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Iran : Shirin Ebadi critique la folle politique de Bush
11.06.2007

Shirin Ebadi a récemment publié un article dans l’International Herald Tribune pour critiquer la politique américaine, sous le titre de : la Folle politique américaine de Bush en Iran. En réalité, le titre a été trompeur car les lecteurs ont dû penser que l’article critiquait une éventuelle option militaire envisagée par l’administration Bush, or il n’en était rien et Ebadi critiquait l’aide apportée par les Etats-Unis aux opposants hostiles aux mollahs pour rétablir une démocratie en Iran !... Décodage d’un article complexe |



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International Herald Tribune - Shirin Ebadi : The follies of Bush’s Iran policy (30.05.07) | La confrontation entre l’Iran et l’Occident a connu de nouveaux développements par la mise en détention de plusieurs intellectuels (universitaires, érudits), journalistes et militants politiques iraniens, qui ont longtemps vécu en Occident et se sont récemment rendus dans leur pays d’origine.

Parnaz Azima, reporter pour la Radio Farda financée par les Etats-Unis, qui diffuse des programmes persans en Iran, s’est vue interdire de quitter l’Iran depuis la saisie de son passeport (par les autorités) en janvier. Mernoushe Soulouki, un journaliste franco-iranien, n’a pas pu sortir du pays depuis Février. Haleh Esfandiari, directrice du programme « Moyen-Orient » au Centre d’étude international Woodrow Wilson basé à Washington, a été jetée en prison depuis le 7 mai. Kian Tajbakhsh, un expert réputé et chercheur de l’Ecole Nouvelle de New York est également aux arrêts depuis le mois de mai. (note I-R : à propos de ces arrestations)

Quelle peut bien être l’origine commune à tous ces événements ? Une part importante du problème relève de la profonde impopularité du Président Mahmoud Ahmadinedjad. Le rejet international de son Gouvernement devient de plus en plus forte, alors que les Iraniens reconnaissent les dangers de sa politique étrangère et on échec à surmonter les problèmes économiques.

En décembre, des étudiants des Universités l’ont contraint à interrompre son discours en hurlant : « mort au dictateur ! ». Le Parlement iranien l’a sévèrement critiqué. Aux récentes élections municipales, les candidats de la liste Ahmadinedjad se sont vus crédités d’à peine 4% de scrutins.

Les conservateurs qui dirigent l’Iran ont également durement sanctionnés. La faction la plus radicale conduite par Ahmadinedjad rencontre l’opposition farouche des plus modérés, la faction pragmatique, dirigée par le Président Rafsandjani, qui plaide pour un rapprochement avec le monde occidental.

Les arrestations récentes devraient partiellement être interprétées à la lumière (comme une réaction à l’ensemble) de ces évènements. Se montrant incapables de s’attaquer à l’accumulation des problèmes sociaux, économiques et politiques, les tenants de la ligne dure essaient de créer une nouvelle crise avec l’Occident, de façon à détourner l’attention des difficultés réelles que rencontre le pays.

Les récentes arrestations, notamment la mise en détention d’Hossein Moussavian, un ex-négociateur de la question du Nucléaire et un proche collaborateur de Rafsandjani, ne peuvent être interprétées que comme des mesures de représailles à l’encontre de l’aile modérée du Régime.

Mais la raison la plus importante est à chercher au cœur-même de la politique menée par le Président Georges Bush à l’égard de l’Iran. L’année passée, l’Administration a requis et reçu 75 Millions de $ de la part du Congrès, afin de promouvoir la Démocratie en Iran.

La majeure partie de ces 75 millions de $ a été transférée à la Radio Farda financée par des fonds américains, Voice of America et Radio Free Europe, qui ont étendu le rayonnement de la diffusion de leurs programmes en langue persane (farsi) en direction de l’Iran. D’autres parts ont secrètement été versées aux groupes d’exilés iraniens, à des personnalités politiques et à des organisations non gouvernementales afin qu’ils établissent des contacts avec différents groupes d’opposition iraniens.

