- Iran : Le Bazar est en grève dans 5 grandes villes !
- (28 SEPTEMBRE 2010)

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| Mots Clefs | Résistance : Menace contre le régime |

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

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