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L’Iran et le forcing nucléaire Russe
02.11.2006

La Russie a invité mardi tous les pays désirant développer l’usage civil de l’énergie nucléaire à rejoindre son projet de centres internationaux d’enrichissement d’uranium, pour en devenir actionnaire. | Décodages |



« Tout pays participant sera actionnaire (de l’entreprise d’enrichissement), aura droit aux profits et à des livraisons de combustible garanties », a déclaré Kirienko, chef de l’Agence russe de l’énergie atomique (Rosatom).

« La seule chose à laquelle il n’aura pas droit sera l’accès aux technologies militaires », a prévenu le farceur russe. Nous n’avions vu dans ce projet qu’un alibi pour prouver la bonne foi des Russes concernant leur livraison de combustible nucléaire aux mollahs et voilà que l’affaire est en passe de se transformer en une joint-venture Iran-Russie, avec l’aimable participation du Kazakhstan en tant que fournisseur de matière première.

En réalité, les Russes tentent un forcing. Les événements viennent de confirmer qu’ils avaient raison de s’inquiéter. La Chine a fait front commun avec les Etats-Unis et contre la Corée du Nord qui jusque-là avait toujours pu compter sur la Chine et la Russie. Dès nos premières analyses au lendemain de l’essai nucléaire Nord Coréen, nous avions affirmé que la solution viendrait de la Chine. Cette tendance était devenue évidente dès le mois de mai 2006.

Depuis les Russes et les Chinois n’ont cessé de s’éloigner à propos de sujets stratégiques. Le faux-bond Chinois affaiblira surtout la Russie dont l’ombre se profilait derrière la dernière crise Nord Coréenne et qui n’a cessé d’invoquer le droit international pour protéger la Corée du Nord d’éventuelles sanctions quand ces dernières n’avaient pas encore été adoptées.

Le ralliement de Pékin à Washington est un camouflet pour Moscou dont les marges de manœuvre se réduiront : la Russie ne peut accepter d’être isolée et doit s’aligner sur les deux autres et nous voyons d’ores et déjà des signes avant-coureurs d’un ralliement non désiré sur le dossier nucléaire iranien.

Avant même l’annonce du retour inconditionnel de leur protégé Nord Coréen à la table des négociations, les Russes ont réagi à temps pour se donner les moyens de sortir de cette impasse sans pour autant renoncer à leurs projets stratégiques pour le régime des mollahs et la dictature Nord Coréenne.

Les Russes tentent toutes les pistes et la plus sobre est ce forcing diplomatique pour transformer le projet d’une banque internationale de combustible nucléaire en une usine multinationale de production de matière nucléaire.

Une usine privée qui ne serait pas obligée de rendre des comptes sur les demandes de ses actionnaires majoritaires. Cette usine ne peut offrir aucune garantie d’interdiction d’accès au savoir faire nucléaire militaire à un de ses actionnaires majoritaires.

« Nous menons actuellement des consultations avec l’AIEA pour déterminer sous quelle forme la société doit être sous contrôle de l’AIEA », a ajouté Sergueï Kirienko.

Ce projet semble également un appel de pied à tous les états désireux de se nucléariser sans pour autant rendre compte de leurs activités à l’AIEA : les activités sujettes à préoccupation seront délocalisées et prises en charge par la Russie. Dès à présent on constate que de nombreux pays sont intéressés par cette offre que nous avions qualifiée de dangereuse quand elle avait été formulée par la Russie comme une solution à la crise iranienne.

Il est vrai que cette offre ressemble à Eurodif, mais la différence est dans la nature politique de la république Française et le régime post-communiste Russe. Nous avions alors reproché à la France de se montrer complaisante vis-à-vis du projet Russe en soulignant que l’état français espérait glaner quelques contrats de nucléarisation clé en main en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Cependant, nous constatons que la Russie réussit mieux dans ce domaine car elle peut offrir de nombreux avantages à ses partenaires. La Russie est un très grand producteur pétrolier, une super-puissance nucléaire et le plus grand fabricant exportateur militaire au monde : Elle peut être un partenaire de choix en cas de conflits d’intérêts opposant ses futurs partenaires aux Etats-Unis.

Aujourd’hui l’Egypte est très tentée par la technologie Russe plutôt que la technologie Française pour le redémarrage de son projet nucléaire (civil). Il est presque certain que le Venezuela choisirait la Russie s’il décidait d’en faire autant. Il est pratiquement prouvé que les Russes aimeraient comme l’autre superpuissance établir des liens très serrés avec leurs partenaires nucléaires et de nombreux états sont sensibles aux offres globales Russes qui sont également très bon marché et d’une qualité comparable dans le domaine militaire.

