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L’Iran et la Russie profitent de la cécité de l’occident
15.10.2006

Le ministère russe de l’Energie et de l’Industrie a annoncé samedi un projet de loi visant à limiter les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques de l’économie russe, notamment dans celui de l’énergie. | Analyse |



Le projet de loi définit les secteurs stratégiques de l’économie russe : la technologie concernant la sécurité, la production d’armes, la construction aéronautique, l’espace, le nucléaire, les ressources naturelles et minières.

Cependant, les Russes laissent planer le doute quant à la rigidité de cette loi et promettent que les investisseurs étrangers pourront obtenir des permissions spéciales d’investissement dans ces secteurs. Mais les demandes seront soumises à l’approbation d’un comité gouvernemental chargé des investissements dans les secteurs stratégiques ! Et ce comité leur répondra dans un délai de trois mois… Il aurait été plus simple de dire que l’état Russe refuse l’investissement des grandes compagnies pétrolières en Russie mais cette mauvaise littérature bureaucratique est destinée aux compagnies déjà présentes en Russie et à ceux [1] qui se félicitaient de la réciprocité du partenariat énergétique avec la Russie.

L’appellation « stratégique » est explicite. La Russie considère ses exportations gazières ou pétrolières comme des éléments de sa sécurité nationale, autrement dit ce pays considère ses ressources comme une arme. Mais le plus grave est que la Russie est le premier état à utiliser ouvertement cette appellation pour le pétrole. De ce fait, les réserves pétrolières iraniennes sont également considérées par les Russes comme des éléments stratégiques. Dans cette optique, leur objectif sera de s’entendre avec les dirigeants de ce pays ou de les neutraliser par tous les moyens. La déclaration Russe confirme nos doutes quant à la recherche par l’état Russe d’un Cartel d’états producteurs et exportateurs d’hydrocarbures qui auront des intérêts communs dans les secteurs stratégiques tels que définis par l’état Russe.

Le principal client des hydrocarbures russes étant l’Europe, cette nouvelle doctrine stratégique concernera en premier chef l’Europe et ses intérêts vitaux où qu’ils se trouvent. Il y a d’un côté des intérêts stratégiques et de l’autre des intérêts vitaux. La Russie se définit par ses intérêts stratégiques et combine sa force de frappe nucléaire (16000 têtes) avec sa capacité énergétique. C’est pourquoi l’Europe ou l’un de ses composants ne pourra jamais devenir un allié stratégique de l’Iran alors que l’Iran sera invariablement un de ses fournisseurs vitaux.

Il est remarquable de voir avec quelle « intelligence » la Russie a manœuvré en douceur pour revenir au premier plan international. Elle y est parvenue avec une combinaison de méthodes archaïques ! Alors que la Chine et l’Inde se sont lancées dans la rénovation industrielle ou technologique pour devenir les géants du XXIe siècle, la Russie s’est gardée de se disperser en restant concentrée dans les domaines où elle excellait : le nucléaire et l’armement. Elle a gardé les mêmes vieilles méthodes soviétiques basées sur les Renseignements et l’aide militaire aux groupes ou états subversifs. Parallèlement elle a intelligemment continué sa stratégie de production d’armes qui était de produire au cas par cas des armes capables de contrer une arme précise de l’arsenal américain. La Russie d’aujourd’hui n’est que l’URSS délestée de ses pays frères qui étaient des boulets pour elle. On se demande si le démantèlement de l’URSS n’était finalement qu’un sacrifice consenti et même encouragé pour se libérer d’un poids mort et passer ses états handicapant à ses adversaires.

Cependant, la Russie a perdu également les pays d’Asie centrale qu’elle essaie de récupérer ou contenir alors que l’on ne voit pas le même empressement pour reprendre les pays baltes ou la Pologne. Cette réflexion cynique nous conduit à poser la question de l’utilité des instituts de recherches stratégiques ou Think Tanks qui ont négligé si maladroitement l’étude de l’effondrement du Bloc de l’Est et n’ont même pas été capables d’anticiper un tel renouveau. Cette cécité ne se limite pas à la renaissance atypique de la Russie.

Ces mêmes éminents chercheurs se sont trompés sur les Réformateurs iraniens et s’apprêtent à recommencer les mêmes erreurs avec les dissidents. Cependant, la Russie que nul n’avait vue venir a métamorphosé son environnement en l’espace d’un an, étrangement l’année durant laquelle l’Europe a donné des délais sans cesse renouvelés au régime des mollahs. Il y a encore peu de temps, Dominique Moïsi [2], un chercheur régulièrement invité sur tous les plateaux des télévisions, nous livrait son verdict sur la Russie. D’autres n’ont même pas daigné aborder le sujet car la Russie leur semblait si diminuée, si irrécupérable ! Quelle cécité !

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir +
- Derrière l’Iran, la Russie attend son heure de retour
- (30.05.2006)

[1Ceux qui se félicitaient de la réciprocité du partenariat avec la Russie : Chirac et Merkel ! | Du Real Politik au Sommet Chirac-Poutine-Merkel | 23.09.2006

[2Dominique Moïsi | Dans ce « monde aplati » de la globalisation, pour emprunter la puissante métaphore de Thomas Friedman, il semblerait que la Russie n’ait plus aucun rôle. La Fin du débat Russie-Chine | 22.12.2005