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Iran - économie : Une monnaie de singe nommée chèque-billet
22.08.2008

Le régime des mollahs a annoncé le lancement du « chèque-billet », sorte de traveller’s chèque à l’usage national pour lutter contre la dévaluation et le nombre grandissant de coupures. Cette annonce est partiellement fausse ; ce projet avait déjà été lancé en catimini au début de l’année 2007.



Il faut préciser que 85% des iraniens ont un salaire inférieur à 300 dollars (salaire d’un cadre supérieur dans le secteur bancaire). Ces iraniens-là vivent sous le seuil de pauvreté qui est actuellement de l’ordre de 800 dollars mensuels. Ces iraniens-là dont une écrasante majorité gagnent 150 dollars par mois ne sont pas concernés par le problème du nombre envahissant des coupures pour leurs achats quotidiens. Leurs achats quotidiens sont plutôt limités.

À côté de cette masse d’iraniens démunis, ceux du régime ont un train de vie élevé. Ceux-là, politiciens, mollahs, pasdarans, bazaris, journalistes ou « artistes » liés au régime ainsi que leur famille sont accablés par la dévaluation et le nombre des coupures en circulation. Un billet de 10,000 rials de l’époque du Chah donne aujourd’hui un pouvoir d’achat de 40 rials.

Il faut donner beaucoup de billets pour acheter peu de choses et encore plus de billets pour ceux dont les dépenses sont élevées. Pour satisfaire les siens et surtout leur éviter de transporter trop de coupures dans ce pays où la disparité est grande et source de criminalité, le régime a annoncé en 2007 le lancement d’une nouvelle coupure plus forte pour juin 2008 et aussi la création d’une nouvelle catégorie de monnaies : le chèque-billet ! Il s’agissait de généraliser et dérégulariser l’usage d’un procédé bancaire très strict qui avant la révolution était utilisé à quelques rares occasions par les entreprises.

Le chèque-billet des mollahs était annoncé comme une sorte de traveller’s chèques (non endossable) à montant libre (au choix du client) que l’on peut qualifier de billet privé adaptable pour les gens de la haute.

La coupure prévue pour juin 2008 était un leurre. Quand en décembre 2007, le régime a annoncé la mise en circulation prochaine du chèque-billet, cette monnaie était selon l’actuel aveu du régime déjà en circulation depuis mars 2007 (date d’application des premières sanctions américaines) !

Ahmadinejad affirme aujourd’hui que l’opération avait commencé à déraper au moment où la Banque Centrale changeait de directeur (en juillet 2007). Toujours est-il que les multiples banques (publiques) du régime (qui sont dirigées par les mollahs et les Pasdaran comme si elles étaient leurs propriétés privées) ont eu le droit d’émettre chacune leurs propres billets-chèques à montant libre (et non endossable, c’est-à-dire utilisable comme un billet) !

La politique de la planche à billets en vigueur depuis la révolution islamique a été libérée et généralisée : chaque établissement émettait les fameux chèques-billets sans aucune précaution, les chèques émis n’étaient prélevés ni sur les comptes des clients ni sur les réserves des banques.

Les banques étaient ravies, les faussaires aussi comme les employés de banque qui revendaient les liasses de chèques-billets (vierges) sur le marché noir presque toujours avec l’accord de leur direction. L’argent coulait à flot d’une manière inexplicable et le régime l’attribuait à de soi-disant revenus pétroliers !

Selon un article du quotidien Keyhan paru sur le site économique Aftab, quand en décembre 2007 le régime a annoncé le lancement prochain de ce produit, la masse des chèques-billets en circulation depuis 6 mois était déjà de 12 milliards de dollars contre 6 milliards pour les billets et pièces émis par la banque centrale !

On comprend pourquoi la banque centrale a par la suite renoncé à émettre de plus grosses coupures, les chèques-billets à montant libre les rendaient inutiles. Cependant, le constat est terrible : avec des chèques-billets d’un volume double de la monnaie officielle, 66% des échanges du pays -270 milliards de dollars en décembre 2007- se faisaient avec une monnaie de singe émise illégalement sans aucun fonds de garantie !