La revanche de la Guerre Froide

« L’offre nucléaire sous la protection Russe » est un appât pour reconstituer un réseau d’alliance pour la Russie qui rêve de retrouver sa place de super-puissance d’importance égale aux Etats-Unis. Nous sommes dans une logique de revanche de la Guerre Froide et il semblerait que pour les Russes, un retour aux conditions de la Guerre Froide soit une condition nécessaire assurant leur come-back et leur victoire.

Durant la Guerre Froide, les deux blocs s’opposaient par états interposés, mais à cette époque, le terrorisme en était à ses premiers balbutiements. Les Russes avaient inauguré le genre en apportant un soutien militaire aux groupes palestiniens et en les encourageant à s’identifier à l’Islam. Depuis l’avènement de la république Islamique en Iran, le terrorisme s’est fortement développé et des groupes terroristes démontrent toujours plus leur supériorité sur les forces militaires conventionnelles.

Il existe aujourd’hui deux formes de dissuasion non conventionnelle, l’une majeure et l’autre mineure : le nucléaire et le terrorisme. Ce dernier est même en phase de phagocyter le premier en se préparant à des frappes combinant l’utilisation des armes biologiques ou nucléaires contaminantes qui détruiraient un site économique majeur [1]. De telles attaques susciteront des ripostes atomiques, mais si par un concours de circonstances une telle riposte devenait impossible, la menace terroriste deviendrait de facto une seconde dissuasion majeure voire la principale. La seule chose qui peut désactiver une riposte nucléaire est la prolifération sauvage, elle anéantira la dissuasion nucléaire à 5 et partagera à nouveau le monde en 2 blocs (ou plus exactement 2+1).

L’équation des rapports de force changera et imposera de nouvelles règles (le conflit Israélo-Palestien sera affecté, les affaires comme les caricatures danoises auraient d’autres évolutions). L’équation des rapports de force changera radicalement.

Nous ne serons pas nécessairement dans une logique d’utilisation de l’arme nucléaire ou du terrorisme nucléaire mais dans une logique d’intimidation sans limite qui sera très certainement utilisée par les états fortement nucléarisés et les états qui financent le terrorisme. Il serait plus judicieux de ne pas utiliser le pluriel : Il existe un état qui possède le plus grand nombre de têtes nucléaires et un seul autre état qui finance plus de 30 groupes terroristes intégristes dont le Hezbollah, le Hamas et l’Al Qaeda Irakien. Ces deux états, la Russie et le régime des mollahs en Iran, comptent coopérer dans le domaine nucléaire au sein d’une co-entreprise d’enrichissement nucléaire. Cette coopération dépasse largement les limites d’une entente économique. Alliés, ces deux états seront capables de peser sur le Moyen-Orient et l’Asie et détenir un droit de regard sur le transit du pétrole vers l’occident.

Si cette société privée de production de l’uranium enrichi voyait le jour, nous serions face à une nouvelle crise avec les mêmes acteurs (Iran, Russie) mais dans une distribution légèrement différente. Quiconque émettra l’idée de vouloir joindre cette co-entreprise sera à surveiller de très près. La solution : éliminer l’un des deux principaux acteurs de cette coalition.

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Pour en savoir + sur l’importance d’un régime stable et pro-occidental en Iran :
- Quel est le véritable enjeu de l’Iran après cette crise ?
- (26.05.2006)

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« Nous avons besoin d’un Occident fort, mais vous avez aussi besoin d’un Iran fort… Imaginez les bouleversements au Moyen-Orient si... », le Shah d’Iran en 1978 (document vidéo).

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[1Le régime des mollahs n’aura pas une dissuasion basée sur la qualité ou la puissance de sa bombe mais sur la qualité de l’attaque qui sera une attaque terroriste : par exemple une bombe à plutonium qui explosera à bord d’un avion civil. Une attaque de ce genre défierait toute sorte de système de défense ou de détection de tir de missile balistique. Une attaque de ce genre permettrait de détruire plusieurs cibles dans différents endroits en même temps et en plus, l’état iranien ne serait pas inquiété car l’attaque ne serait pas lancée depuis l’Iran. Telle est la dissuasion des mollahs : la combinaison du nucléaire et du terrorisme de type 11 septembre.