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Iran-Russie : Sanctions à contre-coeur
29.04.2010

Très récemment, la Russie a pris verbalement position en faveur des sanctions contre l’Iran avant de cesser les activités du pétrolier russe Lukoil en Iran. Mais par la suite, elle s’est dite contre les sanctions. Le 20 avril, le Figaro a publié les points de vue de 2 experts russes en relations internationales qui se veulent d’avis divergents sur la nécessité de nouvelles sanctions, mais sont néanmoins tous les deux plutôt mitigés quant à leur efficacité pour empêcher les mollahs d’accéder à la bombe nucléaire. Le message russe semble brouillé, mais il ne l’est pas si l’on place les propos dans leur contexte géopolitique.



Que compte faire la Russie dans la crise nucléaire iranienne ? Pour le savoir, on ne peut se fier aux deux articles délibérément cafouilleux parus dans le Figaro pas plus que l’on pourrait se fier aux diverses déclarations des dirigeants russes sur l’Iran car tantôt ils sont en faveur des sanctions et tantôt contre. On peut cependant, en comparant les déclarations faites aux mêmes moments par les dirigeants américains, constater que les Russes sont toujours d’avis opposés à leurs collègues américains. Quand les Américains sont pour les sanctions, les Russes sont contre, à l’inverse quand les Américains parlent d’apaisement ou de dialogue, les Russes rappellent qu’ils ne faut pas mettre de côté le recours aux sanctions.

Cela est dû au fait que la crise nucléaire iranienne est avant tout une guerre d’usure économique de l’Amérique contre les mollahs pour affaiblir ces meneurs du monde musulman et les forcer à devenir ses alliés, alors que par leur anti-américanisme, ils sont les alliés par défaut de la Chine et la Russie. Washington malmène les mollahs pour les forcer à devenir ses alliés ce qui nécessite des sanctions, mais aussi du dialogue pour proposer un arrangement. C’est ainsi que des rapports d’experts faisant état de menaces iraniennes justifiant le maintien des sanctions succèdent à d’autres rapports qui nuancent ces menaces pour écarter l’urgence de mesures plus fortes afin de permettre à Washington d’envoyer ses émissaires vers l’Iran avec des offres d’arrangement. C’est un système de régulation particulièrement intelligent qui permet à Washington de calmer le jeu dans ses accusations contre les mollahs (notamment en lien avec leurs activités terroristes) afin de ne pas nuire à la pertinence d’une entente avec eux. Ce système de régulation via des rapports d’expertises (gestion des sanctions) permet également à Washington de marquer des pauses dans ses sanctions pour éviter la chute des mollahs.

Rien dans cette stratégie ne convient à la Russie : ni les sanctions, ni le dialogue avec son allié encore moins le changement de ton soudain de Washington. Elle suit le mouvement en s’opposant au choix américain du moment : elle s’oppose donc aux sanctions quand Washington les prône, puis quand Washington évoque la baisse des diverses menaces iraniennes pour justifier le dialogue, elle parle de ces menaces, et dans ce cadre, elle aborde la nécessité éventuelle des sanctions. Moscou est de fait un outsider actif dans une crise dont il n’a pas la gestion, un simple suiveur.

Etre un suiveur n’est pas idéal quand on a l’ambition d’être une grande puissance mondiale. C’est pourquoi récemment, estimant le combat perdu face à cette stratégie américaine très changeante, la Russie a tenté de bloquer la versatilité américaine en se disant définitivement en faveur des sanctions. Elle voulait empêcher les Américains de dialoguer en aparté avec les mollahs, mais n’a pas réussi : Washington continue sa politique. Elle s’est ainsi retrouvée sans le vouloir dans une position très figée, mais inefficace. Dans ces 2 articles publiés dans un journal idéologiquement proche des Etats-Unis, elle s’écarte de cette position en faisant appel à des expertises nuancées comme le fait Washington.

C’est une parfaite imitation, mais à l’envers puisque là où les rapports américains parlent des menaces iraniennes et de leurs urgences pour recommander la poursuite des sanctions et du dialogue conformément aux attentes de l’administration Obama, dans le cas des expertises russes, on est sur l’objectif de neutraliser la stratégie américaine de sanctions et du dialogue. C’est pourquoi l’article qui se dit en faveur des sanctions évoque la relative inefficacité des sanctions, et l’article qui se dit hostile aux sanctions n’est pas en faveur du dialogue, mais en faveur d’une acceptation des mollahs tels qu’ils sont, c’est-à-dire malgré leur implication sur tous les fronts terroristes du monde.

De deux expertises, celle-ci, qui a été publiée en premier par le Figaro, est la plus importante car en première mondiale, elle évoque sans exception et très explicitement toutes les activités terroristes des mollahs dont ne parlent jamais les expertises américaines de régulation des pressions sur les mollahs. Moscou a fait très fort avec son expertise à l’envers. Elle n’a pas nuancé sa prise de position en faveur des sanctions qui avait pour objectif d’empêcher les Américains de dialoguer avec les mollahs, elle a radicalisée sa position en évoquant ces activités terroristes qui rendent les mollahs politiquement impropres à toute entente.

Au lieu de tourner autour du pot, Moscou vient de frapper le cœur du dispositif américain : l’entente. Cette radicalisation est la preuve que Moscou juge les mollahs, ses alliés régionaux, sur le point de céder. Il abat ses dernières cartes qui les accusent de la rage pour empêcher Washington de profiter de la situation.


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