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Iran : De la nécessité du 8 mars !
09.03.2010

Bertrand Delanoë est choqué. Le régime des mollahs a « empêché la poétesse Iranienne Simin Behbahani de se rendre à Paris pour prononcer un discours sur le féminisme » à l’occasion d’une conférence organisée par la Mairie de Paris. Nous sommes aussi choqués, mais pas pour les mêmes raisons.



Le 8 mars, une date occidentale instaurée en 1921 par Lénine, ne représente rien pour les Iraniens de la rue. Si on leur demande, pour eux, la journée de la femme est sans nul doute le 17 Dey (le dixième mois de l’année iranienne) équivalent du 9 janvier, date à laquelle en 1936, l’incroyable Reza chah a émancipé la femme iranienne en abolissant l’obligation religieuse du port du voile en vertu de son attachement à la laïcité, un principe sans lequel les droits de la femme sont une fantaisie.

Cette date du 9 janvier 1936 n’est pas seulement reconnue par le peuple iranien comme une date fondamentale, mais aussi les intellectuels iraniens. À l’occasion de son anniversaire cette année, ils se sont tous exprimés pour saluer l’événement et rendre hommage à son auteur Reza Chah qui a non seulement aboli le port du voile, mais aussi imposé l’école obligatoire, laïque et mixte pour toutes les filles, une autre mesure laïque pour émanciper la femme iranienne. Il a aussi été le premier à recenser les femmes, composant jusque-là invisible d’une société figée sous le règne sans partage de la charia.

Ce 9 janvier 2010, deux groupes ont été silencieux à l’occasion de la commémoration de cet évènement historique et fédérateur qui prouve que le peuple iranien peut aussi avancer dans le sens de l’histoire : d’une part les mollahs rétrogrades et de l’autre, les Américains, qui rappelons-le les ont aidés à prendre le pouvoir en Iran en 1979 aux côtés de leurs propres pions islamo-fédéralistes.

Simin Behbahani a aussi été dans ce lot des silencieux ! Le fait n’a pas surpris les Iraniens car, chacun se souvient que cette femme présentée comme une grande féministe en Occident, avait soutenu Khomeiny et sa révolution islamiste en 1979 ! Elle s’était d’ailleurs distinguée en appelant toutes les femmes à porter le voile islamique, autrement dit à abolir leur propre émancipation, à creuser leur propre tombe, à légitimer le régime immonde qui allait venir pour réduire la femme à un sexe à déflorer à l’âge de 9 ans. Le silence de cette poétesse qui fait vibrer Delanoë n’a pas surpris les Iraniens car depuis 31 ans, elle œuvre pour cacher cette réalité sordide en animant des débats théoriques déconnectés de la très rude condition féminine iranienne dans tous les domaines.

Nous pouvons ajouter de ce fait, qu’il est plus que normal de la voir se taire le 9 janvier et s’agiter le 8 mars car le 9 janvier est l’antithèse de la condition actuelle de la femme iranienne, alors que le 8 mars est l’espace du débat théorique qui convient aux mollahs et à leurs partenaires commerciaux comme la France. La date du 8 mars est en fait une occasion pour clore les débats sur la condition féminine en Iran.

On retrouve Delanoë dans ce manège car la Mairie de Paris a des contrats de création de parcs et jardins en Iran et le monsieur a des ambitions nationales incompatibles avec un vrai intérêt pour la vraie condition féminine en Iran.

Cette nécessité de clore le débat a été aussi à l’origine du silence des Etats-Unis à propos du 9 janvier. Mais dans leur cas, le souci est plus pernicieux. En fait en tant que commanditaires de l’Etat islamique en Iran, les Etats-Unis craignent que les Iraniens ou encore leurs citoyens ne comparent l’Iran rétrograde actuel avec l’Iran du passé, qui est censé être plus rétrograde, mais en réalité ne l’est pas.

Cependant, dans leur cas, le souci dépasse l’Iran. Impliqués dans le monde, ils craignent tout débat sur l’histoire, ce qui a d’ailleurs motivé la campagne américaine autour de la théorie du complot, concept inventé par les Etats-Unis pour diaboliser tous ceux qui veulent un débat sur l’histoire. L’idée est d’abolir en fin de compte l’histoire.

Ainsi que l’on soit Iraniens, Parisiens ou Malaisiens, on sera identique : des consommateurs carpe diem de produits simples, formatés pour un plaisir immédiat. Une masse qui a peur de remettre en cause les modèles qu’on lui propose et qui a comme repères les mêmes films, séries ou music, donc les mêmes souvenirs de jeunesse, la même journée de la femme, la même journée de la presse libre, la même journée contre la peine de mort, la même journée des amoureux… C’est un système d’aliénation terrible doublement choquant puisqu’il abolit les identités et produit des sous-hommes. On ne peut pas féliciter ceux qu’ils l’ont imaginé pour nous rendre indifférents à la condition humaine, ni ceux qui y contribuent par goût, par facilité ou par ambition comme Bertrand Delanoë.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

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En savoir plus :
- Iran : La Femme dans la Constitution du régime des mollahs
- (10 mai 2007)

Les féministes made in Téhéran (1) :
- Iran : Le féminisme frelaté de la revue Zanan et la gauche française
- (1er février 2008)

Les féministes made in Téhéran (2) :
- Iran : Quelques vérités sur le féminisme de Shahla Sherkat
- (9 mars 2009)

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |

| Mots Clefs | Institutions : Misogynie Institutionnelle |