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Iran : Les leçons de Genève 2
02.10.2009

Il y a deux jours, un site français du nom de Bakchich assurait avec une certaine jouissance l’annonce d’une entente tenue secrète pendant la rencontre du 1er octobre à Genève. Elle devait concerner la livraison à l’Iran d’uranium enrichi à 19,7% pour un réacteur de recherche en échange de la suspension de l’enrichissement en Iran. La rencontre eut lieu mais sans l’entente annoncée. Téhéran a rappelé son attachement à l’enrichissement. C’est l’occasion de décortiquer cette offre presque dans la poche qui n’a pas fonctionné.



Le site d’info Bakchich fonctionne comme le Canard Enchaîné : il diffuse des informations que le Quai d’Orsay et le gouvernement français veulent diffuser sans que cela soit explicitement confirmé officiellement. Les responsables de ce genre de presse ont toujours un ton jubilatoire du petit garçon qui a trouvé un trésor avec son détecteur de métal réclamé au Père Noël. L’analyse des documents passe à la trappe. Ainsi, cette semaine en même temps que Bakchich a diffusé la copie d’un document confidentiel (tu parles) du Quai d’Orsay, son illustre aîné, le Canard Enchaîné, a fait état du scoop du siècle, à savoir les 10% de part de l’Ian dans le projet Eurodif. Derrière les deux informations « non officielles », il y avait un seul objectif : préparer l’opinion pour une future entente avec Téhéran.

D’une part, le Canard Enchaîné affirmait que l’Iran avait droit à des livraisons françaises d’uranium enrichi, et de l’autre, Bakchich devait expliquer les détails de l’arrangement en se basant sur un document confidentiel daté du 14 septembre et émanant de la Direction des Affaires Stratégiques et de Désarmement du Quai d’Orsay.

On y apprenait qu’en réponse à une demande iranienne d’être autorisé à enrichir de l’uranium à 19,7% pour disposer du combustible pour le seul réacteur iranien de recherche, Washington avait proposé que Téhéran livre 1200 Kg de sa réserve d’uranium enrichi à 3,5% à la France pour que ce pays se charge de l’enrichissement à 19,7% et livre à l’Iran le combustible dont il a besoin. Les parties auraient ainsi travaillé ensemble : Téhéran faisant preuve de transparence et Washington de sollicitude à l’égard du besoin exprimé par Téhéran de lui faire confiance.

Le hic est qu’à Genève, cet accord, qui selon les sources officielles de Bakchich avait déjà été signé à New York en marge de l’assemblée Générale de l’ONU, n’a pas finalement été confirmé par les mollahs. Pour comprendre ce refus, il convient d’abord de comprendre l’offre.

analyse de l’offre | Le mot-clef de la proposition était un chiffre. Pour menacer Téhéran de nouvelles sanctions, Washington avait récemment affirmé que Téhéran avait suffisamment d’uranium faiblement enrichi pour se lancer dans un enrichissement à plus haute dose pour parvenir à une bombe nucléaire. Ce volume était de 1200 kg. Téhéran n’avait pas flanché devant l’intimidation. Washington s’était alors retrouvé en position d’adopter de nouvelles sanctions très lourdes contre les mollahs, ce qu’il ne veut pas car il ne doit pas les renverser mais parvenir à une entente stratégique avec eux. Cette entente est vitale pour les Etats-Unis car elle lui accorderait un accès sécurisé à l’Asie Centrale et aussi lui permettrait de commander les islamistes de cette région pour les embrigader contre la Chine et la Russie. En retirant à l’Iran ces 1200 kg d’uranium supposé dangereux, Washington allait se libérer de la nécessité de sanctionner Téhéran pour apaiser les inquiétudes des citoyens Américains.

Téhéran a compris le sens caché de cette approche et il a conclu que Washington était prêt à tout pour aboutir à une entente. Conformément à ses habitudes, à la dernière minute, il a refusé de confirmer l’arrangement révélé par Bakchich. Pour être plus précis, Téhéran a accepté un « accord de principe » sur le combustible, mais sans accepter la suspension de ses activités nucléaires.

analyse de cette réponse | Cette réaction des mollahs est fort compréhensible. Ils souhaitent faire monter les enchères. Au cœur de cette approche se retrouve le prix exigé par Téhéran pour accepter l’entente bilatérale décisive pour l’avenir des Etats-Unis. Ce prix est le droit de disposer d’un Hezbollah armé pour demeurer le leader virtuel de la rue arabe. Dans cette position, Téhéran peut à tout moment déclencher des mini-conflits contre Israël, conflits surtout conçus pour déstabiliser les Alliés arabes des Etats-Unis.

Depuis toujours, Washington estime que ce prix est très élevé et surtout contraire à ses intérêts dans la région, pour s’en dispenser, il sanctionne Téhéran et régulièrement, il menace de renforcer ces sanctions.

Quand, cette semaine, Washington a opté pour ce stratagème très complexe pour retarder les nouvelles sanctions (désormais repoussées à fin novembre ou fin décembre), Téhéran a estimé qu’il pouvait faire languir son interlocuteur pour obtenir gain de cause. Il a alors insisté sur son droit inaliénable à l’enrichissement et il a aussi parlé en porte-parole de la rue arabe. Pour le détail hier à Genève, Jalili, le négociateur iranien, a accaparé le temps pour exposer dans les moindres détails le paquet de propositions du régime des mollahs.

Cependant, Jalili avait bien conscience que sa marge de manœuvre était limitée car une intransigeance catégorique aurait été jugée inquiétante pour l’opinion américaine et dans ce cas, l’administration Obama se serait retrouvée dans l’obligation d’adopter ces nouvelles sanctions qu’il avait promises pour intimider Téhéran. C’est pourquoi après le rappel de ses exigences, il s’est bien gardé de remettre en cause l’offre américaine (il aura le temps de le faire par la suite). Dans le même registre de reculades tactiques, il a également confirmé l’inspection déjà promise du second centre d’enrichissement qui est un bâtiment vide et enfin il a convenu d’une autre rencontre fin octobre.

conclusion | En fait, concrètement le régime des mollahs n’a rien concédé, rien promis. Il a aussi gagné un mois. Il s’en félicite sans doute. Il a néanmoins confirmé que chaque négociation n’était qu’un défi ponctuel pour lui.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG
Aucune négociation constructive ne sera possible avec ce régime.

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Pour en savoir + sur le sujet :
- Iran : Le régime fait front car il craint les sanctions
- (30 SEPTEMBRE 2009)

| Mots Clefs | Institutions : Diplomatie (selon les mollahs) |
| Mots Clefs | Nucléaire 2 : DROIT à l’enrichissement et Maîtrise du cycle |
| Mots Clefs | Nucléaire : Politique Nucléaire des mollahs |

| Mots Clefs | Décideurs : P5+1 (les Six) |
| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions (du Conseil de Sécurité) |