Mais les réformateurs iraniens croient fermement que la Démocratie ne peut être importée. Elle doit être un phénomène endogène, Ils pensent que le mieux que Washington puisse faire pour eux serait de les laisser faire comme bon leur semble (note I-R : Rejet de toute ingérence même humanitaire !). Le fait est qu’aucun groupe authentiquement nationaliste et démocrate n’acceptera de tels fonds.

- Selon les accords d’Alger signés par les Etats-Unis (candidat Reagan) avec l’Iran, en novembre 1980, afin de trouver une issue à la crise des otages, la non-ingérence dans les affaires iraniennes est l’une des obligations légales de Washington.

La conséquence la dimension secrète de cette distribution des 75 millions de $ est surtout qu’elle a créé d’immenses problèmes pour les Réformistes iraniens, les groupes démocratiques et les militants des droits de l’homme. Inquiets par leur impopularité croissante, les tenants de la ligne dure sont paniqués à la perspective d’une révolution de velours et commencent à empêcher les contacts entre des universitaires, artistes, journalistes et militants politiques iraniens, et leurs homologues américains.

Ainsi la politique « d’aide » à la Cause de la Démocratie menée par Washington tourne mal. Elle rend plus difficile pour les factions plus modérées au sein de la hiérarchie au pouvoir en Iran d’argumenter en faveur d’un rapprochement avec l’Occident.

Le gouvernement iranien doit inconditionnellement libérer les détenus récents, et bien entendu tous les prisonniers politiques. Mais, en contrepartie, l’Administration Bush doit mettre fin à sa politique mal inspirée et déclarer immédiatement quels sont les organisations et les personnalités politiques qui ont bénéficiés des fonds de ces 75 millions de $. Cela prouverait que les universitaires, journalistes et d’autres figures qui se sont rendues en Iran n’ont rien à voir avec la politique de Bush en Iran.

En réalité, il n’y a pas d’aide apportée par l’administration Bush aux opposants iraniens. Bush et son entourage cherchent à arriver à une entente avec le régime des mollahs et ce pour contrôler le désordre du Moyen-Orient.

Pour les Américains, l’intérêt de l’Iran réside aussi bien dans ses ressources naturelles que dans ce régime qui est l’actuel arbitre du chaos dans ses pays limitrophes et au-delà. Pour arriver à cette entente, les Américains ménagent les faux opposants du régime qui jouent un rôle ambigu et continuent à recommander le dialogue en toute circonstance. Cette recommandation est aussi utile aux Américains qu’aux mollahs.

Comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises, cette communion de point de vue est secrète, en apparence les Américains font semblants d’aider les opposants : on peut appeler cette dualité « la méthode américaine ». Cette méthode suppose volontiers que le régime est composé de modérés et de durs. Cet article est une contribution à cette méthode américaine et perpétue des mensonges inventés par les mollahs et utiles aux Américains pour justifier le dialogue avec Téhéran.

Nous connaissons ces mensonges : Ahmadinejad est un fou et nous avons besoin des modérés comme Rafsandjani. Le régime des mollahs est en train d’évoluer vers une certaine forme de démocratisation grâce à des journalistes, des associations féministes, etc... »

Il est intéressant de rappeler à nos lecteurs qu’au moment des présidentielles en 2005, cette même Shirin Ebadi avait déclaré qu’elle boycottait les élections en raison de la participation de Rafsandjani qu’elle qualifiait de corrompu (mais pas d’assassin malgré ses mandats d’arrêt internationaux).

Mais aujourd’hui, Ebadi parle de Rafsandjani comme d’un dernier recours et le place parmi la cohorte des réformateurs de l’intérieur !

Contrairement à ce que peut penser un observateur occidental, il n’y a pas de retournement de veste, les « opposants officiels » n’ont pas de convictions politiques, ils disent ce que l’on leur dit de dire.