Ayant plus d’attrait que la vraie monnaie, le chèque-billet est devenu un cancer en métastase au point que finalement samedi dernier, la banque centrale iranienne a mis fin à cette aventure en annonçant qu’elle se réservait le droit d’émettre des chèques-billets !

Depuis cette annonce, aucun site pas même Tabnak (à qui nous devons l’interview détonante sur la non-solvabilité du régime) ou encore Aftab n’a osé reproduire les chiffres sur la masse exacte des chèques-billets en circulation et la part du marché qu’ils contrôlent. Avec une augmentation constante d’au moins 42% de la masse monétaire et l’attrait des milieux d’affaire pour cette monnaie sans contrainte, on peut craindre le pire.

Pour y remédier, le régime emploie sa méthode favorite : tourner la page et effacer les données. Les chèques-billets, c’est de l’histoire ancienne, comme les grosses coupures promises, place à l’Iran-chèque !

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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Cet Iran-chèque (ci-dessus) est ni plus ni moins un nouveau billet (mais à tirage limité : quelques milliers d’exemplaires) d’un montant fixe de 50 dollars à l’effigie du Mausolée doré de l’Imam Reza et estampillé « Banque centrale de la république Islamique d’Iran ». Une seconde coupure de 100 dollars est même annoncée à l’effigie des ruines de Persépolis et elle risque de vite faire oublier le premier Iran-chèque !

La décision de la banque centrale a déplu aux patrons des banques émettrices de chèques-billets : ils boycottent depuis 5 jours les liasses d’Iran-chèques émises par la banque centrale et dans ce pays ravagé par l’hyper-inflation, il y a en ce moment une pénurie de liquidités !

Le régime est dépassé et il recommande à ses clients les plus pressés d’utiliser les systèmes de règlement brut en temps réel (RBTR en français, Target en européen et RTGS en anglais [1]) en attendant de se rendre à la banque centrale basée à Téhéran. Mais les clients habitués à la frime et la facilité des montants libres des chèques-billets boudent ce mode de paiement sécurisé dont les opérations sont plafonnées à seulement 1000 dollars ! En plus, cette opération instantanée dans d’autres pays prend de 10 à 40 minutes en Iran. Bref, c’est la cata.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Par ailleurs, si le régime ne donne pas le statut de billet à Iran-chèque, sa motivation est d’ordre politique. Avant la révolution dans les années 70, quand la monnaie iranienne était jumelée au dollar, le salaire d’une infirmière était de 30,000 rials et le plus gros billet iranien était celui de 10,000 rials. Il n’y avait pas de billet plus fort que le salaire de base d’un fonctionnaire. En émettant des vrais billets dont les montants sont proches du salaire de base des fonctionnaires (150 dollars), Téhéran reconnaîtrait l’échec de la révolution. C’est pourquoi il se cache derrière la facilité des chèques-billets en nombre limité pour approvisionner le marché en liquidité selon les besoins.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

Le système économique des mollahs :
- L’économie iranienne et le dernier choix des mollahs
- (29 décembre 2006)

La situation actuelle :
- Iran : Risques très élevés pour les investisseurs, selon la Coface
- (19 AOÛT 2008)

Le nouveau dada des mollahs :
- Iran : Privatiser les richesses nationales pour survivre

- (14 septembre 2007)

A la recherche de vrais dollars !
- Comment l’Iran compte doper les investissements étrangers
- (1ER JUILLET 2008 )

| Mots Clefs | Instituions : Politique Economique des mollahs |

| Mots Clefs | Enjeux : Sanctions Ciblées en cours d’application |

| Mots Clefs | Fléaux : Chômage |

[1Le système de règlement bruts en temps réel est un système de paiement interbancaire. C’est un système où s’effectuent les paiements de gros montants ou de paiement urgents. Les paiements sont effectués uniquement par virement. Les ordres de paiement sont acceptés immédiatement, un par un, en temps réel, si tant est que l’entité émettrice dispose du solde nécessaire sur son compte ou du financement dans sa banque centrale. C’est un système de paiement décentralisé basé sur des infrastructures déjà existantes dans chaque pays membre, et sur un système de comptes de correspondance entre les banques centrales nationales.