Si aujourd’hui c’est Ahmadinejad qui joue le rôle de bouc émissaire, il fut un temps où c’était Rafsandjani qui était dans ce rôle. Un des plus réputés des faux opposants, Ganji a bâti sa carrière internationale sur des séries d’articles très hostiles à Rafsandjani. Aujourd’hui, installé aux Etats-Unis, Ganji défend Rafsandjani car les priorités du régime ont changé. Pourtant le dossier de Rafsandjani est le même. Cet article iranien (de Shirin Ebadi) est une nouvelle étape de réhabilitation internationale de Rafsandjani et c’est un quotidien américain qui le publie.

Cet article renferme deux autres trouvailles complémentaires susceptibles de convenir à la méthode américaine de dialogue avec les mollahs. Les deux concernent les medias en langue persane qui diffusent aux Etats-Unis.

Les 3 médias cités par Ebadi (et qui auraient bénéficié d’une importante aide) sont des équivalents de RFI en France. Les Etats-Unis ont donné de l’argent à leurs propres médias qui sont d’ailleurs loin d’être hostiles au régime des mollahs et ont des lignes éditoriales susceptibles de ne pas associer le régime des mollahs et ses dirigeants à des affaires terroristes ou à de graves violations des droits de l’homme comme la dépénalisation de la pédophilie.

Les programmes de ces médias sont axés sur les réformes ou l’arrêt des réformes ou encore sur des sujets culturels (comme les derniers films projetés aux Etats-Unis).

Ces sujets sont très loin des attentes contestataires des Iraniens. En accusant ces médias incolores et inodores d’ingérence hostile à l’égard des mollahs, ce texte dicté par Téhéran cherche à leur donner plus d’importance qu’ils n’en ont.

Il y a là un processus similaire à la fabrication des faux opposants. Des médias insipides sont présentés comme étant des vecteurs de changements et des lecteurs du Herald Tribune qui aimeraient aider les opposants aux mollahs seront canalisés dans une mauvaise direction et soutiendront l’aide à des stations qui ne font rien contre les mollahs.

Le second élément évoqué par Ebadi est un engagement pris sous Reagan qui interdit aux Etats-Unis de chercher à renverser le régime des mollahs. Cet accord, bien que tombé dans le domaine public, n’est jamais mentionné par les médias américains ou par l’administration américaine elle-même.

Ebadi joue les électrons libres et rappelle cet accord aux lecteurs américains du Herald Tribune. L’objectif est de créer une vague de protestations parlementaires aux Etats-Unis afin de donner une enveloppe légale à une réorientation possible de la diplomatie américaine à l’égard des groupes ou médias indépendants hostiles au régime des mollahs.

Après avoir remplacé des vrais opposants par des faux opposants résidant en Iran ou par des lobbyistes résidant aux Etats-Unis, on cherche à substituer des médias mous à la place des indépendants afin qu’il ne reste en lice que des personnages en faveur du dialogue avec les mollahs.

Est-ce que pour autant les Américains arriveront à sceller une entente globale avec les mollahs ?

Nous en doutons : l’opération sera parfaite uniquement pour les mollahs car elle éliminera une opposition efficace bien que démunie. En revanche, les Américains risquent de renforcer les mollahs sans rien obtenir en échange.

Cet article est un effet indésirable de la persistance des Américains dans une diplomatie erronée d’entente avec les mollahs. Cette diplomatie est une erreur et sa méthode une catastrophe, mais là encore la faute en revient aux Américains et non aux mollahs ou à leurs agents comme Ebadi qui propose d’étouffer la voix des opposants.

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En savoir + sur ce projet d’arrangement avec les mollahs (en tant que chiites) :
- L’Iran et le Hezbollah épinglés par le rapport annuel sur le terrorisme
- (02.05.2007)

| Mots Clefs | Réformateurs : Shirin Ebadi |

| Mots Clefs | Resistance : FAUSSE(s) OPPOSITION(s) |